Avignon 2017 (8) « Juste la fin du monde », « La Princesse Maleine »

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce (OFF)

— Par Selim Lander —

Grâce au film de Xavier Dolan Juste la fin du monde est la pièce la plus connue de J.-L. Lagarce, désormais révérée tant par les cinéphiles que les théâtreux. Cette histoire dans laquelle une famille se déchire était faite pour Dolan et l’on comprend qu’il s’en soit saisi mais cela n’obère en rien sa carrière au théâtre. En témoigne cette nouvelle mise en scène de Jean-Charles Mouveaux (après une première tentative en 2004).

Aucun souci de réalisme ou d’esthétisme dans le décor, ici. Fait de tables empilées, il permet simplement aux comédiens de se placer les uns par rapport aux autres à des hauteurs différentes  et de mieux faire entendre le texte. Et c’est bien le texte qui importe chez Lagarce, non seulement à cause de la langue, inimitable, faite de répétitions, ou plutôt de repentirs constants à l’intérieur d’une même réplique, mais encore des sentiments qu’il véhicule, qui se précisent peu à peu chez les différents personnages et nous les rendent de plus en plus familiers, de plus en plus humains.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas la pièce, on peut rappeler l’argument. Louis, le fils aîné d’une fratrie de trois est devenu un  écrivain célèbre et n’est jamais revenu dans sa famille depuis de longues années. Ce jour-là, il est de retour et nous savons depuis le monologue inaugural qu’il est venu annoncer sa mort prochaine. Il repartira pourtant sans avoir rien dit. En effet, si Lagarce lui a ménagé plusieurs monologues adressés au seul public, il en a fait un être incapable de parler simplement aux siens au-delà de quelques réponses lapidaires. Poussé par la mère, son unique tentative de communiquer, en direction d’Antoine, le frère cadet, sera un échec.

La pièce n’en est pas moins bavarde : nous sommes chez Lagarce ! Et l’on se régale, par exemple, d’entendre ou de réentendre les morceaux de bravoure comme celui dans lequel la mère raconte à la famille réunie les promenades dominicales en voiture du temps où les enfants étaient petits et le père toujours de ce monde. « Le dimanche… Nous avions une voiture… »

Autant dire qu’une telle pièce qui joue sur les mots (sans jeu de mots !) réclame des comédiens affutés. Deux sortent du lot : la mère (Chantal Trichet) et Antoine (Philippe Calvario), le personnage principal, le fauteur de troubles.

 

La Princesse Maleine de Maurice Maeterlinck (IN)

Hélas ! Que dire de plus après cette version massacrante de La princesse Maleine par Pascal Kirsch. Maeterlinck, certes, est étiqueté auteur symboliste ce qui autorise bien des libertés. Et nous sommes habitués, aujourd’hui, aux metteurs en scène qui plaquent leur interprétation personnelle sur les textes au point de les rendre méconnaissables. Tout est permis… tant que le spectacle est là. Or, une fois installée la situation par un meneur de jeu parfaitement convaincant, la suite ne cesse de péricliter dans la création de Pascal Kirsch.

Fallait-il ressusciter Maeterlinck ? La question ne sera pas tranchée par cette version de la pièce. Selon le metteur en scène « le texte a une dimension érotique et charnelle beaucoup plus grande que la verticalité qu’on lui appose jusqu’alors par le symbolisme » (sic). Eh bien, misez donc sur l’érotisme, a-t-on envie de lui dire, mais nous ne voyons que des simulacres ridicules. Et « la part comique » que souligne le metteur en scène ? Si les répliques à intention comique ne manquent pas dans le texte, P. Kirsch en fait simplement des moments où l’on s’agace de la bêtise de personnages incapables de voir ce qui leur crève les yeux. Ces passages, à vrai dire, se prolongent si longtemps qu’on se demande s’il serait même possible d’en tirer quelque chose d’intéressant. En optant carrément pour la farce ? Peut-être.

Que peut-on sauver de ce spectacle en dehors du prologue ? Les projections sur quatre écrans d’images de nature ? Les vagues de la mer, le vent dans les branches. Peut-être mais où est le théâtre là-dedans ? Les blocs de glace qui fondent et coulent sur la scène, les seaux d’eau renversés, les comédiens dégoulinants ont peut-être leur intérêt pour ces derniers vu le climat d’Avignon en été. Mais à part ça ?