Une maison de poupée de Henrik Ibsen, adaptation et m.e.s. Philippe Person

15, 16 & 17 novembre 2018 à 19h 30 au T.A.C.

Emprunter, mentir, falsifier des signatures, c’est tout ce que Torvald Helmer, employé de banque, condamne. C’est pourtant ce que sa femme Nora a fait en cachette pour qu’il puisse se soigner. Elle a presque fini de rembourser sa dette quand Torvald Helmer est nommé Directeur. Il décide alors de renvoyer le commis Krogstad, en raison de son passé douteux. Or, Krogstad n’est autre que le créancier de Nora. Pour se défendre, il vient faire du chantage sur cette dernière en la menaçant de tout révéler à son mari. Au même moment arrive Madame Linde, ancienne amie de Nora et ancienne maîtresse de Krogstad. Femme seule, elle vient demander une place dans la banque de T. Helmer. Nora fera tout pour déjouer les intentions de Krogstad malgré les conseils de Madame Linde qui l’incite au contraire à tout révéler à son mari. La maison de poupée se transforme peu à peu en un huis clos suffocant. C’est donc asphyxiée, acculée à se dénoncer, que Nora se livre à son mari. Hors de lui, ce dernier se révèle être non plus le mari protecteur mais l’homme blessé. Dans ce monde bourgeois, il veut malgré tout sauver les apparences. Mais Nora est passée du côté de la vérité. C’est donc sa vérité de femme, libre et forte, qu’elle assumera en quittant le domicile conjugal.

Historique de la pièce
Écrite en 1879, Une maison de poupée provoqua un scandale, dès les premières représentations en Europe. En France, elle fut créée en 1894 avec Réjane dans le rôle de Nora. La pièce fut interdite en Angleterre, en Allemagne, les actrices (quel paradoxe !) refusèrent de jouer le rôle si l’auteur ne modifiait pas sa fin. Il était inadmissible de montrer le mariage sous cet angle et encore moins d’imaginer un tel portrait de femme, quittant mari et enfants. Ibsen, qui se qualifiait lui-même « d’anarchiste aristocrate », bouscule les conventions, met à mal une certaine morale, dénonce les mensonges et crée une héroïne d’une incroyable modernité.
Cette œuvre est inspirée d’un fait réel
Ibsen et sa femme ont reçu à plusieurs reprises une jeune admiratrice de l’auteur, Laura, 20 ans. En raison de sa vivacité et de sa joie de vivre, ils la surnomment « L’alouette ». Surnom que l’on retrouve dans la pièce. Laura est mariée à un professeur d’université dont la santé nécessite un voyage en Suisse et en Italie. Afin de ne pas l’accabler de souci ; elle contracte un emprunt en lui faisant croire que cet argent provient de ses droits d’auteur. La santé de son mari se détériore et elle s’enlise dans les dettes. Ibsen lui-même conseille à la jeune femme de tout avouer à son mari mais elle ne le fera pas. Lorsque son mari apprendra la vérité, il la fera interner en asile psychiatrique. Elle perdra la garde de ses enfants et sera contrainte au divorce.

Le metteur en scène
Philippe Person
Metteur en scène et comédien. Directeur artistique de la Cie Philippe Person. Directeur du Lucernaire de 2009 à 2015. Créateur et directeur de l’École d’art dramatique du Lucernaire. Philippe Person a créé sa compagnie en 1994. Depuis cette date c’est près de 20 spectacles qu’il a mis en scène. Après une première période de création sur des thèmes comportementalistes : Manger, Avorter, Tout sauf aimer, il abordera les classiques avec Esther de Racine, La quittance du diable de Musset, Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo, Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare. La troisième période du travail de la compagnie s’articulera autour des adaptations de texte et sur des figures emblématiques de la littérature.

La Presse en parle…
TÉLÉRAMA
La pièce d’Henrik Ibsen fit scandale à sa création (1879). On le comprend tant les rapports de sexe et la place niée de la femme y sont dénoncés avec vigueur. La mise en scène de Philippe Person crée des échos très contemporains. […] Tous les comédiens sont bons, Florence Le Corre (Nora) est excellente, et si Philippe Calvario (Torvald) paraît d’abord un peu surprenant, son jeu ancre la pièce dans la réalité d’aujourd’hui. […] LE MONDE
Cette pièce […] aurait le même impact émotionnel que le « Cri » de Munch sur les spectateurs. Qu’est ce qui peut faire basculer le destin d’un homme ou d’une femme hors des sentiers battus ? Quel est donc le grain de sable qui peut faire dérailler un scénario immuable, qui se répète de génération en génération dans la société bourgeoise que décrit Ibsen. […] Ce n’est qu’au second acte que nous découvrons qu’un terrible secret ronge la jeune femme victime d’un maître chanteur qui n’est autre que l’employé qu’entend limoger son mari. Voilà un synopsis qui nous rappelle les thrillers de Hitchcock. L’attention de l’auteur et ce faisant du metteur en scène se cristallise sur la personne de Nora confrontée à une solitude inouïe du fait de son secret qui la met en porte à faux avec son mari planqué dans ses valeurs conformistes et rigides. C’est l’expérience de cette solitude terrible qui va révéler à Nora ce dont elle est capable. […] Ce fameux secret qui de nos jours peut paraitre bénin est emblématique de la cagoule portée par Nora pendant ses huit ans de mariage. Dès lors que le voile aura été tiré, Nora pourra se regarder en face, voir l’horizon s’ouvrir devant elle, comprendre ce formidable appel d’air que représente la liberté. A travers le portrait de Nora et de Torvald, c’est tout un édifice social à la fois rigide et hypocrite qu’Ibsen dénonce parce que cet édifice qui existe toujours étouffe dans l’oeuf la créativité humaine, contraignant les individus à se résigner, à subir des lois sans imaginer pouvoir les discuter. […] Quelle grâce tout de même que cette pièce dans ce monde de brutes. Quel miracle !
REG’ARTS
[…] Si ces considérations nous paraissent aujourd’hui lointaines, Philippe Person réussit à offrir au public une mise en scène qui fait oublier le côté désuet que pourrait avoir ce drame bourgeois. En effet, son spectacle, servi par des acteurs dynamiques et passionnés, est réjouissant. D’ailleurs la salle sourit face à la Nora pétillante du début, rit même quand Torvald explique à la détentrice du secret combien le mensonge est dégoûtant, et rit jaune aussi en entendant les propos sexistes et révoltants du mari. […]