— Par Jean-Marie Nol – Economiste financier —
Alors que le pouvoir d’achat des Guadeloupéens et des Martiniquais stagne, que le chômage ne cesse de progresser et que les problèmes économiques et sociaux s’aggravent, les exécutifs de Guadeloupe et Martinique et leurs oppositions respectives persistent dans les cancans et les invectives à propos de problèmes budgétaires, et ce alors que la Région Guadeloupe et la Collectivité de Martinique figurent parmi les plus endettées de France . Les hommes et femmes politiques de la Guadeloupe et de la Martinique ne sont pas conscients qu’ils sont dans la situation d’un alpiniste qui est sur une paroi très raide et qui ne sent pas que les prises sont en train de lâcher : ont-t-il bien pris la mesure de la crise à venir en 2017 du fait de la réduction des dotations de l’Etat et de la progression inéluctable des dépenses notamment sur le plan social ?
Après avoir examiné dans le détail les finances des collectivités de Guadeloupe et Martinique, ainsi que leurs évolutions au cours des dernières années, et à la lecture de ces données, on peut sans conteste affirmer que le constat est préoccupant pour l’avenir.
On peut ainsi résumer le schéma à l’œuvre jusqu’à maintenant dans la plupart des régions et collectivités : des dépenses en hausse, des recettes en baisse et, enfin, une progression de l’endettement. C’est une impasse : le fonctionnement chasse l’investissement, la dette chasse la croissance… Contrairement à l’État, les communes, départements et régions ne peuvent s’endetter que pour investir. Si leur dette croît, c’est parce qu’ils réussissent de moins en moins à financer leurs projets par des ressources propres. Est-ce à dire que les nouveaux exécutifs de Martinique et Guadeloupe vont pouvoir envisager leur mandat sans aucune inquiétude pour les comptes de leur collectivité ? Rien n’est moins sûr. Les tendances observées ces dernières années sont même sans équivoque : l’équation budgétaire se complique de plus en plus. Les dépenses progressent plus vite que les recettes, une situation d’autant plus préoccupante à nos yeux que les dotations de l’État diminueront d’une trentaine de millions d’euros par an de 2016 à 2017 pour les 2 collectivités de Martinique et Guadeloupe .
– Une région Guadeloupe dont l’endettement progresse d’année en année : 311 millions d’euros à la fin 2015, soit un encours de la dette de la Région remboursable en 5,2 années .
– Une collectivité de Martinique dont l’endettement a explosé sur la dernière mandature : La région Martinique est devenue, en moins de 3 ans, la 5ème région la plus endettée de France , (si l’on considère le montant par habitant), après la Corse, la Guyane, la Guadeloupe et le Nord-Pas-de-Calais .
Pour la Martinique , la dette moyenne par habitant s’élève ainsi, à la fin de l’année 2013, à 470€ par habitant, soit près de deux tiers de plus que la moyenne nationale (hors Corse et Île-de-France – 285€/habitant).
Pour la Guadeloupe ,la dette moyenne par habitant s’élève ainsi, à la fin de l’année 2013, à 549 euros par habitant, soit près du double de la moyenne nationale (hors Corse et Ile-de-France – 285 euros/habitant).La région Guadeloupe dispose ainsi, en dette par habitant, du 3ème montant le plus élevé au niveau national, après la Corse et la Guyane.
En 2015 l’endettement par habitant a fortement augmenté / 678 euros : moyenne nationale / 201 euros
Une dette qui augmente de plus de 5% par rapport à l’année dernière, et qui reste supérieure de loin à la moyenne de toutes les régions. En 2016, les annuités de la dette représenteront un coût par habitant de près de 100 euros, soit plus de 10 fois plus que la moyenne nationale constatée en 2013 (8 euros/habitant).
Certes , ce dernier critère d’analyse du ratio d’endettement n’est pas réellement satisfaisant.
De meilleurs critères seraient ceux du délai moyen de capacité de remboursement ( dette / capacité de remboursement ) ou encore montant de l’échéance sur PIB / Hab .
Celà étant dit , en l’absence de réactions salutaires, tous ces critères peuvent être que plus défavorables encore en 2017. Malgré des recettes contraintes, les dépenses des régions et collectivités continuent cependant de progresser, principalement sous l’effet des dépenses de fonctionnement, et en particulier des dépenses de personnel. Entre 2009 et 2013, les dépenses de fonctionnement de l’ex-région de Martinique ont augmenté de 80% tandis que les dépenses d’investissement ont crû de 28,7% . L’ensemble des composantes des dépenses de fonctionnement est en hausse : les frais de personnel ont augmenté de 80,8% entre 2009 et 2013, passant respectivement de 31,8 M€ à 57,5 M€. Lorsque ces dépenses de fonctionnement augmentent, elles diminuent d’autant la capacité d’autofinancement des régions et collectivités, qui désigne l’excédent de recettes une fois acquittées les dépenses courantes. Or, c’est sur l’autofinancement que s’appuie l’essentiel de l’investissement des collectivités. Pour maintenir cet investissement, les exécutifs régionaux ont donc largement eu recours à l’emprunt depuis le début de la décennie.
Avant l’année 2000, la dette de la région Guadeloupe et de la l’ex-région de Martinique se tenait dans des limites tout à fait raisonnables: soit moins de 200 euros par habitant. Et puis violente fuite en avant dans l’endettement avec Victorin Lurel et Serge Letchimy avec des emprunts juste avant les élections .(plus de 100 Millions d’Euros pour la région Guadeloupe ) . Et depuis cette situation perdure et il est fort probable que cette donne malsaine ne se révèle être un sérieux handicap dès 2017. L »endettement des collectivités locales, et notamment celui des régions, risque fort de continuer à déraper sérieusement, du fait de la crise économique à venir et du poids accru des dépenses sociales dans les finances locales . Entre 2009 et 2013, la capacité de désendettement de l’ex-région Martinique s’est dégradée et atteint désormais cinq ans , et celle de la Guadeloupe 5,2 ans .
Pour leur défense, celles-ci ( la région guadeloupe et la Collectivité de Martinique) pourront invoquer des compétences élargies avec l’acte 3 de la décentralisation et leur engagement dans un ambitieux plan de relance de l’activité économique insulaire pour tenter d’endiguer les conséquences de la crise du chômage de masse aux Antilles . « L’endettement n’est pas forcément synonyme de mauvaise gestion, s’il se traduit par des investissements, prévenait Victorin LUREL après la crise LKP de 2009. » C’est ce qu’on appelle jouer en contre !… Ce peut être une bonne stratégie en période de jours gras , mais cela risque de s’avérer pour Ary Chalus et Alfred Marie-Jeanne complètement impossible à traduire en réalité concrète à l’avenir dans un contexte de crise aigüe des finances locales . Car selon ces deux exécutifs, qui continuent d’affirmer avoir trouvé une trésorerie exsangue, il faut assainir les comptes, avant de pouvoir mettre en place une véritable politique d’investissement. En fait, sans le dire c’est une période d’immobilisme que nous allons connaitre en Guadeloupe et Martinique.
Un personnel pléthorique à la Région Guadeloupe et à la CTM…
Une enquête a été réalisée par la Gazette des Communes :
L’enquête a été éffectuée sur les régions de métropole et les 4 régions d’outre-mer par questionnaire. Ces résultats montrent tout d’abord qu’au niveau national, la Région Guadeloupe se place en deuxième position en ce qui concerne le nombre total d’agents rapporté au nombre d’habitants : 1,13 pour 1.000 habitants, après la Corse ( 1 ,15 %) et devant la Martinique (0,7%) et la Guyane (0,6%).
La moyenne nationale (DOM inclus) est de 0,13 agents pour 1.000 habitants.
Les charges de personnel de la région Guadeloupe et de la collectivité de Martinique s’avèrent trop élevées avec 111€ par habitant , ce qui les privent de fait de toute marge de manoeuvre en cas de forte crise préviennent les experts en finances locales .
Budget : faire plus avec de moins en moins !
C’est vrai, l’Etat, pratiquement en cessation de paiement, se désengage et ne tiendra certainement pas ses promesses de compenser à l’euro près le transfert des compétences et ce en toute impunité.
Mais il est néanmoins admissible que la région, tenue par Ary Chalus , et la collectivité de Martinique d’Alfred Marie Jeanne déja confrontée à une grève dure du personnel , acceptent de baisser leur train de vie, de diminuer par exemple leurs budgets : Personnel , Voyages (un scandale pour qui connait les arcanes de la région ) , Communication , Culture , Coopération régionale , toutes ces dépenses de personnels pléthoriques et subventions inutiles et clientélistes dont les élus sont si prodigues avec l’argent des contribuables .
La crise de la dette va tarir les sources de financement des collectivités locales. L’association des Régions de France tire la sonnette d’alarme depuis les mesures de réduction des dotations de l’Etat (4,5 Milliards pour 2016 ).
Les soubresauts de l’économie française avec en plus un risque de récession de l’économie mondiale révélée par le FMI en cette mi-2016 vont rendre les banques encore plus réticentes à financer les collectivités locales. ( – Au vu de l’urgence dans certains cas, des collectivités ont dû se débrouiller par elles-mêmes.)
En effet, pour les collectivités locales hors communes (et hors subventions), il n’existe que deux sources principales de financement possibles : l’autofinancement et le financement intermédié, c’est-à-dire bancaire.
Déjà soumises à une stagnation de leurs ressources et une montée des dépenses – en raison des effets de la crise économique et sociale en France -, départements et régions ont des difficultés grandissantes pour obtenir des crédits bancaires. Le journal économique » Les Echos » confirme que « plusieurs banques sont sorties du marché des collectivités locales, jugé peu rentable et coûteux en liquidités », notamment les Caisses d’épargne et Dexia, deux institutions traditionnellement très présentes.
Face à la crise et à la montée des règles prudentielles imposées aux banques pour éviter tout nouveau krach, ces dernières limitent les opérations de financement de long terme. Les collectivités locales subissent douloureusement ce repli, tout autant que les PME.
Si on ne fait pas attention, sur le moyen et long terme, on aura des tensions financières qui peuvent dégénérer et mettre la région Guadeloupe et la Collectivité de Martinique en situation difficile .
Il résulte d’une étude que les collectivités territoriales des DOM ne sont plus à même d’accroître leurs ressources et de financer leurs interventions par une hausse des taux de la fiscalité directe locale.
Ces collectivités pâtissent en effet de maux qui les placent dans une situation très différente de celles des collectivités territoriales métropolitaines. La faiblesse de la fiscalité locale et le poids des dépenses de personnel constituent leurs deux principales faiblesses et fonctionnent comme un étau pour les finances locales, qu’il convient de desserrer en assumant une gestion des plus rigoureuses et des priorités . Le changement d’une politique dispendieuse : c’est maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, sans quoi ce sont tous nos territoires qui seront asphyxiés et la population des deux iles définitivement appauvrie et matraquée fiscalement, avec au surplus le danger de voir l’investissement public local reculer en 2016 et 2017, ce qui sera un désastre pour l’emploi local.
Jean-Marie Nol – Economiste financier