Étiquette : racisme

« Islamo-gauchisme » à l’université, la réponse d’un sociologue

— Par Bernard Gorce —

Dans son rapport, Michel Wieviorka exprime ses réserves sur les usages politiques et militants de certains concepts sociologiques et dénonce l’influence du Printemps républicain ou de l’Observatoire du décolonialisme, accusés de manquer de nuance.

Il y a tout juste un mois, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal dénonçait « l’islamo-gauchisme » qui « gangrène » l’université. Après l’émotion, les polémiques et les pétitions, voilà enfin un premier élément de réponse argumentée par Michel Wieviorka, l’un des sociologues les plus au fait du racisme et des études dites « postcoloniales ».

→ À LIRE. L’université dépassée par les questions identitaires

La ministre avait souhaité « un état des lieux de ce qui se fait en recherche en France sur ces sujets ». Le directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) s’est auto-saisi du sujet et adresse à la ministre un « rapport » qui intéressera tout autant le grand public.

La race au sens culturel, une « catégorie pertinente »

Le chercheur restitue d’abord les racines de ces études qui connurent une transformation dans les années 1960 aux États-Unis et explicite les concepts et approches tels que « racisme institutionnel », « intersectionnalité », « postcolonialisme » et « décolonialisme », etc.

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Race(s) de François Bourcier : salutaire !

— Par Selim Lander —

Paradoxe. Alors que les savants nous expliquent par A + B que les races – blanc, noir, jaune, rouge – n’existent pas, qu’il n’y a qu’une espèce humaine, voici que, dans notre France, pays des Lumières, s’éveille un communautarisme plutôt nauséabond. Au nom de la défense des minorités qui seraient insuffisamment reconnues – et sans doute ne le sont-elles pas autant qu’il conviendrait : qui a dit que nous sommes dans un monde idéal ? – un mouvement prend de l’ampleur qui veut faire entendre la voix des individus « racisés » (sic) ou « racialisés » (re-sic). Ainsi apprend-on qu’une guerre s’est déclenchée au sein des départements de sciences humaines de nos universités entre les universalistes qui s’en tiennent aux déclarations universelles des droits de l’homme et ne veulent reconnaître aucune différence « raciale » et les décoloniaux (re-re-sic) qui tirent argument du passé colonial de notre pays pour sommer les institutions de « réparer », c’est-à-dire de céder à toutes leurs revendications. Foin de la laïcité qui ne serait, selon certains, qu’une figure de l’islamophobie.

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Avignon 2017 (13) « Le Misanthrope politique », « La Putain respectueuse », « La Violence des riches »

— Par Selim Lander —

Le Misanthrope (politique) de Molière (OFF)

Voilà une M.E.S. (de Claire Guyot) qui dépoussière joliment une pièce du répertoire classique sans jamais la trahir. Le titre est trompeur, de même que le résumé dans le catalogue du OFF qui évoque une « version cinématographique du chef d’œuvre de Molière » alors que ce Misanthrope se joue fort honnêtement sur les planches sans le truchement d’une caméra ni de micros. Quant à l’aspect « politique », il correspond tout au plus à un prologue (muet) et à la première scène pendant lesquels Alceste et Philinte travaillent côte à côte sur un bureau, l’un à signer des parapheurs, l’autre à corriger un texte sur un ordinateur portable. Car c’est surtout en cela que la M.E.S. est moderne, grâce aux costumes et à une utilisation très astucieuse des instruments qui ont envahi notre vie quotidienne, tablettes et téléphones mobiles. Par exemple Philinte n’a pas besoin d’être présent dans la même pièce qu’Alceste. Il peut dialoguer avec lui grâce au téléphone d’Éliante en position haut-parleur. De même le valet de Célimène est-il commodément remplacé par un interphone.

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Psychopathologie du racisme : le cas Ralf Gonflant

hopital-de-jourUn rapport presque imaginaire du docteur Nimbus

« La haine n’est qu’une défaite de l’imagination », Graham Greene.

Ralf Gonflant (le nom est changé) est venu nous consulter à la demande de la justice après avoir fait l’objet de plusieurs plaintes portant sur des agressions à caractère raciste. C’est un homme dans la force de l’âge appartenant à la classe moyenne supérieure, un intellectuel qui exerce sa profession avec succès, tout en menant parallèlement une carrière artistique qui lui a conféré une renommée dépassant le cadre étroit de l’île où il est né et où s’est déroulée toute sa carrière.

Ce patient est métissé. Psychothérapeute mais jamais auparavant confronté à la pathologie du racisme, ce fait m’a tout d’abord surpris. Il me semblait qu’un métis devait moins que tout autre succomber à ce mal. N’est-il pas lui-même, fruit de l’union de plusieurs races, l’incarnation du caractère artificiel de leur séparation ?

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#TousUnisContrelaHaine : une campagne choc pour lutter contre le racisme

actes_menaces_racistes-1VIDÉO – Avec six spots mettant en scène des agressions racistes et antisémites, le gouvernement lance ce dimanche une campagne de sensibilisation pour dénoncer les préjugés et provoquer une prise de conscience.

«Le racisme, l’antisémitisme, les actes antimusulmans, ça commence par des mots, ça finit par des crachats, des coups, du sang». C’est sur ce message que se terminent six vidéos mettant en scène des agressions racistes ou antisémites. À la veille de la journée mondiale pour l’élimination de la discrimination raciale, le gouvernement a lancé une campagne choc intitulée #TousUnisContrelaHaine pour dénoncer les préjugés et provoquer une prise de conscience.

Ici une tête de porc sur la grille d’une mosquée. Là, un jeune Noir roué de coups. Là encore, un tag «mort aux Juifs» sur une porte de synagogue. Inspirées de faits réels, ces séquences de trente secondes sont toutes construites de la même manière: une agression filmée avec un smarphone, avec en fond sonore une conversation, relayant des clichés racistes couramment véhiculés sur la communauté concernée. Jusqu’à ce qu’une voix s’élève et leur lance: «Vous êtes sérieux là? Vous croyez vraiment ce que vous dites?»

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Pour une répression juste des propos racistes

—Par un COLLECTIF —

licra-2TRIBUNE La haine raciste ne doit pas être traitée comme un délit d’exception qui serait l’expression d’une simple opinion. Elle mérite une véritable réponse pénale, efficace et rapide.

Depuis son annonce par le gouvernement, le projet de sortir les délits de propos racistes de la loi sur la presse de 1881 pour les insérer dans le code pénal est l’objet de vives attaques, venant du camp même des antiracistes. Il s’agirait là d’une loi d’émotion, en réponse aux tragédies du mois de janvier, d’une atteinte à la liberté d’expression, d’une mesure inefficace. Aucune de ces critiques n’est pourtant fondée. En premier lieu, il faut rappeler qu’il ne s’agit pas là d’une réaction politique au traumatisme de Charlie. C’est notamment une revendication très ancienne de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui, dès les années 90, portait le projet de sortir de la loi de 1881 sur la presse pour mieux lutter contre le racisme.

En cause, la loi elle-même. Technique, complexe, d’un formalisme extrême immaîtrisable pour la plupart des juristes. Même si les efforts se sont accrus depuis plusieurs années pour renforcer la formation des magistrats sur la lutte contre le racisme, la réalité d’une juridiction non spécialisée – seules quatre juridictions en France comportent des chambres spécialisées en matière de «délits de presse» – c’est de voir trop souvent des procédures, relevant de la loi de 1881, échouer faute d’avoir respecté les chausse-trapes procédurales de cette loi.

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En Afrique du Sud, une xénophobie largement banalisée

— Par Sébastien Hervieu —
xeno_afrik_sud-2Sa présence aurait valu tous les démentis. Lui qui dénonçait une « distorsion délibérée » de ses propos. Pourtant, au milieu des quelques milliers de manifestants, ce jeudi 16 avril, dans les rues de Durban, dans l’est de l’Afrique du Sud, point de roi des Zoulous. Entre les nombreux drapeaux de pays africains, personne n’a vu Goodwill Zwelithini brandir une pancarte « Phansi nge Xenophobia » (« A bas la xénophobie ») ou crier « Hlanganani maAfrika » (« Africains unis »).

Cette foule continuera donc de retenir que le chef traditionnel des 12 millions de Zoulous, ultramajoritaires dans cette région côtière, est à l’origine de cette nouvelle flambée xénophobe. En zoulou dans le texte, c’est lui qui a demandé fin mars aux « étrangers de faire leurs bagages et de retourner dans leurs pays ».

S’ensuivirent deux semaines de confrontations avec les étrangers dans la cité portuaire et ses banlieues pauvres. Bilan officiel à ce stade : cinq morts. Davantage selon les associations locales d’immigrants. Et plus de 1 500 d’entre eux – Mozambicains, Malawites, Somaliens, Zimbabwéens… – ont dû fuir leurs maisons ou leurs magasins pillés, obligés parfois de trouver refuge dans des camps montés à la va-vite.

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Etats-Unis: combien de Noirs meurent sous les balles des policiers?

— Par Marie Le Douaran —
president_noir_liberte_whiteUn homme noir a été abattu par un policier mardi. Derrière certaines affaires médiatisées, de nombreuses autres se cachent sans qu’aucun fichier national ne les recense officiellement.

Walter Scott a été abattu mardi de plusieurs balles dans le dos par un policier en Caroline du Sud. Début mars, un SDF était tué par un policier à Los Angeles. En novembre dernier, Tamir Rice, 12 ans, mourait d’une balle tirée par un officier de police à Cleveland. En juillet, Eric Garner a succombé après avoir été étranglé par un policier lors de son arrestation, à New York. Ces morts, causées par les forces de police américaines, ont un point commun: elles ont été filmées par des passants et diffusées sur Internet. Autrement dit, dans le monde entier.

La vidéo n’est pas le seul canal de médiatisation des affaires de brutalité policière: un lieu symbolique comme Ferguson -où Michael Brown, un Noir, a été tué par un policier blanc en août 2014-, l’absence de poursuite contre les policiers comme dans les affaires Brown et Garner, la mobilisation sur les réseaux sociaux, le fait que les victimes soient noires et les policiers blancs…

La partie émergée de l’iceberg médiatique

Ce week-end, un autre Noir, Justus Howel, 17 ans, a été tué de deux balles dans le dos par un policier, à Chicago.

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Racisme et militarisation : la face cachée de la police américaine

— Par Charlotte Recoquillon. Infographie : Marianne Boyer.—

police_usLa scène a été filmée par un témoin. « Je ne peux plus respirer », répète Eric Garner, au sol, alors qu’un policier lui serre la gorge. Ce seront les derniers mots de cet homme noir accusé de vendre des cigarettes de contrebande. Le policier, lui, n’a pas été inculpé ; ainsi en a décidé un grand jury, mercredi 3 décembre. Une décision qui a fait descendre des centaines de New Yorkais dans la rue pour protester contre ce qu’ils estiment être une énième bavure policière impunie.

En août, c’était un adolescent, noir lui aussi, qui avait été abattu par un policier à Ferguson, dans le Missouri. La mort de Michael Brown avait suscité de violentes confrontations entre les manifestants et les forces de l’ordre, tout comme la décision du grand jury de ne pas poursuivre le policier auteur des tirs. Et à Cleveland, la semaine passée, c’est un enfant de douze ans, Tamir Rice, qui a été tué par la police.

Trois éléments sont utiles pour comprendre l’indignation et l’émotion suscitées par ces évènements.

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États-Unis : un policier tue un homme noir de huit balles dans le dos

— Par Valérie Samson —assassinat_dun_noir

Un officier de police a été arrêté et inculpé pour meurtre, mardi, en Caroline du Sud, après la diffusion d’une vidéo le montrant abattre un homme, apparemment non armé, qui prenait la fuite.

Selon le Washington Post et plusieurs médias américains, un officier de police de North Charleston, en Caroline du Sud, a été arrêté et inculpé mardi après-midi pour le meurtre de Walter Scott, un homme noir d’une cinquantaine d’années, qu’il aurait tué de huit balles tirées dans le dos.

L’annonce a fait l’objet d’une conférence de presse conjointe du maire et du chef de la police de la ville. Ce dernier, Eddie Driggers, a conclu par ces mots graves: «C’est un jour tragique pour nombre d’entre nous. Un jour tragique.»

Plusieurs médias américains diffusaient mardi des images extraites d’une séquence vidéo de la scène. Celle-ci se déroule dans un jardin public. On y voit un officier blanc, identifié comme étant Michael Thomas Slager, immobile, mettre en joue et ajuster son tir, alors que Walter Scott, en jogging noir et T-shirt vert, s’éloigne de lui en courant.

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Hommage à Michael Brown : Américain, jeune, Noir et mort

— Par Lucien Cidalise-Montaise —

mikael_brownNoir, la couleur qui tue!

« Croyant éphémère « .Chaque fois que l’actualité cible un événement meurtrier ou simplement malheureux survenu à un être humain, à des êtres humains, je suis touché, peiné, révolté. Ce contrat à durée déterminée que j’ai passé avec la petite Histoire me permet de « zapper » avec elle. Passer d’une religion à une autre sans préjuger de la meilleure. Toutes prétendent qu’elles le sont et se font la guerre par États interposés, quelque fois camouflés. Tous ces gens, musulmans, chrétiens, juifs, hindouistes… parlent toujours de Dieu sans trop s’encombrer des ravages provoqués par cette soumission primaire. Le désir qu’ils ont d’approcher et d’atteindre le « Royaume de Dieu » est si intense qu’ils s’entre-tuent pour en avoir la primeur.

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Haine raciste à la Une

A droite, on ne se précipite pas pour défendre Najat Vallaud-Belkacem

haine_a_la_une— Par Laure EQUY —
La ministre de l’Education nationale est violemment attaquée à la une de «Valeurs actuelles». Certains élus de droite sont gênés par ce flot de critiques, sans pour autant mettre en cause leur camp.

Evidemment personne, à droite, ne reprendra à son compte la couverture de Valeurs actuelles qui s’en prend violemment à Najat Vallaud-Belkacem, la rebaptisant «l’ayatollah» et la «ministre de la rééducation nationale». Ils ne sont pas nombreux non plus à condamner spontanément cette une, tandis que la ministre a reçu «le soutien de tout le gouvernement» ce mercredi.

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Rien à voir ? D’Ilan à Darius

lynchage

— Par Eric FASSIN Sociologue, université Paris-VIII —

Mardi 17 juin, quatre jours après le lynchage d’un Rom de 16 ans venu de Roumanie retrouver sa famille, et au lendemain de sa médiatisation, «le président de la République exprime son indignation» : «Ces actes sont innommables et injustifiables. Ils heurtent tous les principes sur lesquels notre république est fondée.» Mais de quels principes s’agit-il ? Comme le relève le New York Times, François Hollande ne qualifie pas l’agression de «crime raciste»(hate crime). De fait, dans son communiqué, comme dans les déclarations du ministre de l’Intérieur et du Premier ministre, le même jour, le mot «Rom» n’apparaît jamais, non plus que la nationalité de la victime ; il n’est question que d’un «jeune adolescent».

S’agirait-il d’un simple fait divers ? La procureure de la République de Bobigny y insiste : «Ce drame n’est pas réductible à un antagonisme entre deux communautés.» En effet, «le mobile», «c’est la vengeance privée», après un cambriolage dont l’adolescent serait «l’auteur désigné par la rumeur». Ces propos sont ainsi résumés : «La procureure de la République l’a répété : l’agression ultraviolente du jeune Darius n’a, a priori, rien à voir avec ses origines roms.»

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« On n’éteint pas la haine par décret »

— Par Pascal Bruckner (Essayiste)—

antiracisme-325L’écrivain antillais Frantz Fanon aimait à rapporter les paroles de son professeur de philosophie : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Un antisémite était forcément un négrophobe, englobant l’un et l’autre dans une même animosité.

On sait qu’en France comme aux Etats-Unis Noirs et juifs ont partagé une même solidarité d’exclus : ils étaient ces invisibles de la société, bannis de l’espace public réservé aux seuls WASP (Blancs anglo-saxons protestants). Cette belle unité s’est fracassée : le juif n’est plus « le frère de malheur », selon Frantz Fanon, mais celui dont la tragédie, en l’occurrence la Shoah, ternit la mienne et m’empêche d’être son frère.

MÉMOIRES BLESSÉES EN CONCURRENCE

Il y a eu des génocides avant 1942 et toute l’histoire de l’humanité est l’histoire d’un crime contre l’humanité. Tout se passe comme si l’Holocauste avait ouvert un espace d’interprétation : dans un cas, c’est un événement ouvrant à l’intelligence des crimes de masse, et qui permet de regarder d’un autre œil l’extermination des Amérindiens, des Aborigènes australiens, des Arméniens, des Herrero en Namibie, les crimes du colonialisme et l’abomination de l’esclavage ; dans l’autre, une théologie négative qui fait des juifs et d’eux seuls les agents d’une élection maudite.

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Après la Marche pour l’égalité, en finir avec l’affichage cosmétique !

Quelle représentation républicaine pour la diversité en france ?
—Par Fatima Yadani, Maya Akkari, Mehdi Thomas Allal,—
marche_egaliteTrente ans jour pour jour après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, nous nous retrouvons toujours confrontés au même principe de discrimination dans le champ politique. Cette question, qui revient à chaque échéance électorale, nous ramène au difficile principe de réalité appliqué par les partis politiques, à leur incapacité à diversifier et rajeunir leur personnel et leurs candidats… Renforcer la République, c’est aussi faire en sorte que les élus représentent tous les citoyens dans toutes les composantes sociologiques de la société française. En ne considérant la diversité que comme une variable d’ajustement, permettant de foncer un peu les listes particulièrement en bas de celles-ci, les partis politiques reproduisent et perpétuent des inégalités inacceptables. À l’heure où il existe une défiance des quartiers populaires à l’égard des élites, où les extrémismes et communautarismes de tout poil ne cessent de grandir, la diversification du champ politique permettrait d’envoyer des signaux positifs à la population et non celui envoyé depuis de nombreuses années d’une caste repliée sur elle-même et qui ne se renouvelle qu’entre elle.

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100.000 signatures, femme de l’année : Taubira superstar

— Par Le Nouvel Observateur —
taubira_elleLe magazine « Elle » a élu la garde des Sceaux femme de l’année. Une pétition de soutien lancée par une vingtaine de personnalités, a recueilli 100.000 signatures.
C’est un bon jour pour Christiane Taubira. Josiane Balasko, Jane Birkin et une vingtaine d’autres personnalités ont remis, ce jeudi 21 novembre, à la ministre de la Justice une pétition de soutien qui a recueilli plus de 100.000 signatures, après les attaques racistes dont elle a été la cible ces dernières semaines.
Tu réclamais ces belles voix. Aujourd’hui, elles se sont exprimées », a lancé l’initiateur de la pétition, l’adjoint au maire écologiste de Brétigny-sur-Orge (Essonne), Steevy Gustave, à l’adresse de Christiane Taubira. « On est des pompiers qui allons éteindre la flamme de la haine ».

« Elles sont magnifiques, ces voix », lui a répondu la garde des Sceaux, qui a salué la « promptitude » de cette mobilisation, amorcée le 1er novembre et baptisée « France, ressaisis-toi ! ». « Tout cela m’a beaucoup touchée », a-t-elle dit.

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Christiane Taubira, la force du symbole

— Par Serge Letchimy —

taubira_n&bLes racistes ne s’y sont pas trompés : Christiane Taubira est de fait un symbole. Le propre des symboles est de capter les projections négatives, individuelles ou collectives, qui émergent des crises. Ce qui est injurié à travers elle ce sont les frustrations, douleurs, souffrances et impossibles, que la situation économique, sociale et sociétale, suscite en France. Cette réception est d’autant plus forte que ce symbole identifié par ces esprits malades se trouve au cœur de l’allégorie républicaine : la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, garante des libertés, de la fraternité et de l’égalité pour tous, se trouve porteuse d’une différence visible. Dans une communauté traditionnelle, mono ethnique, mono religieuse, mono historique, le symbole concentre, rassure, exclue la différence. Ici, cet inattendu symbole proclame une constellation de différences : femme, noire, venue d’une périphérie, esprit rebelle, identité créole, mentalité progressiste, ouverte aux transformations du monde… Le symbole soudain bouscule, proclame une impérieuse diversité : les racistes n’en peuvent plus.

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Patrick Chamoiseau : « Les racistes n’ont plus de refuge »

christiane_taubiraLa ministre de la justice, Christiane Taubira, a été victime d’insultes racistes à répétitions. Ces attaques n’ont pas suscité, dans un premier temps, d’émotion particulière dans la classe politique. Assiste-t-on à une libération et une banalisation de la parole discriminatoire ? L’écrivain Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, s’inquiète de cette prégnance du discours d’extrême-droite. Mais le Martiniquais voit également dans cette outrance verbale, cet accès réactionnaire une raison d’espérer.

La ministre de la justice, Christiane Taubira, provoque dans une partie de l’opinion publique une violence qui dépasse le cadre de ses idées politiques ou la simple opposition aux réformes qu’elle porte. Pourquoi ?

Christiane Taubira est une belle figure progressiste qui s’est retrouvée au cœur d’évolutions mémorielles ou sociétales majeures telles que la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, le mariage pour tous, ou alors les mutations de l’idée d’emprisonnement et de sanction. Ce sont des domaines qui heurtent des sensibilités effrayées par les complexifications en cours dans nos imaginaires. Nous sommes désormais des sociétés d’individus forcés de déterminer leur échelle de principes en relation ouverte avec les autres individus, de manière autonome, singulière, sans le diktat d’une quelconque communauté.

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Le racisme est le propre de l’homme

— Par Tahar Ben Jelloun (écrivain) —

homme_dragonLe racisme est le propre de l’homme. C’est ainsi, il vaut mieux le savoir et faire en sorte qu’il ne progresse pas et qu’il soit combattu par la loi. Mais cela ne suffit pas. Il faut éduquer, démonter ses mécanismes, démontrer l’absurdité de ses bases et rester vigilant.

La société française est perçue ces derniers temps comme lieu d’un racisme virulent, mais au fond elle n’est pas plus raciste qu’une autre. Le rejet de l’étranger, du différent, de celui qui est considéré comme une menace pour la sécurité est un réflexe universel et n’épargne aucune société.

Le racisme peut dans certains cas se focaliser sur une communauté, mais cela ne veut pas dire qu’il ménage les autres. Autrement dit il n’y a pas de discrimination dans l’exercice de la haine. Tout le monde y passe.

Ainsi quand en France des voix se sont élevées pour évoquer  » un racisme anti-blancs « , j’aurais aimé les rassurer : quand on est rongé par le racisme, on n’aime personne. Une fois c’est le juif qu’on persécute, une autre c’est le Noir, une autre c’est l’Arabe et selon l’époque et le lieu où l’on se trouve c’est aussi le blanc qui est visé.

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Insultes envers Taubira : «C’est un racisme pur et dur, un racisme de peau»

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L’historien Pascal Blanchard revient sur les attaques dont la ministre est victime.

Des cris de singe, des bananes brandies, des dessins de guenon. «Je n’ai rien à dire à des personnes qui profèrent de telles paroles, qui sont je le rappelle, un délit.» Hier encore, interpellée sur les insultes racistes qu’elle essuie régulièrement, Christiane Taubira a rappelé sa ligne : ne pas surréagir sur les attaques à sa personne, mais s’inquiéter des paroles racistes proférées avec une impunité de plus en plus grande. Pascal Blanchard est historien, il a notamment codirigé la France noire en 2011 et la France arabo-orientale, qui vient de sortir aux Editions La Découverte.

Christiane Taubira est la cible d’insultes racistes de plus en plus brutales. Pourquoi ?
L’erreur serait de penser que cette brutalité n’existait pas avant. En réalité ce qui était invisible est rendu visible, un interdit a sauté. Des mots qui étaient il y a peu de l’ordre du scandale ou de l’interdit surgissent sur la scène publique : lors de manifestations ou dans les reportages télévisés. Ce qu’on entendait jusqu’alors dans les stades de foot – des cris de singe à l’entrée des joueurs sur le terrain, des phrases comme «il y a trop de Noirs dans l’équipe de France» – est dit désormais tout à fait ouvertement contre une ministre.

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« Nègre je suis, nègre je resterai »

 — par Aimé Césaire —

 cesaire-10Lycéen.

 Je trouvais les hommes martiniquais légers, superficiels, un peu snobs, porteurs de tous les préjugés qu’avaient les hommes de couleur autrefois. Tout cela ne me plaisait pas du tout, et je dois dire que je suis parti pour la France avec délectation. En mon for intérieur, je me disais: «Ils me foutront la paix. Là-bas, je serai libre, je lirai ce que je voudrai.» Me rendre en France avant-guerre était pour moi la promesse d’une libération, une possibilité, un espoir d’épanouissement. Autrement dit, contrairement à beaucoup de camarades de ma génération, j’avais constamment le sentiment que je vivais dans un monde fermé, étroit, un monde colonial. C’était mon sentiment premier. Je n’aimais pas cette Martinique. Et quand j’ai pu partir, ce fut avec plaisir. «Adieu!», pensais-je.

 

Senghor.

 Au lycée Louis-le-Grand, Senghor et moi, nous discutions éperdument de l’Afrique, des Antilles, du colonialisme, des civilisations. Il adorait parler des civilisations latine et grecque. Il était fort bon helléniste. Autrement dit, on s’est formé ensemble, au fur à mesure, jusqu’au jour où nous nous sommes posé une première question essentielle: «Qui suis-je?

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L’inquiétante résurgence des théories de la race

— Par Bernadette Hétier et Pierre Mairat, coprésidents du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples (MRAP). —

Bernadette Hétier et Pierre Mairat, coprésidents du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples (MRAP) mettent en exergue « la gangrène de la racialisation du discours qui affecte aussi certains secteurs communautaires, et c’est là un fait nouveau ». Ils en appellent « au législateur pour que la proposition de retirer le mot race de la Constitution soit retenue ».

 Leur tribune:

« Le racisme peut se définir par la multiplication de propos ou d’actes stigmatisant telle ou telle catégorie de la population, par des rapports de domination inscrits dans une histoire liée ou non à la colonisation, par la relégation sociale, les discriminations, par un statut de citoyen de seconde zone, par des contrôles policiers, etc.

Mais il peut s’exprimer aussi dans un corps de doctrine racial. Les théories racistes peuvent, selon les contextes, se propager à l’ensemble de la société et doivent être combattues et dénoncées clairement et fermement. Le combat du Mrap contre le discours racial d’extrême droite ou de droite extrême est connu.

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Une tête qui ne revient pas

Un entretien de A. Jacquard et J-B Pontalis

 

Albert Jacquard – Pour moi c’était évident, au moment où nous préparions le premier numéro du Genre humain, il fallait le consacrer à La science face au racisme. On y admettait, a priori, que le racisme est une tare. A l’époque, il me semblait clair que, pour lutter contre le racisme, comme contre n’importe quoi, contre le diable en général, la meilleure arme, c’est la science. Pourquoi? Parce que la science est ce merveilleux effort de l’homme pour se mettre en accord avec l’univers, pour voir clair en lui, pour être cohérent, rigoureux, lucide… Et puis, grâce à la biologie, on apportait avec le constat de l’impossibilité d’une définition de races humaines, un argument décisif. C’était sans doute prétentieux. En fait, grâce à la biologie, moi le généticien, je croyais permettre aux gens de voir plus clair en leur disant: «Une race, vous en parlez, mais de quoi s’agit-il?» Et je leur montrais qu’on ne peut pas la définir sans arbitraire ni sans ambiguïté. Cette démarche s’apparente aux théorèmes les plus fondamentaux, ceux qui démontrent qu’une question est mal posée, que telle affirmation est indécidable.

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