Université des Antilles : l’enjeu est politique et non « éthique »

Par Serge Harpin —

La légitimité doit s’évaluer quantitativement – ou mathématiquement, dès lors qu’on affirme parler au nom de tous, dès lors qu’on prétend représenter toutes les composantes et parties prenantes d’une organisation – au sens de la sociologie des organisations. Les développements sur la « légitimité éthique » vs la « légitimité du nombre » supposés justifier le contraire sont, à proprement parler, des sophismes , des assertions ayant une apparence de bon sens mais dépourvues de toute valeur de vérité. Toute légitimité réfère à des valeurs, à un impératif moral – au sens de « l’impératif hypothétique » du philosophe KANT, c’est à dire, d’une obligation morale contextualisée. Toutefois, et cela vaut aussi pour la notion de « légalité », pour fonder une « autorité », un « droit moral opposable », il faut que celui-ci, l’impératif moral, soit reconnu comme tel par le plus grand nombre relativement à une situation donnée. Escamoter, par conséquent, la dimension comptable, récuser toute quantification, c’est se priver de la possibilité de juger objectivement du degré de légitimité dont on se prévaut. Peut-être est-ce là le but recherché par les tenants de ce bricolage hasardeux d’une opposition oiseuse « légitimité éthique » vs « légitimité du nombre » ?

Outre les données chiffrées, le contexte et les déterminations historiques – nous n’avons pas voulu nous appesantir sur les deux derniers aspects – la légitimité s’apprécie aussi au contenu des discours: les problèmes et les enjeux stratégiques – ceux qui vont déterminer l’existence, la pérennité et le développement d’une organisation – ont-ils été identifiés ou sont-ils biaisés?

Je prétends, contre le magistère des dévots et autres bigots, que l’enjeu fondamental aujourd’hui pour l’Université des Antilles est politique et non « éthique »: il concerne l’avenir du modèle bipolaire. Les accusations d’entraves à l’autonomie du pôle Martinique formulées par quelques-uns me conforte dans ce sens. Je soupçonne, toutefois, un manque de courage de ces derniers pour assumer ce débat et une volonté de leur part de le faire porter par des politiques désinformés.

Je refuse, tout aussi fermement, la confusion sciemment entretenue entre le symptôme (affaire CEREGMIA), la cause (les dysfonctionnements du systèmes) et les modalités de résolution de crise – et donc de pérennité de l’institution ; confusion qui a déjà conduit à l’éclatement prématuré de l’UAG. L’affaire CEREGMIA invite – si la finalité est bien d’offrir le meilleur outils possible aux jeunes de la Guadeloupe et de la Martinique et à nos deux îles – non à la « déploration éthique » mais à la réflexion sur les correctifs structurels à apporter au système et parallèlement à l’investigation judiciaire pour établir au plus tôt les responsabilités. Tout le reste n’est qu’effervescence intempestive de cancaniers.

SERGE HARPIN