Avignon 2019. « Claudel » texte et m.e.s. de Wendy Beckett

— Par Dominique Daeschler —

Ce Camille Claudel, à la distribution cosmopolite, doit beaucoup à la complicité entre deux artistes australiennes : la chorégraphe Meryl Tankard et l’autrice, metteuse en scène Wendy Beckett. L’une, membre éminent de la compagnie de Pina Bausch, directrice un temps de l’Australian Dance Theater apporte son sens inné des rencontres entre art visuel, théâtre et danse. L’autre, autrice féconde et férue de littérature et de science, est avec cette pièce au cœur d’un de ses axes de recherche : l’exploration des possibilités artistiques données par les ressorts psychologiques d’une biographie. Nous voilà dans l’atelier, avec les modèles – comme autant de sculptures dansantes, indociles car à façonner, libres comme Camille. Fière, arrogante, sûre de son talent, elle en jette Camille (belle interprétation de Célia Catalifo). Les obstacles sont multiples : une société bloquée quant à la place des femmes surtout dans une discipline dite masculine, la désapprobation d’une mère bourgeoise que Paul le pleutre rejoindra plus tard dans la décision d’enfermer Camille, la lâcheté de Rodin dans le rapport amoureux et déjà sa jalousie dans la reconnaissance d’un grand talent, la mort du père, autant d’éléments qui vont déstabiliser Camille qui se brûle. Les lettres de Camille, vues dans le cadre d’une exposition à la prison désaffectée Ste Anne il y a quelques années, attestent le plus souvent d’un esprit lucide qui appelle au secours. Bien sûr, on ne peut manquer d’évoquer le livre et le travail théâtral d’Anne Delbé qui, il y a plus de trente ans fut le premier à mettre en valeur Camille Claudel.

Du tandem Tankard-Beckett, on retiendra comment sont associées formes et mouvements pour dire à travers la sculpture, les sentiments de Camille. La lumière, les ombres, les textures, les nuances des matières, les projections visuelles contribuent aussi à donner la richesse d’un monde intérieur qui va se déliter. Une équipe aguerrie, d’un grand professionnalisme, au service d’un propos clair et précis dans ses intentions, contribue à faire de cette création un petit bijou.

D.D.