A propos du traitement réservé à Derek Walcott lors du colloque Aimé Césaire

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Hanétha Vété-Congolo
à
Monsieur Paul-Christian Lapoussinière
Président du Centre Césairien d’Etudes et de Recherches
Ducos, 97 224

Objet : Objection ferme au traitement pauvre réservé à Derek Walcott lors du colloque Aimé Césaire :
Œuvre et héritage, du 24 au 28 juin 2013

Monsieur,

Nous vous avons déjà adressé à l’écrit – donc pour marquer l’importance que nous accordons au geste et au sentiment – nos remerciements sincères concernant la tenue du colloque hommage à Aimé Césaire, Aimé Césaire : Œuvre et Héritage, s’étant déroulé à la Martinique du 24 au 28 juin 2013.

 

Il fallait qu’un tel colloque ait lieu pour la crédibilité et la cohérence intellectuelles et éthiques de la Martinique. La portée, politique, intellectuelle et philosophique de la poésie et des idées d’Aimé Césaire, étant implacablement indéniable et haute, ne pas célébrer le Poète scientifiquement, à la Martinique, en ce moment symbolique et signifiant de son centenaire, nous aurait sans aucun doute présenté, nous, Martiniquais, dans le royaume intellectuel et universitaire mondial, comme d’indignes, d’ingrats et d’exhilarants petits djendjen, vraiment, vraiment trop petits pour ce bien grand Père intellectuel.

 

Il en allait donc de cet aspect de notre dignité.

 

Il en allait donc du SENS.

 

Grâce à votre entreprise, au sein de la sphère intellectuelle du monde, sur le plan de la reconnaissance de l’importance univoque de l’œuvre et de l’action du Père intellectuel, nous restons crédibles, sensés et cohérents.

 

Nous nous portons en solidarité avec toute action, des nôtres directs et indirects, en faveur de notre dignité d’Hommes largement et de nègres singulièrement.

Notre solidarité s’est exprimée par notre participation effective au colloque, participation prise très sérieusement.

Nous la voulons encore active, expressive. C’est donc par solidarité que nous formulons les idées et les sentiments articulés dans ce courrier.

D’abord, la solidarité avec nous-mêmes, femme nègre d’Amérique insulaire, sachant, connaissant et ayant compris très précisément, irréversiblement, l’irréductible de sa dignité. Mais aussi, la solidarité avec les nôtres, tous les nôtres, pour ce qui est de la Caraïbe, de Bahamas à Curaçao, engagés dans l’action pour le développement de l’individu et du groupe de  ce dernier.

 

Par la teneur de ce courrier donc, nous souhaitons, comme souligné, stipuler notre solidarité et rendre notre vive indignation concernant certains faits pendables vécus lors du colloque.

Notre réaction, très vive et ferme, n’est qu’à la mesure élevée de l’intention de l’action et de celle de l’objet, centre d’intérêt du colloque. Il faut donc voir l’amplitude de ce qui suit, selon l’amplitude de ce que le Centre Césairien d’Etudes et de Recherches a voulu faire ou a fait lors dudit colloque.

 

Si votre nom sera le seul à être cité directement, c’est parce que vous avez été notre seul interlocuteur tout le long des préparatifs et que nos observations lors du colloque ont démontré que vous étiez, à la fois, la tête et tout le corps de cet évènement. Vous vous tromperiez si vous pensiez être une cible. Le Martiniquais ne constituera JAMAIS pour nous une cible. Notre ennemi sera TOUJOURS plutôt l’idée et l’état d’esprit qui fondent l’attitude et l’action qui  avilissent, rendent l’Homme moins beau, moins grand, moins fort, moins humain.

 

Concernant les aspects physiques et matériels du colloque, nous passons volontiers sur les trop nombreuses incohérences et incuries organisationnelles et structurales. Nous devrions toutefois dire que chacune des aberrations organisationnelles aurait pu être évitée si le minimum de la sagesse, ancestrale, populaire, avait été observé. Le bon sens humain tout simplement. Mais aussi le bon sens martiniquais toubannman.

 

Le Martiniquais se serait-il monstrueusement dissocié de son esprit de pokosyon, de si anka, de si kouri vini, son sens d’anticipation qualifiant et distinctif exprimés dans sa pawòl même, celle-là qui, il y a seulement un tout tout petit temps, guidait pleinement le probant droit, érigé, de son quotidien ? Lè ou pran lapenn asiz bò an tab épi djab ki djab, ba tjwiyè-w londjè !

 

L’intention d’envergure réclame nécessairement qu’on le soit soi-même. Que l’on ait un œil, un bras d’envergure pour voir et faire l’action qui va porter immanquablement haut.

L’envergure. Implacable sansantiman. Extrémiste inconcessionnaire. On la possède ou on se trouve à béer à la posséder. Et sé pa selon.

C’est bien pour cette raison et parce que l’on sait aussi bien que, laklé an bwa pa jen rouvè séri an fè,  que lorsque les termes de l’envergure sont impossédés, l’on doit avoir la sagesse d’en convenir, la faculté de voir le voisin qui les possède et qui peut les mettre à disposition du bien commun.

 

Par Dantò et Danmbala, la sagesse populaire, ANCESTRALE, pyé mango qui porte les fruitfraisnannan nourriciers, aurait-elle été le jouet d’une quelconque patricisation inconséquente déployant les étincelles kakapoul du briller pou vèglé ?

 

Mais pourrez-vous quand même me rétorquer à juste titre : sé soulyé ki sav si simèl-li ni trou !

 

Soit !

 

Vérité plénière. Sé pa mwen ki té kouto adan pyès jomon pèsonn.

 

Et puis, l’organisation de tout rassemblement, et de ce type en particulier, requiert une somme de travail avec son gros et gras lot d’entraves, de tracasseries, d’imprévus atrophiants, voire, immaîtrisables.

 

Cela reconnu, d’aucuns devraient-ils tout de même avoir, mettre ses dents à lablanni en raison du seul fait d’un rassemblement d’éminentes matières grises ?

De quoi exactement devrait se contenter, se sustenter notre sentiment de satisfaction ?

Lorsque, comme nous l’ordonne le TAMBOUR bèlè le seul vrai pas à danser est celui du MANTJÉ tonbé, le seul vrai pas est celui qui force le tomber, le soumet en bas et magnifie le mantjé, le pas qui rend le PAS, plein, plain, n’est-il pas de raison, n’est-il pas de devoir conscient, de dire fermement son animadversion pour toute forme de pratique et d’appétence pour le wenyen, le ti zizing, pour toute forme de pas qui au lieu de simuler seulement, seulement simuler la chute pour mieux la faire tomber, la rend entièrement dans un éclatement de dents longues, déwò,  béatement satisfaites d’elles-mêmes?

 

Comme l’envergure, l’action ne joue pas, sé pa rédi chèz bò tab. Sé fout douvan tanbou-a ou sav si-w sa matjé bèl pa.

 

Jouer est une affaire très sérieuse.

 

Lorsque, en tant que gran chyen à pantalon d’adultes, l’on veut jouer zwèlséré dans la cour de récréation des en-culottes-courtes de 3-10 ans, l’on s’assure de savoir, de connaître et de comprendre les codes et autres règles de jeux kouskouri d’enfants.

 

Dieux merci beaucoup, la perfection n’existe pas dans notre bas monde. Mais c’est bien la raison pour laquelle le sérieux et la rigueur sont les mesures de ce qui peut l’avoisiner. L’absence de perfection nous oblige donc au travail bien fait.

 

Quant à nous, nous ne serons JAMAIS de ceux qui disent le oui du riz et des ròl, lorsque c’est le NON dignifiant qui doit être parlé.

 

Toutes mesures gardées, tous aspects pris en compte, fort souvent, l’organisation fondée sur la déstructure ne peut révéler que le propre de l’organisateur.

De plus, jan ou fè kabann-ou, sé jan ou ka dòmi.

 

Nous maintenons ne pas vouloir insister sur les contradictions et les insuffisances au niveau de l’organisation.

 

Mais nous insistons lourdement sur des faits ayant généré une vive incompréhension et constitué une injure primaire au groupe caractérisé – caribéen – que nous sommes.

Des faits vécus qui, parce que graves, franchement, très franchement inacceptables, ont provoqué chez nous, une douleur inexpressive. Monsieur Lapoussinière, nous nous sommes sentie atteinte au plus intime de nous, parce que certains des nôtres, parmi les plus symboliquement importants, ont été atteints, traités avec une méprisable déconsidération.

 

D’abord, celui-là même que l’on tentait d’honorer ; Aimé Césaire.

 

Ensuite, un autre, Derek Walcott, l’un de nos plus Grands vivants, venu à votre demande, symboliquement, politiquement, personnellement, historiquement, rendre hommage au Père intellectuel.

 

Ce sont, en réalité, les multiples imprécisions, confusions, inconsistances créant une certaine anarchie générale qui constituent la principale offense faite à Aimé Césaire. Il va sans dire que le Poète méritait le haut du bien fait.

 

Quant au trètman réservé à Derek Walcott :

 

Nous passons là aussi sur les nombreuses indélicatesses concernant les considérations techniques et pratiques lacuneuses de son séjour.

Passons-nous de même sur le fait que la présence de Derek Walcott sur le sol martiniquais, un atout majeur pour le colloque, a été une affaire intime, contenue dans l’espace exclusif du colloque.

Nous passons aussi sur le fait qu’il était prévu originalement que Derek Walcott intervienne en deuxième position, pendant seulement quinze (15) minutes dans une session devant durer deux (2) heures et comprenant en tout, huit (8) intervenants.

Une aberration tudesque (bondjé padon pou lé zalman) sur laquelle nous passons.

 

Mais quel type de raison a bien pu guider la structuration d’une telle session devant contenir un tel personnage?

 

D’abord, qui est Derek Walcott ?

 

Intellectuel caribéen, poète éminent, essayiste, dramaturge, Prix Nobel de littérature de l’année 1992, mais surtout indéfectible caribéaniste comme Glissant – dans notre tête, depuis toujours, Derek Walcott et Glissant forment une paire jumélléique remarquable jusqu’à leur étonnant ti fozè mutuel –, Derek Walcott a œuvré toute sa vie pour la construction du théâtre caribéen dont témoignent les nombreux textes publiés en ce sens mais aussi des ACTIONS concrètes à l’intérieur et à l’extérieur de la Caraïbe dans le domaine du théâtre comme, entre autres, la création du Trinidad Theater Workshop.

 

Grâce à lui, largement, le théâtre caribéen anglophone n’a rien à envier à aucun autre.

L’étendue du TRAVAY constant de Derek Walcott, pour la Caraïbe, pour l’affirmation de l’esthétique et de l’éthique de cette dernière, sa force intellectuelle et littéraire, pour son élevé général, est bien trop multi-dimensionnelle pour en parler ici.

 

Dans la Caraïbe, pour la Caraïbe, pour les Lettres et l’Intelligence de cette dernière, Derek Walcott a un SENS.

 

Il est un signifiant.

 

Il est le (un) formel Prix Nobel Représentant de la Caraïbe, de ses Lettres et un symbole significatif qui rend encore plus visible et témoigne de la contribution crédible de la CARAIBE dans le maintien et dans l’expansion du Beau de l’Homme.

C’est aussi l’un de nos derniers Grands vivants, né dans la première moitié du XXème siècle. (Soyons bien conscients : Glissant nous a quittés et Depestre, Lamming, Naipaul sont tous octogénaires).

 

Vu les implications symboliques et concrètes de l’ensemble de ces paramètres, Derek Walcott était l’invité le plus important et pertinent de ce colloque hommage à Césaire. Celui dont la présence marquait une COHERENCE indéniable.

Vu tous ces faits, la présence sur le sol de la Martinique de Derek Walcott, enfant de la sœur de la Martinique, cousin des Martiniquais, constituait et renvoyait pour la Martinique et pour la Caraïbe, à ce moment précis, en cette occasion définie, à un symbole signifiant, puissant et complexe.

 

Ainsi, nous dénonçons l’indicible prosaïsme avec lequel Derek Walcott a été traité, publiquement, le jour même de son intervention.

 

Les faits :

Après une éloquente exposition sur l’œuvre de Césaire, alors même qu’il était en pleine discussion engageante et captivante avec le public, alors qu’à travers les questions qu’il commençait à poser en nombre se manifestait visiblement du public un intérêt avide et déterminé pour la vision de Derek Walcott, le président du Centre Césairien annonça  intempestivement l’arrivée de Madame George Pau-Langevin, Ministre déléguée à la réussite scolaire.

Cette dernière devait s’exprimer.

 

Sans dispositions accortes aucunes, l’on replace Monsieur Walcott dans son fauteuil roulant, on le fait très rapidement glisser hors de la salle Aimé Césaire et on le laisse à la porte, accompagné de sa compagne, de Madame la Consule de Sainte-Lucie, de sa traductrice et sans la présence d’un membre de l’Organisation du CCER.

La seule image pertinente pouvant rendre ce qui fut là, est celle du patjé rad sal foutubalancé à la porte.

 

D’emblée outrée par ce procédé en dessous de toute nomination humaine, nous sortons pour nous rendre compte que Derek Walcott est DEHORS, dans le hall de l’ATRIUM, tout à l’entrée de la salle Aimé Césaire, perdu, questionnant sans réponse, ne sachant pas quoi faire précisément, en réalité, ne comprenant pas tout à fait les évènements inexpliqués en déroulement, n’ayant AUCUN interlocuteur de l’Organisation. Non seulement avait-il été brusquement interrompu dans son échange  avec le public pour céder place à Madame Langevin, mais en plus, RIEN n’avait été prévu pour remercier le prestigieux invité.

Ni séance de signature d’ouvrages, ni réception courtoise, ni espace pour que le public témoigne directement sa gratitude au poète comme cela est de coutume, de convenance élémentaire et comme l’élégance et le bon sens ordinaire auraient pu le dicter.

 

Le comble fut pour nous de constater que Monsieur Lapoussinière, vous aviez COMPLETEMENT OUBLIE la présence de Derek Walcott lorsque nous allâmes vers vous à la fin de l’intervention de Madame Langevin, au moment de la pause café, que nous vous trouvâmes en discussion concentrée avec cette dernière et que nous vous montrâmes du doigt Monsieur Walcott, au fond du Hall, seul avec sa compagne, la chaise roulante adossée contre le mur, nous avouons, un peu perdu, les yeux renvoyant une charge de questions et une évidente perplexité et circonspection.

Signalons bien que Derek Walcott avait passé tout le temps de l’intervention de Madame Pau-Langevin, DEHORS, hors la salle Aimé Césaire.

 

Nous soulignons aussi la grâce, l’équanimité et le sang-froid de Derek Walcott qui en aucun instant n’a élevé verbalement et publiquement l’incompréhension et l’impatience qui ne devaient pas manquer de l’habiter.

 

C’est Madame la Consule de Sainte-Lucie qui se substitua gracieusement à l’Organisation et tenta d’assurer une prise en charge digne du Prix Nobel.

 

Un autre comble, Monsieur Lapoussinière, est que vous aviez vous-mêmes l’air grotesquement perdu, importunément confus, absurdement imprévoyant, étonnamment hagard, inconscient, l’air de n’avoir AUCUNE idée de ce qui se passait autour de vous, d’en être et d’y être carrément étranger, lamentablement désaccordé, l’air de n’avoir AUCUN pouvoir de décision, d’adaptation, de REACTION face aux évènements infructueux qui méritaient un redressement immédiat et profitable au colloque.

Surtout, surtout, l’air d’être dans une irrécupérable mésintellection de la hauteur du statut, de l’identité et par-dessus tout, de la hauteur du SENS profond de la présence de cet invité précis dans ce rassemblement précis au nom d’AIME CESAIRE.

Derek Walcott est l’enfant de la Martinique. Tout comme Aimé Césaire est l’enfant de Sainte-Lucie. Ou des Bahamas ou de Curaçao. Ce qui se passait-là, Monsieur Lapoussinière, avait pour la Caraïbe, un SENS profond.

 

S’est très manifestement dégagée une pitoyable pusillanimité. A été donnée, sans fioriture et dans tous les aspects de l’incurie, une leçon de ayen pa la menm.

 

Nous avons subi une affliction éplorante, en assistant à la capacité décadente et férine qu’a le bas de réduire le grand et le haut à la viduité, la représentation et le symbole complexes en kochonni tout simple. Pourtant, l’on sait, car la Pawòl savante de vérités est là, elle le dit, fòk pa pran dlo mouchach pou lèt.

 

L’insuffisance matérielle ou financière, si elle peut entamer les aspects techniques d’une opération, ne devrait pas porter atteinte à la suffisance de l’esprit, assurant une portée spirituelle élevée.

Le manque de logique dans la pensée, le manque d’esprit de suite, le manque de correction primaire, soit l’inconséquence, ont fait que Derek Walcott a été traité comme un banal et simple patjé rad sal au profit d’un élément qui n’a strictement rien apporté d’élévateur, de constructif dans les échanges.

 

Dans d’autres circonstances, une telle affaire aurait probablement provoqué un incident diplomatique.

 

Tout ceci aurait été risible, l’objet d’ironie légitime si les faits rapportés n’étaient pas d’un sérieux grave. Si les questions du SENS, de la COHERENCE mais aussi de la correction, de l’honneur et du respect n’avaient pas  été des  principes devant crédiblement et naturellement être au cœur du rassemblement scientifique autour de l’œuvre et de l’action d’Aimé Césaire.

 

L’extrême tension et la vive aporie, toutes deux flagrantes, entre l’invitation officiellement volontaire formulée à Derek Walcott, sa présence effective et l’absence totale d’une structure adéquate, opérante et sensée pour son accueil et sa prise en charge pendant la durée entière de son séjour, c’est-à-dire l’incomplétude, le déploiement du wenyen, est ce qui perplexe. Est inquiétante la discordance entre le choix d’inviter une éminence et l’irresponsabilité face à ce choix, c’est-à-dire, le fait de n’être pas allé jusqu’au bout de ce choix en assumant totalement le nécessaire respect et l’obligation de réussite qu’intimait ce type de choix.

 

Toute entreprise requiert structure raisonnée sérieusement. Mais, célébrer AIME CESAIRE, inviter DEREK WALCOTT en cette entreprise, RECLAMENT que l’on s’attache les reins solidement, à la manière et selon le geste, réfléchi et sensé, de la femme martiniquaise. La descente de matrice, descente potentiellement fatale, peut être évitée et de son mouchoir marquant l’assise, l’assurance, la stabilité et la fermeté, aussi symboliquement que concrètement, parce que guidée par l’expérience comprise du fait, la femme connaissante, prévenante et clairvoyante, le dit, le montre.

 

Comment une position de cohérence et de logique aussi simple a-t-elle pu vous manquer ?

Comment, pourquoi est-ce que le wenyen, ahontant, a pu autant dominer ?

 

Par cela sont amenées les questions concernant la raison. Pourquoi et pour quoi entreprendre ?

 

La pawòl sera-t-elle là aussi le répondeur sage et éclairé qui procure guidance et souligne enseignement? C’est-à-dire qu’elle dit que : lè ou pran kouri, si ou pa kouri dèyè kéchòy, asiré sé an bagay ka kouri dèyè-w.

 

Nous déplorons le wenyen, asphyxieur de complétude et gorjéteur de rectitude. Nous sommes solidaire des entreprises menées par les nôtres pour l’élevé. Mais nous disons aussi que l’élevé ne souffre pas l’incomplétude. Nous disons que l’élevé est un abouti. Que l’image du sak vid effondré le figure. Nous disons que l’élevé est le produit du raisonné, de tous les pas y menant, faits, du premier jusqu’au dernier, selon le sérieux et la rigueur que réclame l’abouti.

 

Nous nous montrons solidaire résolument du SENS et de la COHERENCE qui élèvent, soutiennent l’esthétique et l’éthique. Nous réclamons l’honneur et le respect des nôtres, pour les nôtres, principalement ici, pour ceux qui, par la preuve de leur TRAVAY qui sanifie et érige, leurs ACTIONS pensées et accomplies, ont permis que nou la, nou la, nou byen la.

 

Monsieur Derek Walcott est l’un de ceux-là. Comme Césaire, il a FAIT l’un des pa, dansé l’un des bèl pa, sûrs et agissants, qui ont mené à FAIRE l’élevé de l’Intelligence caribéenne, dans le domaine de l’esthétique qui formule notre éthique, ki yo – nou, zòt – lé, ki yo – nou, zòt – pa lé.

 

Rèspé man ka mandé. Rèspé.

 

La Hauteur d’Aimé Césaire rend obligatoire de la hauteur dans toute action entreprise en son nom.

 

Pour n’avoir subi que les injures, pour en être revenus, et parce que sachant que nous méritons son contraire, comme le montre la force de nos accomplis, de notre travay ici-bas, nous refusons que l’injure à notre encontre vienne de nous.

 

Derek Walcott aurait dû avoir été traité, de fait, avec tous les égards, tout le respect et toute la dignité qu’exigent ses actions probantes, le signifié monosémique auquel il renvoie, la Représentation saine productrice, productive de Nous, qu’il assume dans le monde.

 

Si, Monsieur Lapoussinière, nous sommes bel et bien solidaire de l’intention qui anime votre visée, nous regrettons directement la pauvreté des actes que vous déployez pour tenter d’y parvenir.

 

Comme nous le démontrent nos vies d’humains en sociétés organisées, il y a des fois où l’intention ne suffit pas.

Une intention d’envergure telle que la vôtre, demande absolument que l’envergure détermine aussi les qualités qui vont permettre de la faire aboutir. Lorsqu’animé de l’esprit de protension et de développement équilibrant, l’idée même du wenyen doit être proscrite.

Le développement concerne le travail et vice versa. Développer, c’est travailler. Se développer, travailler pour soi  donc, c’est travailler bien.

 

Lorsqu’il s’agit d’entreprendre une affaire sérieuse, le sérieux doit être une mesure totale.

 

Lorsqu’il s’agit pour le Caribéen de reconnaître le Caribéen et de célébrer son action élévatrice, affermissant la dignité du Caribéen, alors l’Honneur et le Respect doivent nécessairement être deux sentiments et principes gouvernant fermement la pensée, l’action et l’attitude qu’ils structurent.

 

Nos quelques mots, pensées et sentiments donc Monsieur, sur une expérience vécue qui a provoqué chez nous un récri que nous ne pouvions pas ne pas vous signaler directement. Un récri tenu et dit parce qu’en indéfectible solidarité avec les actions qui nous élèvent univoquement et en farouche contestation de celles qui nous indignifient.

Un récri exprimé, parce que, vous et moi, NOUS, ne sommes pas seuls, n’existons pas ex nihilo, mais sommes d’une (dans une) société ultra fébrile, en état d’urgence permanente, dans un persistant état d’excitation nerveuse malgré elle exacerbée, revenant comme elle le peut de temps de mort encore douloureusement proches – temps dont les charges émettent encore rémanentement leurs pondérables et nocives émanations – mais cherchant méritoirement des termes sains d’un futur immanquablement autre, puissamment productif et serein et que tout cela nous oblige tous, et particulièrement ceux d’entre nous qui se distinguent – ou veulent se distinguer – par le pouvoir de parler et de faire publiquement, à la vigilance, à l’exigence, à la conscience de la nature des paroles dites et surtout des actes posés, à leurs résultats ou conséquences possibles. Parce que regardeurs, nous sommes aussi regardés, entre autres, par les occupants de nos berceaux, nos enfants qui ont le droit essentiel au modèle et à l’exemple leur signifiant sans équivoque une dignité leur, manifestée par, tenue et connue de leurs Pères et Mères, à produire et à reproduire pour leur bien propre et le bien de ceux d’eux à venir.

 

 

 François, le 17 juillet 2013

Hanétha Vété-Congolo

Lonnè épi rèspé,