Anse Mitan — Pointe du Bout : est-ce un ghetto ?

— Par Florent Melach —

Un article de journal est paru la semaine dernière sur mon quartier : l’Anse Mitan aux Trois-Ilets. Chaque fois qu’il est question de mon quartier, je ne peux que rebondir sur ce qui est dit.

        Il est question dans cet article de  la vive réaction de résidants vis-à-vis du propriétaire d’un restaurant en raison des nuisances sonores de son établissement. Celui-ci se considère victime d’un harcèlement de la part des riverains et des forces de l’ordre !?

       En lisant attentivement l’article je ne peux m’empêcher de relever des contradictions de la part du restaurateur-victime.

         Le restaurateur se plaint des visites répétées des gendarmes qui lui demandent de baisser le niveau sonore de la musique. Il dit s’y soumettre. Si la maréchaussée repasse pour le même ordre c’est que celui-ci  n’est pas respecté une fois qu’elle n’est plus présente. Il est étrange qu’il ne vienne pas à l’idée de ce Monsieur que, s’il se pliait aux injonctions, il se ferait oublier et que ses clients ne seraient pas l’objet de contrôles excessifs.

          Les gendarmes font simplement leur travail qui est de faire respecter l’ordre. Il semble que le citoyen ordinaire n’est plus conscient de ceci.

         Plusieurs fois dans l’article, cet entrepreneur met en avant les autorisations qu’il détient. Il semble que s’appuyant sur ces autorisations qui lui permettent d’exercer, il croit pouvoir faire tout ce qu’il lui vient en tête au cours de l’exploitation de son commerce.

          Il ne descendra pas en dessous de 90 décibels quand un riverain intervient et ceci est dit comme s’il s’agissait de faire plaisir à ce dernier. Si 3 mises en demeure et 17 PV  ont été  dressés dans son établissement pour non respect des  mesures Covid , c’est bien parce que ce Monsieur vit dans sa bulle  en dehors des règles qui existent et indifférent des autres, même de ses clients qu’il expose à des risques sanitaires.

           Si ce Monsieur affichait profile bas, respectant les doléances de ses voisins, rien ne l’empêcherait de louvoyer hors des règles et protéger les 8 emplois qu’il se vante d’avoir créés.

           Pour exemple un snack roulant installé sur la voie public depuis plusieurs mois sans autorisation de la mairie ( d’après les info que j’ai pu avoir ). Cette affaire prospère au son d’un groupe électrogène fonctionnant souvent de 11h du matin à 11h du soir, sans respecter les périodes et heures de couvre-feu,  sans que la gendarmerie ou ses confrères lésés par sa concurrence déloyale ne s’assurent qu’il fait effectivement de la vente à livrer et sans qu’aucune autorité ne le fasse déguerpir.

            Les nuisances sonores, l’appropriation de l’espace sans aucune limite, les déprédations de l’espace public sont des pratiques récurrentes dans mon quartier. Elles font cependant l’objet de réactions individuelles, parfois collectives, ce qui les rend à ce moment audibles dans les médias comme c’est le cas cette semaine.

            J’en viens à m’interroger sur ce qui fait de mon quartier un terrain favorable à ces comportements.

            L’Anse Mitan-Pointe du Bout a été d’abord considérée comme une zone touristique, je dis bien  une zone et non pas une station balnéaire encore moins un lieu de villégiature. Déjà à l’époque les termes zone et tourisme signifiaient qu’il pouvait s’y passer n’importe quoi et certains se sont opposés au développement de la zone en évoquant ce prétexte.

            Pour l’équipe qui a repris le flambeau à la fin des années 80, il n’était pas question de faire n’importe quoi sous couvert de développement.           

            Au fil des années, le terme ghetto est souvent entendu de la bouche des gens les plus divers pour désigner le quartier…

           Il est probable que c’est de là que viennent les dysfonctionnements que vivent une partie non négligeable des résidents, notamment ceux qui contribuent le plus à l’enrichissement de la commune.

           Le terme ghetto n’est pas anodin, n’est pas l’expression d’une abstraction. Il désigne une vision bien concrète d’un quartier et de son organisation.  Cette vision, cette organisation sont les mêmes quelque soit le ghetto : rouge, noir, blanc, jaune, vert…

           Désigner un quartier du terme de ghetto exprime bien le désengagement des pouvoirs publics, de la collectivité vis-à-vis de ce territoire. Ceci se traduit par l’application de façon délétère des règles de la cité, sauf quand  ‘le torchon brûle ‘, ce qui reste sans effet sérieux et durable.

           Dans le vide ainsi laissé par la non-obligation du respect de l’ordre public et l’inexistence de réglementations mises en place par l’édilité, un fonctionnement, des règles aux contours variables se mettent en place. Elles apparaissent spontanément, dictées par les résidents historiques du quartier en fonction du poids de leur famille et plus souvent encore par le dernier venu, quelque soit son statut.

             La population que j’appellerai : ‘population stable ‘ du ghetto, celle qui vit en dehors des trafics, des spéculations, des activités ponctuelles. Bref, la population des résidents et commerçants locaux qui ont une activité pérenne, des revenus et paient des impôts.

             Cette ‘population stable’ est amenée de façon récurrente à manifester son mécontentement et batailler seule face au non respect des règles de vie dans la cité. Elle, dont la présence dans le ghetto évite qu’il ne devienne une zone de non droit, est généralement lâchée par les édiles qui au-delà du mot ont intégré ce qu’est le fonctionnement du ghetto.

             C’est probablement ce qui se passe à l’Anse Mitan –Pointe du Bout qui ne semble plus être un quartier.

 

Florent MELACH