Sur les planches, entre Corneille et Staline

 

Par Armelle Heliot

CHRONIQUE- Au Vieux-Colombier, La Place Royale de Corneille se situe de nos jours. À La Commune, Que la noce commence s’appuie sur un film roumain se déroulant en 1953. De l’art délicat de la transposition.

De tous les écrivains classiques, Corneille est sans doute celui qui se prête le mieux aux transpositions. Il y a dans ses comédies, et en particulier dans ses premières pièces, une alacrité, une ferveur sentimentale, des élans héroïques qui disent à merveille les tourments déchirants de la jeunesse. On ne s’étonne donc pas, au Vieux-Colombier, de voir que l’action de La Place Royale, pièce de 1634, très légèrement retouchée près de cinquante ans plus tard par l’auteur de L’Illusion comique , est située dans une sorte de dancing aux murs jaunes, avec des portes, des fenêtres étroites en verre coloré. On pourrait imaginer la mer au-delà… Cela ressemble à Ostende. Un tableau d’Ensor.

Il y a là une fille en tutu, à l’abandon. Elle ne bougera quasiment pas (on comprend que Sylvia Bergé ait rendu son rôle!). Mais les musiques que l’on entend sont plutôt italiennes… On serait sur l’Adriatique… Ou plus simplement dans cette campagne que l’on découvre en un film liminaire qui nous montre de très jeunes gens et jeunes filles s’ébattant dans des costumes XVIIe… Un parquet de bal aurait été installé là, pour un soir.

Anne-Laure Liégeois qui, la saison dernière avait mis en scène au Théâtre Éphémère Une puce, épargnez-la de Naomie Wallace, transpose donc l’action dans un univers populaire. Elle signe la scénographie, mais aussi les costumes, volontairement assez moches. En quoi ont consisté son travail et celui de sa brigade d’assistants? À imprimer un mouvement très banal à la représentation avec toutes ces entrées à jardin, toutes ces sorties à cour, avec une gestuelle imposée, des affrontements, des effusions assez convenus. Elle a de la chance: rien ne peut amoindrir l’intelligence, l’instinct, le métier, le grand art des comédiens-français sont plus mûrs que les personnages imaginés par Corneille, mais qui sont la jeunesse dans sa flamboyance et ses souffrances, ses douleurs, ses perversités. Louons Florence Viala, magnifique et toute en nuances en Angélique la sacrifiée, Elsa Lepoivre, Phylis, la radieuse, toujours superbe. Louons Clément Hervieu-Léger son petit frère bien énervé, Alain Lenglet qui s’amuse, Éric Génovèse profond et fin dans la partition de Cléandre. Benjamin Lavernhe, nouveau dans la troupe, mériterait d’être mieux dirigé. Il est moins indépendant.

Au centre est Alidor qui croit préférer ce qu’il pense être la liberté à l’amour d’Angélique. Un sacré manipulateur, un indécis, un metteur en scène de scénario cruel. Denis Podalydès illumine ce personnage complexe et irritant. Il est époustouflant jusque dans la sobriété. Autant le dire, ces comédiens jouent en dépit du metteur en scène. Ils jouent Corneille, ici précurseur de Marivaux. Et les alexandrins leur sont langue naturelle, fluide, envoûtante.
Irruption d’un char soviétique

À Aubervilliers, Didier Bezace a choisi de s’inspirer d’un film roumain extraordinaire,Au diable Staline, vive les mariés!de Horatiu Malaele et Adrian Lustig pour le scénario.

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