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L’inconnu de Mer frappée : chapitre VIII (suite)

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VIII

LE DÉCÈS

Un après-midi du mois de mai où le soleil flamboyait sur la ville qui s’amalgamait dans les rires d’une pléiade de gamins frivoles qui revenaient de l’école, une dizaine de militaires dépêchés expressément de la capitale sont arrivés à bride abattue à la caserne Toussaint-Louverture et ont procédé à l’arrestation spectaculaire du capitaine Coriace. Menottes aux poignets, l’officier, sans offrir de résistance, avait suivi les « troupiers » commandés par l’adjudant-major, Ménélas Flavius, jusqu’aux véhicules de l’armée qui attendaient aux abords du trottoir, en face de l’hôtel Moïse, pour reprendre la route en sens inverse. Lorsque le cortège a tourné devant le lycée Fabre Geffrard pour traverser les entrailles bidonvillisées de Descahos, la petite foule qui assistait au déroulement de la scène inopinée, tout à fait imprévisible, a applaudi chaudement. L’État major des Forces armées d’Haïti aurait retrouvé le nom du capitaine coriace sur une liste d’officiers supérieurs et subalternes qui allaient participer à un complot pour assassiner le président François Duvalier. Un soi-disant complice, le lieutenant Léonce Aurélien, sous la menace des tortures à Fort-Dimanche, avait vendu la mèche au commandant de la garnison criminelle.

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Robert Lodimus vu par l’IA

— Par Robert Lodimus avec l’I.A. —

Robert Lodimus est un auteur, essayiste et romancier qui vit et enseigne à Montréal, au Québec. Il est également connu pour ses commentaires et ses analyses politiques, notamment sur la situation en Haïti, qu’il publie régulièrement sur des plateformes comme Madinin-Art

Ses publications et activités récentes

  • En octobre 2025, il a publié un article dans Madinin-Art commentant la situation politique et sociale en Haïti, anticipant une catastrophe politique imminente.

  • Toujours en octobre 2025, un extrait de son roman L’inconnu de Mer frappée a été partagé sur la page Facebook de Rezo Nòdwès.

  • Il a publié en juillet 2025 un article intitulé « Jovenel Moïse, a-t-il été assassiné ou exécuté… ».

  • Il est l’auteur de plusieurs romans et essais, parmi lesquels figurent Le Grand Combat contre le CapitalIl faut sauver CarthageLes Tigres sont encore lâchés …

  • Il a aussi mené des entretiens, comme celui avec Mᵉ Théodore Achille, sur les événements qui ont conduit au renversement de Jean-Claude Duvalier en 1986. 

Robert Lodimus a écrit plusieurs livres, dont des romans et des essais.

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L’inconnu de Mer frappée : chapitre VIII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VIII

LE DÉCÈS

Je me suis cramponné solidement aux jambes de mon père qui me caressait les cheveux pour me rassurer. Son instinct paternel lui avait permis de ressentir la stupeur, l’effarement, l’étonnement qui cravachait mon esprit scandalisé. L’atmosphère de la salle glaçante, qui servait de lieu infernal de jugement et de condamnation, était noyée par les jets de l’arrogance, les trombes de l’injustice, les vagues de la honte qui caractérisaient cette époque où la vie des individus était devenue aussi fragile qu’une toile d’araignée. On y percevait, par la même occasion, la montée progressive des flots de révolte qui se formaient dans la gorge des « zeks », et qui, quelques décennies plus tard, allaient réussir à drainer les colluvions d’une dictature féroce, dressée comme une crête-de-coq sur cette portion de terres héroïques des Antilles. Denis Amar aura dit plus tard : « Le pouvoir est aveugle, la misère est muette. » Cependant, j’aurai ajouté moi-même : « Lorsque la misère aura appris à parler, personne ne pourra jamais plus la faire taire; personne ne pourra jamais plus lui imposer le silence; personne ne pourra jamais plus la contenir.»

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« J’accuse »

« Si, par la simple force du nombre, une majorité pouvait priver une minorité d’un droit constitutionnel clairement défini, cela pourrait, au point de vue moral, justifier une révolution. »

(Abraham Lincoln, discours inaugural du 4 mars 1861)

Par Robert Lodimus

« Les Blancs débarquent », dirait l’historien Roger Gaillard. En attendant, la barque de la société haïtienne continue à dériver vers les rapides d’un désastre politique, d’une catastrophe économique et d’une péripétie financière avec des conséquences, – quoique prévisibles –, difficilement réparables. Le choc engendrera un niveau de destruction physique et de dérangement psychologique cent fois supérieur aux malheurs et aux détresses provoqués par le séisme du 12 janvier 2010, où plus de 300 000 mille compatriotes furent écrasés et ensevelis sous des blocs de béton armé. Nous ne sommes pas des prophètes de fatalité. Certains d’entre vous qui lirez ce texte réagiront probablement comme les individus qui se moquaient des avertissements prophétiques de Noé, le personnage de l’Ancien Testament. Et pourtant, le déluge arriva. Selon la légende, le récit hagiographique, les «Thomas » furent tous noyés sous les eaux de la colère et de la malédiction des cieux.

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« L’inconnu de Mer frappée » : Chapitre VII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VII

L’INJUSTICE

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Les deux militaires nous ont conduits, mon père et moi, dans une pièce sous- éclairée où l’on observait à l’arrière une table de bureau tellement blafarde, que le bois avec lequel elle était fabriquée semblait remonter à l’Âge de pierre. Sur le mur du fond, les regards hébétés, interloqués biglaient un crucifix qui représentait un Christ inoffensif, à moitié dévêtu, avec la tête souffrante légèrement penchée – comme toujours – vers l’Hyperborée. La salle était presque vide, à part une vieille armoire en acajou qui s’ajoutait au décor, et sur laquelle traînaient quelques cartables empilés de manière désordonnée. On avait facilement deviné qu’il s’agissait des dossiers de prisonniers politiques ou de droit commun incarcérés, libérés, décédés, assassinés ou exécutés… Le sergent Odilon, le mari de Mirana, accompagné de quatre « troufions », avait procédé lui-même à l’arrestation de Jésula Destiné. Le bizarroïde – révélation plutôt étonnante – venait du royaume lumineux d’Henri Christophe. Les yeux du sous-officier avaient la teinte rougeâtre du soleil couchant; son nez large et plat restait vissé sur un faciès lunaire; ses lèvres découvraient des gencives violettes qui soutenaient des dents brunies par la fumée des « cigarettes Splendid».

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Docteur Renan Pétion, un grand artisan du Combat des prolétaires…

Décédé le 17 septembre 2007 à Montréal

— Par Robert Lodimus —

« La misère, chargée d’une idée, est le plus redoutable des engins révolutionnaires. La misère est le canon, l’idée est le boulet. »

  (Victor Hugo)

Marcher lentement les bras croisés derrière un corbillard qui transporte la dépouille d’un proche parent ou d’un camarade à sa dernière demeure constitue une épreuve pénible, douloureuse, nullement souhaitable… Mais, que voulez-vous? Dire tout simplement comme Marcel Achard: « Il n’y a qu’une chose certaine dans la vie, c’est qu’on la perd. » À cela, faudrait-il ajouter: « On n’y peut rien… » Devant la crainte de l’Éternité angoissante, Montaigne a tenté lui-même de justifier son ressentiment obsessionnel: « Ce n’est pas la mort que je crains, mais de mourir. » Mourir: acte ultime et naturel certes, mais combien redouté… ! Transition incontournable…! Passage obligé pour un voyage définitif dans l’au-delà ombrageux. Ténébreux. Néantisé dans les consciences rebelles et impies.

Une trentaine de personnes juxtaposées dans une salle exiguë. Des pleurs étouffés. Des larmes timides sur des visages chagrinés. Moment de recueillement solennel devant un corps inerte, enfoncé dans une bière glaciale qui va descendre dans la gorge de la terre.

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« L’inconnu de Mer frappée » : Chapitre VI

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VI

LE RAPPEL À L’ORDRE

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« Je n’ose plus regarder
Ce spectacle déchirant
Des bras fatigués
Qui tendent
Vers un ciel de plus en plus avare
Des yeux qui n’ont plus de larmes
Pour évacuer
Les souffrances de la misère
Des corps qui n’ont plus de jambes
Pour échapper
Aux flammes des calamités
Des poignets qui n’ont plus de mains
Pour s’agripper
Aux branches de l’espoir »

(Robert Lodimus, extrait de Vers L’aube de la Libération, poésie)

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Durant un long moment, mes pensées vagabondaient dans un couloir de souvenirs cauchemardesques. Et comment pouvait-il en être autrement au pays de l’hypertrophie de la phobie collective et de la mort violente ? Je me rappelle ce matin pluvieux où Clément, un membre proche de la famille, annonçait à mes parents qu’il avait décidé de s’expatrier à New York. Depuis la disparition de son frère aîné Ricot, enlevé de son foyer en pleine nuit à Port-au-Prince, celui-ci craignait pour la sécurité de son épouse, pour celle de ses enfants et pour la sienne. Émilio lui demandait s’il avait bien pris le temps de réfléchir.

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L’exil

— Par Robert Lodimus —

L’exil

L’exil
C’est la mort
On vieillit
On maigrit
La famille
Les amis
Les souvenirs
Les rues de notre enfance
Tout se confond dans notre mémoire
Au fil du temps qui passe

L’exil
C’est la feuille verte
Détachée de sa branche
Que le vent de la peur
Ou de la misère
Partout traîne rageusement
Et qui va sécher
Dans la savane
Les soirées de glace
Démaillent les illusions
Et les fantasmes
Sur les joues creusées
À coups de nostalgie
Se déploient
Comme sur un tissu à rayures
Les stigmates indélébiles
De l’exil tourmenté
Liberté
Ils ont assassiné
Notre « Soleil »
Tu n’existes plus

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« L’inconnu de  Mer frappée » : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

Mon père paraissait étonné de me voir. Il m’a pris dans ses bras et m’a serré très fort contre lui. Le sergent Oscar, qui habitait presqu’en face de nous, contemplait de loin la scène émouvante de retrouvailles. Il nous a salués timidement de la main. Son visage découvrait de l’embarras. Oscar ne portait jamais d’armes à feu. Lorsqu’il n’était pas à la caserne, il discutait des parties de dames avec les adultes de la place ou jouait aux billes en compagnie des gamins qui l’appelaient respectueusement « oncle Oscar ».

Racontez-moi pour les examens, fiston !

Je crois que tout s’est bien passé. Je n’ai éprouvé aucune difficulté.

Votre mère, votre frère et votre sœur, ils vont bien ?

Oui, tout le monde va bien…

Cela fait plaisir de le savoir. L’important pour moi, c’est que vous n’êtes pas menacés…

Quand est-ce que vous allez revenir à la maison ?

Bientôt ! Enfin,… bientôt !

Pourquoi vous gardent-ils ici ?

Je ne sais pas !

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L’inconnu de Mer Frappée : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

« Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison. »

(Henry David Thoreau) 

Mon père savait ce qu’il disait, quand il m’a conseillé de faire attention à ce que j’écrivais dans mes cahiers de poèmes. Il avait lui-même fait l’expérience douloureuse et humiliante de l’emprisonnement politique. N’était-ce la présence d’Hestia, la déesse de la sécurité et du bien-être de la famille, il aurait même pu y laisser sa vie, comme d’autres victimes plus malchanceuses. Certains détentionnaires – parmi lesquels des professeurs de sciences sociales, des avocats membres du Barreau des Gonaïves, des médecins de famille, des élèves de lycée, des ouvriers, des porte-faix, des commerçants… – étaient transférés dans les goulags de la capitale, particulièrement vers les prisons de Fort Dimanche et des casernes Dessalines. La ville ne les avait plus revus. Les parents souffraient et pleuraient en silence, par crainte d’être dénoncés. Ces compatriotes avaient été interrogés par des puissants chefs macoutes – comme Luc Désir, Mme Marx Adolphe, Lisius Jacques, Zacharie Delva – et des militaires barbares – tels que Jean Tassy, Abel Jérôme, Max Valmé, Franck Romain… – qui, au mépris de la loi, les avaient jugés, condamnés, emprisonnés et conduits au poteau d’exécution.

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« Le déclin n’est pas la fin »; mais la fin commence par le déclin…

— Par Robert Lodimus —

Surtout à l’attention de notre compatriote Ronald Beaudin, ex-ministre de l’Économie et des Finances du président Préval

« La Sagesse, c’est plutôt le courage de faire ce que les autres ne font pas, de dire ce que les autres ne disent pas. »

(Robert Lodimus)

Les appauvris se sentent aujourd’hui orphelins de discours rationnels, de messages combattifs, sur la nécessité d’organiser une lutte sociale et  libératrice en faveur de la classe ouvrière. Des réflexions profondes, bien élaborées, truffées d’ardeurs de militance à la Étienne Lantier, à la Souvarine, les personnages atypiques d’Émile Zola.

Les plus âgés restent nostalgiques des temps forts, où le salariat conscientisé, comme celui de Montsou, se battait fermement contre le patronat radin et endurci pour exiger le respect de ses « droits de vivre », plutôt que de se contenter d’exister, pour paraphraser Jacques Ellul. Faire ainsi reconnaître l’importance et l’indispensabilité de ses contributions physique, intellectuelle et professionnelle, pour que le monde avance et s’installe finalement dans l’hémicycle de la justice, du développement et du progrès sur une base de l’universalité.

Blaise Pascal affirme que « la Justice sans la Force est impuissante.

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L’inconnu de Mer Frappée :Chapitre IV

— Par Robert Lodimus —
Chapitre IV

L’INQUIÉTUDE

Les derniers rayons du soleil commençaient à s’enfoncer dans la mer. Dans peu de temps, l’obscurité opaque allait draper toute la ville. Mer Frappée se serait transformée en un immense trou de sombreur pour accueillir les loups garous de « La Tannerie » qui venaient festoyer toutes les nuits sur le sable grisâtre du littoral endormi. Le vaste quartier côtier, où se bousculait la gueusaille, portait bien son nom. Les cuirs mis au tannage sentaient les rats crevés. Pendant le jour, on pouvait observer çà et là des tapis de cuir de vache ou de chèvre cloués au sol avec des piquets qui séchaient au soleil. Pour traverser la zone, il fallait couper sa respiration en fermant la bouche et en écrasant son nez avec le pouce et l’index. Pourtant, les riverains qui y vivent de manière permanente ne semblent pas se rendre compte de la puanteur persistante qui se mélange à l’air qu’ils respirent tous les jours. On aurait dit que toutes les mouches de la ville s’étaient donné rendez-vous dans cet amas de masures infectes.

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Netanyahu : Le monstre de Frankenstein

— Par Robert Lodimus —

« Si Dieu n’existe pas, tout est permis.  

(Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov)»

  C’est vrai que ce sujet épineux incite à la plus haute réserve et à la plus grande précaution. Les agissements politiques des enfants d’Abraham envers les habitants de la Bande de Gaza – il faut le dire clairement – souvent non conformes aux conventions et traités internationaux,  sont toujours au-dessus de tout blâme. Nous ne parlons même pas de sanction. Les Israéliens comptent autour d’eux des alliés puissants. Leurs richesses économiques et financières se déploient à la grandeur de la planète. Les Juifs, établis sur tous les continents, n’arrivent plus à comptabiliser leur  argent,  leurs mobiliers et leurs immobiliers. Et par-dessus tout, comme si cela ne suffisait pas, « l’Éternel » aurait même fait d’eux – selon les Écritures – les premiers et principaux héritiers du « Paradis ». Ils sont donc – contrairement à vous et à moi – les  « enfants légitimes » de la « Création ».

Les États-Unis, le Canada, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, pour ne citer que ceux-là, révèrent Israël comme les Frères de l’Instruction Chrétienne nous apprenaient, enfants,  à vénérer Jean-Marie de La Mennais, encenser  le catholicisme rétrograde et son « mensonge théorisé » – pour reprendre  les termes que Jean-Pierre Rioux(1) a utilisés dans un contexte différent – et à abhorrer les Indiens.

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L’inconnu de Mer frappée : Avant-propos, Préambule, Chapitre I

Par Robert Lodimus

AVANT PROPOS

Ce livre, mélange de fiction et de réalité, déplaira probablement à certaines gens. Il n’a pas été écrit non plus dans le but de plaire… Ou de flatter… L’époque qu’il décrit est satanique. Jamais on n’aurait pensé qu’il eût été possible pour la terreur de s’élever à une pareille hauteur. Beaucoup d’individus se reconnaîtront – qu’ils soient du bon ou du mauvais côté – au travers de ce récit émouvant où se déploient ligne après ligne, page après page, les tentacules d’un mal hideux qui a rongé, déstabilisé, démoli la république d’Haïti durant 29 ans, au cours de la deuxième moitié du siècle dernier. Le bilan est épouvantable. Il donne froid dans le dos. Glace le sang. Des centaines de milliers d’exilés. Des milliers de morts et de disparus. De quoi transformer une ville entière en cimetière ! Pourtant, l’on ne parle pas d’une région du monde écrasée sous les bombes de la guerre.

Dans un contexte social turpide décrit par « L’inconnu de Mer Frappée », le jeune José Marti Paulémon croise un érudit.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XVII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XVII

LA RÉSURRECTION

« Je mourrai face au soleil… »

(José Marti)

Beaucoup de philosophes tentèrent d’imposer leur propre définition du concept de « temps » dans ses dimensions complexes et controversées. Platon et Aristote l’abordèrent en tant qu’« image mobile de l’éternité ». Martin Heidegger dans « Être et temps » le considérait comme un aspect lié au fondement de la condition de l’individu tout le long de son parcours existentiel. Selon Saint Augustin, le temps se définissait par le présent. Car le passé évoquait la mémoire, et l’avenir renvoyait à une situation d’éventualité. En ce qui touchait le futur, nous aurions pu lui trouver un registre sémantique plus ouvert : expectative, prévision, perception, espérance…

En définitive, ce fut entre la « naissance » et la « mort » que le temps exista. Et il pouvait être considéré comme la somme des instants – bons ou mauvais – qui se situaient dans l’intervalle mobile, versatile, mais aussi inamovible des pôles de l’existence : le début et la fin, donc l’Alpha et l’Oméga.

Le temps s’arrêta à la frontière de la « mort » et s’ouvrit sur le néant.

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Hara-kiri

En Hommage à Edmond Laforest, à Pierre Sully et au député Raymond Cabèche

— Par Robert Lodimus —

(Edmond Laforest, 1876-1915)

Je mange des ronces
Et des écailles de colère
Depuis le retour des maquisards
Qui ont noyé Laforest [1] Dans le seau de l’indignation
Un nœud croulant de consonnes
Et de voyelles
Resserré inexorablement
Sur la gorge fragile
Des Cendres et flammes
Woodrow Wilson [2] Le nom de cet animal féroce
Qui a mordu mon peuple
Pendant la nuit
Où l’Europe bouleversée
Frappée par la foudre
De l’hégémonie
Agonisait sur les ruines
De la destruction démentielle
Cette fois encore

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XVI

Chapitre XVI

LA MISSION

« L’injustice est pareille à l’eau qu’on chauffe dans une marmite. Quand elle bout trop longtemps, elle déborde : c’est cela, la révolte.»

(Alexandre Najjar)

L’anéantissement de La Roche – quoique l’historiographie universelle, contrairement à l’immersion d’Héracléion sous les eaux d’Aboukir, au déclin de Babylone avant sa disparition définitive, à la prise de Constantinople par Mehmet II en 1453 pour mettre un terme à l’empire Byzantin, à l’anéantissement de la cité antique de Pétra par un tremblement de terre meurtrier, n’en eût fait point mention – cela n’avait pas réussi pour autant à opiler les voies des espoirs de liberté et des rêves de justice d’une tranche de vie captive de la planète. La conscience universelle que la chaumine de la misère et de la peur avait hiberné, allait donc se réveiller un jour. Elle serait parvenue à s’échapper de la balme de Platon, afin de rejoindre ce « monde intelligible » d’où jaillirent les lumières de la connaissance et de la vérité. Les apôtres d’Apophis, ceux-là qui « servilisaient » leurs semblables, les torturaient dans les bagnes de l’indignité, qui érigeaient les goulags pour les Alexandre Soljenitsyne,.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XV Le Choc

« La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents. »

(Victor Hugo, Discours sur la tombe d’Émilie de Putron, 19 janvier 1865)

L’histoire de l’univers n’avait-elle pas toujours foisonné des tragédies phénoménales, des calamités irracontables, des drames indescriptibles, des cataclysmes inimaginables…? Dans l’antiquité, les peuples germaniques, asiatiques et slaves, communément appelés les guerriers barbares ou les barbares sanguinaires qui envahirent au IIIe siècle l’empire Romain, brûlaient des villages, éventraient des populations parfois paisibles et inoffensives. Il ne faudrait pas oublier non plus les Vikings qui – durant trois centenaires environ – tuaient, pillaient, incendiaient et détruisaient tout sur leur passage. Mais la plus terrible catastrophe, de laquelle la mémorabilité humaine avait atteint sa lettre de noblesse, demeurait sans conteste l’effroyable incendie de Rome par l’empereur Caius, plus connu sous le nom de Néron le tyran, dont la cruauté pouvait se mesurer à l’étendue de l’océan.

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Jovenel Moïse, « fléau de Dieu » 

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres passifs que la fièvre maigrit?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules :
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison, le même mouvement. »

(Victor Hugo, Mélancholia)

— Par Robert Lodimus —

Le crépuscule tombait déjà sur le paysage voilé et enneigé. Un immense tapis blanc recouvrait les rues crevassées, dégoudronnées à certains endroits. Au Canada, le mois de février n’est-il pas réputé pour son humeur impassiblement rigoureuse? À cette période de l’hiver, la température oscille souvent entre moins 40o et moins 50o Celsius. De quoi faire geler le sang d’un chameau en quelques secondes. Quand il vente et grêle, les gens peuvent ressentir jusqu’à moins 600 sur la peau fragile et sensible. La plupart des personnalités fortunées et des retraités privilégiés qui habitent dans les régions nordiques s’envolent à destination du Sud dès la fin de novembre. Notamment en Floride où ils disposent d’une confortable résidence secondaire.

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Robert Lodimus : Jovenel Moïse, a-t-il été assassiné ou exécuté?

— Par Robert Lodimus —

« Je suis le peintre
De la rébellion
J’ai reproduit
GUERNICA
Sur les sarraus
Des paysans
Et des ouvriers
Je galope
Contre le vent pervers
Bravant
La plénitude de cruauté
Des naufrageurs
De l’embarcation
De mes rêves téméraires
Je refuse
La prière de Martin Gray
Je vomis
Les concepts creux
Qui dégrisent
Mes idées libertaires
Je veux aiguiller
Le train de l’oppression
Pour qu’il ne traverse plus
Les bidonvilles scabieux
Du Sud »

(Robert Lodimus, Couronne d’épines et de ronces)

 

     En apprenant la mort sauvage de Jovenel Moïse, nous avons pensé tout de suite, sans vous le cacher, à l’ouvrage au titre controversé de Boris Vian, « J’irai cracher  sur vos tombes  », qui a provoqué, lors de sa parution en 1946 aux Éditions du Scorpion, un scandale judiciaire phénoménal.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV (Partie II)

— Par Robert Lodimus —

Chapitre quatorze, deuxième partie

Chapitre XIV

Le houngan Oracius, d’une certaine façon, faisait partie des victimes de la violente « campagne antisuperstitieuse » de 1939 à 1942 que le clergé catholique, appuyé par le gouvernement d’Élie Lescot, déclencha contre la pratique du vaudou. Des péristyles furent pillés, saccagés et incendiés. Déjà, en 1896 et en 1913, des Lettres pastorales dénonçaient le culte des dieux africains comme une courroie de propagation, d’uniformisation, d’universalisation de la superstition et de la magie noire. D’éminents intellectuels, parmi lesquels Jacques Roumain, s’insurgèrent contre ces mesures scandaleuses qu’ils avaient qualifiées d’entrave à l’émancipation de la culture nationale. Le père Raphaël Moreau, aux côtés de Monseigneur Robert, était à la tête de ce mouvement de destruction des temples vaudou des paysans et parlait de la nécessité « d’évangéliser la culture ». Cependant à la grande surprise des prêtres colonialistes, ces persécutions brutales ne firent que raviver, fortifier les croyances des masses populaires dans le vaudouisme. Les serviteurs des « lwa », dispersés dans les mornes, les plaines et les vallées, n’abdiquèrent point leurs droits légitimes et inaliénables devant les exigences dictatoriales imposées par la Cité du Vatican.

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Si « Satan » existe, il ressemble à Franck Romain!

— Par Robert Lodimus —

« Si la mort était la fin de tout, ce serait un grand avantage pour les méchants
(Socrate)

Les nouvelles du soir ont annoncé dans l’indifférence générale le décès de l’excolonel Franck Romain.  Le militaire tortionnaire a été domestiqué par François et  Jean-Claude Duvalier pour commettre les pires atrocités reprochées aux deux gouvernements. Si Satan existe, c’est à ce « crocodile des marais » qu’il ressemble. L’enfer s’impatientait probablement de l’arrivée tardive de l’ « écorcheur » de Jean-Jacques Dessalines Ambroise. Le « boucher » de Louis Drouin et de Marcel Numa – l’engraisseur des chiens vagabonds de Titanyen – n’a pas volé  sa place au royaume d’Hadès et de Perséphone. La cruauté de cet Henri Fonda dans le rôle du tueur « Franck », le personnage froid, monstrueux et terrifiant du long métrage « Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West)», du réalisateur italien Sergio Leone, n’est comparable qu’à celle de Roger Lafontant, le ministre de l’intérieur de Jean-Claude Duvalier qui a achevé avec une baïonnette le docteur Lionel Lainé à l’hôpital militaire de Port-au-Prince.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XIV

LE MASSACRE

« Il suffit d’un grand homme pour mener une nation ou une époque… Le peuple haïtien est le fils ainé de la race noire, Il doit lui servir de modèle et d’initiateur. Il est exemple, il doit être espoir. »

(Louis Joseph Janvier)

C’était le lendemain de la journée commémorative de la Fête-Dieu, appelée aussi « corpus Christi » par l’Église catholique, en reconnaissance de la compassion sacrificielle de Jésus-Christ pour affranchir l’humanité de l’emprise des divinités infernales. Cette solennité religieuse, célébrée par le Saint Siège, émergeait une seule fois au cours de l’année, précisément au mois de juin, 60 jours après Pâques, pour s’évaporer le soir dans une confusion d’aliénation, conforme à la religiosité labyrinthique. Instituée en 1246 dans la cité de Liège, elle fut aussi appelée la « Fête du Corps et du Sang du Christ ». La tradition commandait aux croyants – sous peine de s’attirer les foudres du ciel – de prendre part massivement au défilé processionnel, qui, à la période concernée, était conduit par Monseigneur Bernard Dubois assisté des autres membres du clergé.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Suite du chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

(Suite du chapitre XIII)

LES ÉCHANGES

Tout d’un coup, Richard l’emporta sur Silas. La main de sa conscience ébranlée, de son cerveau perturbé, de son esprit troublé, le tout plongé dans un bassin de confusion caustique, corrodante, depuis sa fuite héroïque, désempoigna cette rampe de tergiversation qui lui faisait dandiner à la manière du  bateau de Rimbaud. Richard se sentit éjecter de sa caverne de scepticisme. Les ombres s’évaporèrent. L’univers intelligible, comme dans un conte de fée, s’ouvrit devant ses paupières froissées. Un frisson de révolte, de la tête à la nuque, traversa son corps aminci et momifié. Il venait de découvrir « les chemins de la liberté » : cette route véritable capable de conduire les pas des pauvres jusqu’aux écluses de la régénérescence spirituelle et matérielle. Richard enleva son chapeau de paille, qui ressemblait à un canotier de montagnard, et exposa ses cheveux courts et bouclés au soleil des revers de l’existence humaine. Ses regards, pareils à un panoramique effectué au moyen du kinétographe de Thomas Edison et William Kennedy Dickson, exécuta un mouvement célère de la droite vers la gauche.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XIII

LES ÉCHANGES

« La joie et la tristesse sont inséparables. Ensemble elles viennent. Et quand l’une s’assoit seule avec vous, rappelez-vous que l’autre est endormie sur votre lit. »

(Khalil Gibran)

Les Rochois avaient atteint visiblement les parapets de l’épuisement. Le cœur gros, découragés, ils exhalaient à grand-peine les vapeurs nuisantes de la frayeur et du désagrément. Sur la toile de sombreur où était peinte cette bergerie d’incertitude, se mouvait un demain glacial, algide, marmoréen : une sorte de représentation picturale de pâleur cadavérique. Mais ce demain, en toute franchise, n’avait-il pas toujours été pour les indigents un réservoir de malaise, un canari de contrariété, un ballast de misère et un abreuvoir du scepticisme de Pyrrhon? Les paysans avaient finalement pris la décision de ne pas s’aventurer plus loin. Ils avaient saccagé les tripes de la forêt, bouleversé les entrailles des eaux stagnantes, creusé sous les rochers sans découvrir le moindre indice qui aurait fait croire à tout le moins que le petit Sauveur serait encore vivant ou déjà mort. Après mûre réflexion, ils avaient convenu d’abandonner les recherches, et de s’en remettre complètement à la volonté du Créateur.

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