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Venus noire
Créer une œuvre d’art visuel est un acte éminemment politique. Dans les enjeux de pouvoir, les images jouent aujourd’hui un rôle prépondérant. Pourtant elles se réduisent la plupart du temps à des écrans vides voilant le réel et représentant des visions appauvries, ponctuelles et limitées. Elles sont diffusées de telle manière qu’elles s’imposent, hypnotiques, paralysantes, dans l’intimité de chacun. Pour la première fois peut-être dans l’histoire humaine, elles envahissent le champ de vision, pléthoriques et aveuglantes illusions. Les outils permettant de les réaliser comme les logiciels informatiques et les appareils de toutes sortes, sont eux-mêmes conçus à partir de points de vue restreints sur le monde. Les images pourraient-elles remplacer le réel ? Il semble parfois que les experts en communication tentent de nous faire croire qu’elles en sont des représentations fidèles qui peuvent, elles, être consommées en toute sécurité. N’est-il pas étrange de constater que de nombreux individus semblent préférer la relation à l’image, à l’expérience sensible du réel ? Une véritable dictature de l’image asservit de plus en plus efficacement les imaginaires. Limitée et cadrée dans le rectangle de l’écran, elle s’impose au centre des champs de vision.






Dans un précédent livre consacré à l’œuvre de Serge Hélénon, Daniel Radford introduit sa contribution en ces termes : « L’œuvre d’art est-elle muette, qu’elle ait besoin d’un texte qui la renforce et qui l’anime ? Souvent le mot l’endort, l’anesthésie, fouille à côté et, par redondance, la tue. Rien n’est plus beau qu’une peinture qui se raconte toute seule car tel est son destin, et le risque du peintre. Le mot accapare son espace et, voulant la dévoiler, lui vole sons sens et invente un discours à partir de sa forme.»
A partir de matériaux de récupération apparemment hétéroclites et improbables, Serge Hélénon s’attache à produire de l’harmonie, de l’émotion. D’abord en les associant, en les combinant, ensuite en les peignant.
Comment s’y retrouver dans le foisonnement des discours de la critique autour de l’œuvre d’art ? Entre autres qualités, l’ouvrage de Dominique Berthet fournit à la fois les moyens d’une orientation et l’occasion d’un questionnement de la « relation particulière qu’entretient celui qui projette de parler d’une œuvre avec l’œuvre elle-même » (p. 7). N’hésitons pas à saluer d’emblée l’agencement du texte : l’auteur réussit le tour de force de présenter une progression à la fois historique et analytique. D’une part, trois grandes figures littéraires – Lessing, Diderot, Baudelaire – sont l’occasion d’une archéologie des enjeux de la critique d’art. Ensuite, dans un chapitre en épi, D. Berthet fait dialoguer les apports méthodologiques de Panofsky et Francastel. Enfin, après cette clé de voûte quasiment épistémologique, l’auteur termine l’autre partie de son cintre par trois chapitres résolument tournés vers la critique contemporaine. C’est dire que cet ouvrage présente une réelle architecture qui, dans sa composition même, jette un pont entre une tradition et notre contemporanéité. 



C’est une profonde émotion que d’entrer dans la très belle et très lumineuse Galerie « Arts Pluriels », et d’y serpenter entre les saisissantes pièces réalisées par Kanel Brosi et Brigitte Lamure. Et c’est vrai qu’il est surprenant d’admirer, dans une permanente tension érotique, la ronde quasiment ininterrompue des formes joliment dessinées et des chairs élégamment façonnées des corps féminins, par deux femmes artistes. Dans les bois et les couleurs, à travers les protubérances et les cavités, c’est effectivement la femme qui est chantée, représentée et encensée par les mains magiques des deux sculptrices qui ont su, en récupérant de belles matières nobles comme le bois et en y ajoutant des pigments, nous offrir des symboles de beauté dans un émouvant ballet de statuettes, qui semblent danser dans le brun et l’amarante, dans le noir et dans l’incarnat.
