Au cœur des favelas brésiliennes

Brésil : dans la favela, la vie est encore plus dure avec le coronavirus !

D’après « Challenges »

Par AFP le 08/04/2020- Mauro Pimentel

Les habitants de la Cité de Dieu, une favela emblématique de Rio de Janeiro, au Brésil, sont face à un choix impossible : s’ils sortent, ils s’exposent au coronavirus, s’ils restent chez eux, ils risquent de mourir de faim.

Ce quartier populaire de l’ouest de Rio, situé non loin du Parc Olympique qui a accueilli les JO-2016, est devenu célèbre dans le monde entier grâce au film éponyme de 2002. Sur l’affiche originale du film « Cidade de Deus » (« La Cité de Dieu »), on pouvait lire en sous-titre: « Si tu t’enfuis, la bête va t’attraper, si tu restes, elle te dévore ». Un slogan tristement actuel en ces temps de pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, dans cette favela on survit grâce à l’aide alimentaire fournie par une ONG, qui distribue les denrées nécessaires aux habitants affectés par les restrictions dues au coronavirus. 

Les favelas regroupent près d’un quart de la population de la ville de Rio de Janeiro, soit 1,5 million de personnes vivant pour la plupart dans des conditions insalubres. La distanciation sociale recommandée pour éviter la propagation du virus est un défi quotidien dans ces quartiers très densément peuplés, où des familles nombreuses vivent souvent dans une ou deux pièces. « Des familles entières s’entassent dans de petites maisons sans tout à l’égout, et parfois sans eau courante. » 

La plupart des habitants travaillent dans le secteur informel et ne peuvent plus gagner leur vie s’ils restent confinés… « Ici, beaucoup de gens travaillent pour leur propre compte, ils sont coiffeurs, manucures, ils ramassent des canettes pour les faire recycler, sont vendeurs ambulants sur la plage », explique à l’AFP Samantha Messiades, la fondatrice de l’ONG Ligação Cultural (Connexion culturelle). « Tous ces gens sont privés de revenus et ont besoin d’aide de toute urgence », ajoute-t-elle.

À l’origine, son ONG proposait des activités culturelles pour les enfants de la Cité de Dieu, où vivent 37.000 personnes. Mais ces derniers jours, les cours de musique ou de théâtre ont été remplacés par des tournées de distribution de nourriture ou de produits de première nécessité à 800 familles, ce qui est possible grâce aux dons d’autres associations, d’églises, ou de particuliers.

Car en ces temps de pandémie, où l’hygiène s’avère plus urgente encore qu’à l’habitude, il n’y a pas que les denrées alimentaires, hélas, qui viennent à faire défaut : « C’est très important, ce sont des produits de grande valeur pour nous », dit Monica Oliveira da Silva, une femme de ménage qui attend son tour pour recevoir du savon et quelques aliments non périssables. Les files d’attente sont compactes et de nombreux habitants sont venus avec des bébés ou des enfants en bas âge. « Les pauvres n’ont pas de revenus, encore moins d’économies. Mes enfants ne peuvent pas travailler, tout le monde a besoin d’aide », déplore Maria de Fatima Santos, une femme retraitée.

 

Dans les favelas du Brésil, les pauvres doivent se débrouiller seuls

D’après Ouest-France.  Publié le 15/04/2020 à 08h30

Louise Raulais, correspondante au Brésil.

Dans les quartiers défavorisés il est difficile de respecter les mesures de confinement et d’hygiène… Les habitants craignent le pire et tentent de lutter, seuls.

« Rafael, j’ai besoin de savon », interpelle une femme, la mine inquiète, à la porte de sa maison faite de planches de bois et d’argile. Depuis le début de la crise, Rafael Rodrigues parcourt inlassablement les ruelles de Babilônia, une favela de près de 3 000 âmes surplombant la plage de Leme, une des cartes postales de Rio. Pour aider ses voisins.

Dans ces quartiers défavorisés, le coronavirus n’a fait officiellement, à Rio, « que » cinq morts (23 830 cas et 1 355 décès dans le pays), mais il a accentué les difficultés économiques et le chômage. Ici, la plupart des habitants travaillent au noir, dans le « secteur informel ». Ou plutôt travaillaient !

Un témoignage : « Je suis désespéré »

Flavio était barman sur la plage de Copacabana. Mais tout rassemblement y est désormais interdit. « Je n’ai plus d’argent, je suis désespéré. J’ai besoin de travailler parce que je ne peux pas rester chez moi avec ma femme, mon fils et un frigo vide », raconte Flavio, en récupérant un panier alimentaire auprès de Rafael. Ce dernier fait partie de l’association des habitants de Babilônia qui, grâce à des dons, distribue des produits de première nécessité.« Apporter de la nourriture est le seul moyen pour que les gens restent confinés », indique Rafael. Le salaire de solidarité (soit 110 € par personne pour trois mois) annoncé par le gouvernement, commence tout juste à être versé.

Un appel lancé… aux trafiquants de drogue !

« On espère que le gouvernement va nous aider… Mais il ne vient jamais ici », souffle un autre habitant. L’État est absent dans ces quartiers, au point que le Ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, a annoncé le 8 avril vouloir dialoguer avec… les trafiquants de drogue et les milices qui contrôlent les favelas. Pour mieux lutter contre l’épidémie : « Ce sont des êtres humains et ils doivent aussi aider, participer… ».

Pendant ce temps, Jair Bolsonaro continue de minimiser la crise. Le président d’extrême-droite a admis que l’épidémie, qu’il qualifiait de « petite grippe », est « le plus grand défi » posé à sa génération. Mais il critique toujours les confinements mis en place par la majorité des États Fédérés depuis la mi-mars. Avec des conséquences : les Brésiliens retournent dans la rue et certains commerces ont rouvert leurs portes.

(Janine Bailly. Composé à partir de Ouest-France et de Challenges)

Fort-de-France, le 15 avril 2020