Eau potable encore une fois rationnée : cette fois c’en est trop !

Saviez-vous qu’il existe un carême en Martinique ?

Par Gilbert Pago —

En plein confinement face au Covid 19, il n’y a pas d’eau aux robinets d’une large partie de la population qui en sollicite pour sa protection sanitaire. Elle en a aussi besoin, pour ses obligatoires nécessités quotidiennes. Ce serait la faute de l’extrême carême de cette année, affirment les fermiers distributeurs d’eau (Odyssi, SME,SMDS). Ah, la bonne blague !

Notre traditionnel carême existe dans toute la Caraïbe et est connue depuis les débuts de l’installation des Amérindiens. Sa persistance est à mettre en parallèle avec les saisons cycloniques annuelles, les raz de marée, les moments prolongées de pluies diluviennes suivies d’inondations et d’éboulis, les épisodes de tremblements de terre ou les éruptions volcaniques et depuis quelques temps les vagues de sargasses et de sables sahariens. Ce rappel est fait pour leur dire de ne pas continuer à se jouer de nous. Ils avaient l’obligation incontournable de se prévenir du phénomène naturel récurrent de la sécheresse qui n’a absolument rien d’un mystère nouveau.

Dans la très vieille antiquité, plusieurs siècles avant notre époque, les humains sous leurs autorités politiques faisaient traverser en pleins déserts des conduites d’eau pour l’irrigation et l’alimentation de leurs oasis (voir Palmyre en Mésopotamie). Ils le firent pour les aqueducs dans l’immense empire romain trans-méditéranéen, ou les régions sèches pentues des huertas ibériques et provençales. Tout ceci se faisait sous le strict et incontournable contrôle de l’autorité politique et échevinale car il s’agissait de questions essentielles à la santé, à la vie sociale et à l’activité économique.

POURQUOI DES PRIVÉS POUR UN BIEN PUBLIC ?

Dans notre pays, une insigne culpabilité politique liée aussi à une intolérable imprévision a malheureusement choisi d’attribuer aux fermiers distributeurs d’eau, entreprises PRIVÉES, des délégations de service pour ce service PUBLIC. Ces négociants assimilent l’eau, notre bien naturel commun à une énième marchandise devant d’abord rapporter des profits.

Les communautés de communes (CACEM, CAP NORD, ESPACE SUD) sont les donneurs d’ordre affectant les délégations de service public (DSP) quand dans le même temps, ces fermiers sont totalement assujettis, par exemple à la « Lyonnaise des eaux » et autres SUEZ. Ces ogres interviennent dans leur administration, leurs investissements, leurs budgets de maintenance, d’entretien et dans leurs trésoreries. Les vrais comptes se font en France dans les bureaux des spéculateurs de haut vol de ces maîtres de l’eau ; la Martinique devenant le lieu où on facture à un des plus hauts niveaux.

Ni l’office départemental de l’eau (O.D.E), ni Marie-France Toul à la tête du CEB de l’assemblée de Martinique, ni la CTM propriétaire de l’usine de capture d’eau de Vivé, et ni mêmes les donneurs d’ordre que sont les communautés de communes, ne sont en situation de s’imposer auprès de ces trois sociétés de distribution. Or, l’ex conseil général avait construit à Vivé une importante capture d’eau chargée de fournir toute la Martinique. Cette structure dont Claude Lise reste encore le président du conseil d’administration, a connu en 2009 (aggravée en 2013) une forte panne de son réseau de distribution, avec de graves aléas quant aux réparations, tant par l’ex conseil général (Claude Lise et Josette Manin), que par la CTM.

Une polémique est née autour du grave litige entre le propriétaire terrien béké qui en se faisant indemnisé, s’est attaché à se remplir les poches et la CTM qui a dans ce contexte, très fâcheusement tardé à entamer les travaux dont l’urgence s’affirmait. Ceci n’enlève rien aux importantes responsabilités des distributeurs d’eau, qu’il ne faut pas laisser de côté, ni à l’inadmissible situation qui amène les collectivités gérantes de fonds publics à financer les infrastructures données quasiment gratuitement aux arnaques de groupes privés.

QUELQUES INCONTOURNABLES INTERROGATIONS !

1)Est-il vrai qu’Odyssi refuse d’acheter l’eau de Vivé ( malgré les fuites, on pourrait tout de même en avoir) estimant que c’est trop cher ? Si c’est le cas, c’est inadmissible, et voilà maintenant que le covid 19 pèse lourdement.

2)Est-il établi que Vivé produit encore assez d’eau, qui pourrait être distribuée en peu de temps, par une quatrième canalisation provisoire ( dont on a calculé le coût) pour fournir toute la Martinique ?

3)Est-il établi que pour encore des raisons de gestion rapace, les distributeurs d’eau n’ont pas fait les réparations de leurs réseaux de distribution, surannés et hors de bonne maintenance, ni exploité les forages de Cœur Bouliki qui devaient être commencés en 2014, ni réparé les citernes collectives dont il faut continument vérifié l’état, ni coordonné les réseaux de distribution  concurrents entre les trois groupes de distributeurs?

4)Est-il établi qu’ils ont refusé de construire les nouvelles citernes collectives exigées depuis plus de 30 ans, alors qu’ils ont les autorisations accordées par la DEAL ?

5)Pourquoi donc en utilisant l’eau des rivières jusqu’à 70% en période d’abondance et au-delà des 90% en temps de sécheresse, ces fermiers contreviennent à la protection de la biodiversité de nos rivières, ils se savent en contravention mais refusent de faire les travaux qui préserveraient notre cadre de vie ?

NOS INSISTANTES REQUÊTES

Rappelons, dans la longue bataille pour une eau de qualité, pour une gestion transparente et avantageuse pour la population, aux multiples aspects et aux nombreux acteurs, deux épisodes édifiants :

A) – le mouvement de 2009 avait mis en en avant la revendication d’une RÉGIE UNIQUE PUBLIQUE DE L’EAU pour toute la Martinique.

B) – La grande grève qui a secoué la SME, le mouvement syndical avait mis sur la place publique la pwofitasyon organisée par les fameux fermiers, très larges avec leurs cadres, peu regardants sur la corruption par eux de certains élus mais fort pingres avec les salariés et la clientèle !

  1. La population toute entière à travers nos syndicats, nos associations écologistes et autres citoyenne, les communautés de communes et la CTM proclame : Oui à un SERVICE PUBLIC DE L’EAU POUR UN PRIX UNIQUE ET MODÉRÉ DE L’EAU sur tout le pays  ! Non aux sociétés privées qui colonisent un bien commun vital.
  2. La population attend pour les jours qui viennent ( À RÉQUISITIONNER ET À ACHETER EN URGENCE) les citernes d’approvisionnement en eau potable.
  3. La population attend pour les jours qui viennent la QUATRIÈME CANALISATION PROVISOIRE de l’eau de Vivé assurant une distribution à toute la Martinique.
  4. Les familles défavorisées veulent la GRATUITÉ DES 40 PREMIERS MÈTRES-CUBES D’EAU.
  5. La population exige pour le court terme, la construction de RÉSERVOIRS COLLECTIFS D’EAU POTABLE.
  6. Les petits agriculteurs en productions vivrières et maraîchères, veulent dans le court terme, en période de sécheresse les conduites réalimentant le barrage de La Manzo (dont il faut ASSURER LA MAINTENANCE EN PERMANENCE ) et les RETENUES COLLINAIRES du sud. L’accès doit en être peu onéreux.

Fort de France, le 14 avril 2020. Gilbert Pago