Où il sera parlé d’oppression, de résistance, de femmes debout et de liberté conquise !

–– Par Janine Bailly ––
Comme chaque année, le Festival TNB – théâtre, danse, cinéma, musique, performance – est venu illuminer, sur une période de dix jours, un mois de novembre breton partagé entre tempêtes intrusives et surgissements brefs de soleil. Difficile de faire ses choix, difficile de ne pas ressentir quelque frustration tant le programme s’est une fois encore avéré riche, divers, souvent surprenant, et réparti dans la ville, en des lieux autres que les trois salles du Théâtre National de Bretagne. Par bonheur, il est des médias qui vont s’aventurant hors du territoire parisien. Ainsi du magazine Les Inrockuptibles, dont le Cahier complémentaire fut fort utile à guider le spectateur dans ce labyrinthe de spectacles, de textes connus ou à connaître, de comédiennes / comédiens et metteurs / metteuses en scène célèbres ou à découvrir. Un éventail large ouvert, de la proposition la plus ésotérique – dans Grand Palais, de Julien Gaillard et Frédéric Vossier, l’improbable rencontre du peintre Francis Bacon et de son amant George Dyer – au spectacle le plus intimiste, le plus simple en apparence, celui que donne, seule en scène, Yasmine Yahiathène dans La Fracture.

Représentée pour la première fois en France¹ en avril 1966 au théâtre de l’Odéon, par la compagnie Renaud-Barrault, dans une mise en scène de Roger Blin, la pièce intitulée Les Paravents, de Jean Genet – ce grand écrivain de la marginalité –, fit en raison de son sujet, scandale auprès des défenseurs de l’Armée, commandos de parachutistes ou anciens combattants nostalgiques d’Afrique du Nord et d’Indochine : si la guerre d’Algérie, terminée depuis quatre ans, n’est pas explicitement nommée, elle infuse bien dans toute la pièce… Le scandale fut tel qu’André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, intervint dans une Assemblée houleuse afin de calmer cette agitation de mauvais aloi ! En 1983, la reprise de la pièce par Patrice Chéreau, au théâtre des Amandiers de Nanterre², provoquait encore des remous, et certains soirs, relate la comédienne Dominique Blanc, il fallait d’urgence quitter les lieux, en raison d’alertes à la bombe.




La soumission à laquelle les femmes furent, au long des siècles, contraintes. La soumission à laquelle les femmes peuvent encore être forcées, selon le pays où elles vivent, la fonction qu’elles occupent au sein de la société, l’environnement politique, culturel, religieux qui est le leur : le théâtre, quand il s’inspire intelligemment de la réalité, sait la dénoncer, et cela sans exclure humour, poésie ni qualité littéraire.







C’est sans conteste la représentation de La Ronde, dans la mise en scène singulière d’Arthur Nauzyciel, qui marquera l’acmé de ce Festival TNB 2022. Imaginée en 1897, publiée en 1903, censurée en 1904, la pièce de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler ne put – bien qu’ayant été un immense succès littéraire – être créée à Berlin qu’en 1920, à Vienne en 1921. Elle suscita alors de telles critiques et attaques antisémites contre son auteur, traité par la presse viennoise conservatrice de « cochon de littérateur juif », qu’il préféra en interdire lui-même les représentations. Plus tard, le livre serait aussi un des premiers brûlés dans les autodafés nazis.
Nous voici, selon un rituel bientôt immuable, conviés à Rennes au Festival de rentrée du TNB (Théâtre National de Bretagne). Festival arc-en-ciel car dans sa corbeille cohabitent théâtre, danse, cinéma, musique et art de la performance. Arc-en-ciel car ouvert à des artistes venus de tous horizons. Arc-en-ciel car, curieux et sans craindre la prise de risque, aux côtés de troupes et artistes reconnus le Festival donne à d’autres la chance de se montrer et de conquérir un public toujours présent. Et en tous lieux – puisque la manifestation, loin de s’enfermer dans la seule structure du TNB, voyage en différents quartiers de la ville – c’est plaisir de voir les têtes chenues se mêler à nos “chères têtes blondes”…
–– Par Janine Bailly ––



