Mois : mai 2018

La Biennale, entre poésie et parodie : « Tel Quel »

— par Janine Bailly —

C’est, après ma déception de ne pas voir danser la AD Compagnie, qui dans Balansé II aurait su nous parler de culture universelle autant que de culture antillaise, c’est donc, après cette annulation inattendue, au chorégraphe Thomas Lebrun que revint le soin d’adoucir ma frustration.

Directeur depuis janvier 2012 du Centre Chorégraphique National de Tours, nommé en mars 2017 Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par la ministre Audrey Azoulay, mais se disant lui-même avec humour « artiste militant — diantre ! », Thomas Lebrun a déjà abordé le problème de la norme, et du corps regardé par les autres comme différent, dans Itinéraire d’un danseur grassouillet, dont il était l’auteur et l’interprète. Reprenant des thèmes similaires, et qui lui sont chers, dans sa création Tel Quel il s’adresse aux petits « à partir de sept ans » et cela vient à point pour consoler dans l’adulte que je suis l’âme d’enfant qui demeure. Mais il n’est pas interdit aux parents d’apprécier le spectacle, puisque « la pièce présente plusieurs niveaux de lecture », et qu’ils se réjouiront de « l’art des décalages » mis en œuvre.

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Fanny Glissant « Nous donnons à voir les infrastructures de l’esclavage »

« Les Routes de l’esclavage » Série documentaire les mercredis 2 et 9 mai, 20 h 55, France Ô

— Entretien réalisé par Laurent Etre —
Arte et France Ô diffusent une grande fresque historique en quatre épisodes présentant, comme jamais auparavant, les continuités entre traites négrières, capitalisme et colonialisme. Entretien.

Dès ses premières minutes, votre documentaire revendique une démarche inédite. Laquelle ?

Fanny Glissant Beaucoup d’initiatives ont déjà été prises en matière de connaissance de l’histoire des traites négrières. En France, mais aussi aux États-Unis, dans tous les pays post-esclavagistes, on peut identifier deux voies principales : d’un côté, des œuvres cinématographiques et audiovisuelles qui s’appesantissent sur la violence, de façon un peu victimaire ; de l’autre, une position centrée sur la culpabilisation des sociétés esclavagistes. Et je pense que, dans la temporalité de la prise en compte du sujet des traites négrières, ces positions étaient importantes. Mais, aujourd’hui, il me semble qu’il devient possible de s’en départir au profit d’une investigation historique se basant sur les faits, et rien que les faits. En France, après la loi Taubira de 2001, une nouvelle génération d’historiens ont décidé de sortir de leur histoire nationale et de commencer à échanger leurs travaux avec d’autres historiens de par le monde, pour tenter d’établir une histoire globale de l’esclavage.

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Le jazz français discrimine-t-il les musiciens antillais ?

— Par Eric Delhaye —

En situation financière alarmante, le trompettiste Franck Nicolas a entamé une grève de la faim pour dénoncer la discrimination dont souffrent, selon lui, les musiciens d’origine antillaise. D’autres jazzmen de premier plan, comme Jacques Schwarz-Bart ou Magic Malik, témoignent des mêmes difficultés. Mardi 24 avril, le jazzman Franck Nicolas a publié sur Facebook une photo où il pose assis par terre, dans une rue, en tenant sa trompette comme on agrippe une bouée. Alors que son regard fixe le sol, une inscription le surplombe : « En grève de la faim. » Partagée en cascade sur les réseaux sociaux, l’image éclaire sur la détresse d’un musicien qui souffre de vivre péniblement de son art, alors que sa discographie compte une douzaine de références et qu’il enseigne la trompette depuis trente ans dans une école montpelliéraine.

Le Guadeloupéen est doublement abattu. Financièrement accablé par un redressement lié au renforcement des contrôles régissant son statut, il dénonce également la « discrimination » dont souffrent les musiciens antillais : « D’un côté, l’administration invalide mes cachets parce que je joue dans des restos, des troquets ou des fêtes privées.

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Biennale de Danse 2018 : « Entropic now », « Salut mon frère » & « I’m a bruja »

Vendredi 4 mai 2018 à 18h Gare Maritime puis à 20h Tropiques-Atrium

Entropic now

Quais de Tourelles – Terminal Inter-Isles – 18h

Entropic Now est un projet audiovisuel et chorégraphique, une écriture plurielle qui se construit depuis 2017 sur un mode de coopération artistique entre les villes de La Havane, de Marseille et de Fort-de-France, en collaboration avec des groupes de jeunes et d’adolescents qui nous invitent, à travers des films et une performance, à questionner leurs physicalités, leurs modes de vie et leurs usages des lieux.
Quelle est la place de la jeunesse dans l’espace public ? Qu’est-ce que ça fait d’être jeune aujourd’hui ? Entropic Now ouvre un espace d’immersion qui déploie un archipel d’images et de sons, de corps et de co-présences, de villes et de mouvement, de rêves et d’amitiés.

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La biennale : danser, disent-elles !

Rhizomes, & je danse parce que je me méfie des mots

— par Janine Bailly —

Rhizomes, chorégraphie de Jean-Félix Zaïre

Elles seront quatre, ou deux, ou trois, parfois une seule sur le plateau, et paradoxalement c’est cette présence unique qui pour moi fera naître un lien avec la salle, parce que dans sa solitude soudaine la danseuse saura de son corps et de ses gestes exprimer ce qu’elle est, ou ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle cherche et qu’elle voudrait saisir. Quatre jeunes femmes diverses, de couleurs, de costumes et de postures, mais toutes le visage tragique, comme muré dans son intérieur, le regard fixé là-bas sur l’horizon, et jamais ne se regardant vraiment. Quatre aux mouvements démultipliés, et qui cependant ne comblent pas le vide installé entre elles, quatre bonnes volontés qui ne font vibrer ni l’air autour d’elles ni mes émotions, ces dernières comme absorbées dans ce trou blanc d’une scène soudain devenue trop vaste. Ni les corps rapprochés pour soutenir celui qui tombe, ni la chute commune plusieurs fois jouée, ni le duo joliment amoureux et sensuel, interprété avec conviction par deux des danseuses dans un double mouvement d’attraction-répulsion, ne parviendront à nouer ces individualités en un corps que l’on sentirait unique et porté vers le même idéal.

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« Je danse parce que je me méfie des mots » : bouleversant!

— Par Roland Sabra —

Ce qu’ils vont raconter n’est que la suite d’une histoire commencée il y a bien longtemps, dans un autre lieu, dans un autre pays, dans une autre culture et donc quand les portes de la salle s’ouvrent, ils sont déjà en scène, sur laquelle côté jardin trône une énorme sculpture noire. Lui le père, coté cour, assis droit comme uni sur sur une des chaises noires qui bordent le plateau, elle la fille, au milieu, esquisse quelques pas, doigts de pieds écartelés, le haut du corps immobile, tandis que la bande son dévide la litanie des questions dans lesquelles se mêlent futilité, intimité et gravité :: « Pourquoi tu manges la nuit ? », « Pourquoi quand je suis là, tu es toujours fatigué ? » « As-tu déjà trompé ma mère ? », « Tu as peur que je ne sois plus ta fille ? ». « Pourquoi les gens ne se disent pas la vérité? A quoi ça sert de vivre?» La brutalité des formulations est la forme que prennent la timidité pour se dissimuler et la pudeur pour se dévoiler quand l’émotion déborde les mots qui ne peuvent la contenir.

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Neuvième Biennale de danse : Seydou Boro, Kaori Ito

— Par Selim Lander —

Après l’effet de sidération produit par les douze danseurs bodybuildés de la pièce Ce que le jour doit à la nuit (vendredi 27 avril) virevoltant sur le plateau dans un désordre savamment organisé par Hervé Koubi, il fallait une pièce au moins aussi forte pour lui succéder[i]. Quels que soient les mérites de Seydou Boro et de ses danseurs, force est de constater qu’ils supportent difficilement la comparaison avec les diables blancs[ii] d’H. Koubi. On ne dira pas la même chose de Kaori Ito (voir la photo), étonnante danseuse mais dont la pièce pèche, hélas, d’un autre côté.

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Dans un décor évoquant un village de la savane africaine, avec un rideau de branchages en fond de scène, évoluent les quatre danseurs et la danseuse du Cri de la chair, accompagnés par un musicien (chant et harpe traditionnelle) et une chanteuse. Concernant cette dernière, si l’on salue les méandres de son chant a capella, nous sommes obligé de dénoncer l’absence de tout surtitre. Nous pressentons en effet que la danse est ici au service d’un texte primordial (au sens d’originaire) qui nous demeure malheureusement étranger.

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