Trop noire pour être française ? La République aveugle à la couleur mais les citoyens…

trop_noire« Trop noire pour être française ? » sur Arte, vendredi 3 juillet à 23 h 10. Isabelle Boni-Claverie analyse, à l’aide de témoignages et de nombreux chercheurs, le racisme ordinaire en France. Elle retrace sa propre histoire familiale et son parcours, empreint d’un « marqueur social » lié à sa couleur de peau.

« L’Express » : Qu’est-ce qu’être Français ? « Le Point » : Comment peut-on être Français ? Les deux questions ont l’air de travailler les deux hebdomadaires, qui les propulsaient en Une la semaine dernière. Isabelle Boni-Claverie, elle, s’interroge : est-elle trop noire pour être Française ? Evidemment, la question n’en est pas une.

La réalisatrice, également scénariste pour la télévision et le cinéma, narre, avec ce documentaire diffusé bien trop tardivement, sa propre histoire pour finalement relater celle de la France : métisse, elle est la petite-fille d’un Ivoirien et d’une Française qui, en se mariant, se sont placés à l’avant-garde du mariage mixte. Isabelle Boni-Claverie a eu de la chance : élevée dans une famille de catégorie sociale élevée, elle s’imagine ne jamais connaître les discriminations. Mais son autre « marqueur social », qui n’est pas tout à fait comme avoir les cheveux châtains, comme le développe l’historien Pap Ndiaye, semble bien là : elle est noire, lui balance-t-on à la figure dès ses 6 ans. « La classe n’efface pas la race » pointe-t-elle.
La République est « aveugle à la couleur »

La réalisatrice épingle ainsi les médias qui relaient certains sketchs et publicités, mais aussi les discours politiques avec en première ligne celui de Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007 et les paroles racistes banalisées, comme celle de Guerlain et son « travail comme un nègre » de 2012. C’est cette énième manifestation de racisme ordinaire qui a cristallisé sa colère. D’ailleurs, dans la vie de tous les jours, la violence est la même : des anonymes se relaient tout au long du documentaire pour raconter que « Tu sais que tu es noir quand… ». Les imaginaires coloniaux, baignés de stéréotypes tenaces, ont la peau dure. Car la présence noire en France est ancienne… mais reste toujours autant interrogée, observe-t-on dans le documentaire. La notion même de diversité, dont les blancs sont exclus, est interrogée. Ainsi, avec beaucoup de finesse, Isabelle Boni-Claverie nous met devant un constant accablant : la notion même de « francitude » lui est imposé quotidiennement. Pourtant, comme le rappelle Patrick Simon, socio-démographe, la République, elle, est « aveugle à la couleur »

L’Humanité.fr