« Wopso ! ou l’envie de vivre », un essai de Daniel Seguin-Cadiche

Écrite par Marius Gottin, Wopso ! est considérée comme un classique du répertoire théâtral martiniquais. Quelles sont les raisons d’un tel succès ? Cette pièce met en scène deux hommes, Auguste et Fulbert, attendant leur avion pour Sainte-Lucie, île voisine de la Martinique. Ce temps d’attente dans un aéroport – lieu de passage, de transition – est l’occasion pour eux de se remémorer le passé : leurs anecdotes individuelles se mêlent aux évènements politiques et sociaux d’une époque troublée. La langue de chacun des personnages, les intonations, le rythme de la parole, le corps témoignent d’une appartenance à une culture authentique dont ils sont les fiers représentants. Une interrogation sur l’amitié, l’amour et la mort.

Daniel Seguin-Cadiche s’intéresse à l’œuvre romanesque de Joseph Zobel et de Vincent Placoly, ainsi qu’à l’œuvre poétique de Césaire et de Léon-Gontran Damas, les pères de la négritude. Interroger « Wopso !«  est une continuité dans le regard qu’il porte à ces œuvres. En 2002, il publie Vincent Placoly : »Une explosion dans la cathédrale » ou regards sur l’œuvre de Placoly aux Editions L’Harmattan.

Préface

Dans cet ouvrage original qui publie, pour la première fois, la pièce de théâtre « Wopso! » de Marius Gottin, Daniel Seguin-Cadiche nous montre comment cet homme qui réinventait notre mémoire, tout en pointant nos travers, nous enseignait à devenir nous-mêmes.

En plus de la pièce, l’étude de Wopso que nous livre Daniel Seguin-Cadiche, dans cet ouvrage, révèle une dimension d’œuvre majeure en mettant en lumière la portée multiple de ses subtilités qui ne se privent pas de

l’évocation des inachèvements, travers, faiblesses et incohérences martiniquaises.

La biographie de Marius Gottin que nous livre Daniel Seguin-Cadiche raconte les multiples facettes de l’homme de culture, dans sa manière de vivre et de

partager avec les gens, tous les gens. Elle dépeint avec tendresse sa personnalité faite d’érudition modeste, généreuse et féconde,le tout teinté d’intransigeance.

Elle retrace le parcours d’un homme dont le travail et les actions ont contribué à façonner l’espace culturel martiniquais. Tour à tour musicien, comédien,

chroniqueur, écrivain, animateur culturel, président d’association, directeur d’institution culturelle, directeur de média, Marius Gottin apporte, toujours, des

innovations qui contribuent à la transformation des pratiques pour renouveler et inventer la culture du pays.

Ce récit du voyage fécond de Gottin dans la culture martiniquaise permet à Daniel Seguin-Cadiche de nous livrer son histoire du théâtre martiniquais, regardé de l’intérieur. Il partage, ainsi, son regard sur les dynamiques

de l’industrie créative théâtrale en Martinique, permettant au lecteur de mesurer son importance dans la structuration du système culturel martiniquais comme dans la construction de Ia catégorie identitaire martiniquais.

Seguin-Cadiche examine en effet la chose théâtrale martiniquaise du point de vue de la scène, de 1a mise en scène, tout autant qu’il analyse les dimensions institutionnelles, économiques et managériales.

Côté scène, Daniel Seguin-Cadiche explore les controverses qui ont permis de postcolonialiser le genre, retraçant les conditions et les étapes d’une émancipation progressive dans la réécriture des textes canoniques européens. II analyse expériences, influences et questionnements dans la fabrication de < l’arme miraculeuse théâtre martiniquais ».

À l’exemple de Wopso dont l’écriture fait œuvre de mémoire, sous la plume de Daniel Seguin-Cadiche, la construction d’un théâtre martiniquais apparaît comme l’élaboration exploratoire d’un instrument, sans cesse rectifié, de fabrication de savoirs nouveaux sur le passé des Martiniquais et des Caribéens, dans la préoccupation d’une présence au monde novatrice.

Rodolphe Solbiac

Ancien membre des associations Dodine et Négritude
Maître de Conférences HDR en études anglophones
Université des Antilles.