— par Janine Bailly —
Pour dire ce à quoi nous a conviés ce vendredi soir, à la Station Culturelle de la Coursive rue Lamartine, la performeuse Alicja Korek, les mots me viennent à manquer tant sont grandes les émotions engendrées, et je me sens sidérée, au sens où l’inattendu de la proposition me cloue sur place et me prive de parole, et je deviens comme un phonème qui irait s’amuissant.
Pour parler de la performance Chrysalide(s), je dirai néanmoins subversion des codes et des tabous, exorcisme intime, courageuse et digne mise à nu des blessures et des failles. Mais aussi miroir auquel nous retrouver, interpellation de nous qui sommes là, assis tranquillement à regarder et à nous croire à l’extérieur de ce qui se joue ici et maintenant, représentation éphémère destinée à n’être qu’une fois, devant un cercle restreint, et de ce privilège nous nous devons d’être conscients ! À chaque étape de ce que je nommerais volontiers « cérémonie », nous serons appelés à participer, sollicités par le geste d’Alicja qui supplée à la parole car de sa bouche, pas un mot ne sortira.

Ce midi du vendredi 8 novembre, Isil Sol Vil et Marina Barsy Janer investissent cette partie du Grand Marché, ouverte d’un côté sur la rue et fermée de barreaux par ailleurs, où sur les plaques de contreplaqué provisoires qui ferment les boutiques se lisent encore les traces d’un tout récent incendie. Originaires l’un de Barcelone l’autre de Puerto Rico, c’est une performance intitulée Islas Cicatrices qu’ils déroulent, sans parole aucune, dans ce cadre urbain où les uns passent, où les autres s’arrêtent, rejoignant ceux qui sont venus tout exprès pour assister à la présentation.
« Le Jeune Ahmed »
1961, École Normale de filles. Nos seize ans vont perdre ce matin-là leur
Continuum : « Un continuum est un ensemble d’éléments tels que l’on peut passer de l’un à l’autre de façon continue » (source Wikipédia).
— par Janine Bailly —
— Par Janine Bailly —
Une des qualités du festival d’Almada, et non des moindres, est de faire se rencontrer, sans avoir aucunement à craindre la comparaison, le théâtre lusophone dans sa contemporanéité et les théâtres différents venus d’autres pays, théâtres émergés d’autres continents, certains nous disant être pour la première fois invités hors de leur pays d’origine. Ainsi la proposition « Do que é que somos feitos ?!, De quoi sommes-nous faits ?! », nous est offerte par la « Compagnie 1ER Temps » originaire de Dakar et jointe à la « Compagnie ABC » de Paris. Une création riche de sens, et qui comme tout bon spectacle, ne se donne pas dans l’instant à comprendre tout entière.
Venue de Bruxelles, la Needcompany présente, dans une adaptation et mise en scène de Jan Lauwers, la pièce « Guerra et terebintina, Guerre et térébenthine » tirée du roman éponyme que publia en 2014 Stefan Hertmans, qui obtint un vif succès et fut vite traduit en diverses langues. Sa genèse particulière se fit quand Jan, dans les années quatre-vingts, reçut de son grand-père les deux cahiers dans lesquels il avait, au cours des dix-sept années suivant le traumatisme de la Première Guerre Mondiale, relaté sa vie avec obstination et grande fidélité. Le spectacle, qui travaille sur la mémoire, intime et collective, comporte trois périodes, une première évoquant l’enfance du grand-père Urbain Martien, la deuxième figurant la guerre de tranchées à laquelle il participa, la troisième relatant la dernière période de sa vie, sentimentale, picturale et familiale.
Patrice Thibaud et Jean-Marc Bihour, à l’origine au théâtre de Nîmes en France, puis au théâtre de Chaillot ont créé « Franito », pièce au titre éponyme du prénom donné à l’un des deux acteurs, celui qui aussi est danseur, le troisième présent sur scène étant le guitariste. Et c’est un double propos qui nous est tenu puisque nous découvrons, au rythme du flamenco andalou qui sous-tend l’ensemble, le conflit générationnel entre mère et fils autant que les dérives d’un système matriarcal en pays de tradition et culture latines, un système fécondé dans l’utérus féminin. Le fait que le rôle de la mère soit tenu par un comédien corpulent mais de corps souple, emperruqué, aux mimiques exagérément expressives, ajoute à la dimension critique qui pourrait ressortir au grotesque dans les allusions sexuelles par exemple, mais sans jamais tomber dans l’excès de caricature. Tendre et touchant, le portrait
Au cœur de l’été, se divertir mais aussi parler de nos engagements, tel semble bien être le but de ce festival pas tout à fait comme les autres. Chaleureux, mêlant les publics de tous âges, qu’ils soient novices ou habitués des salles de théâtre, il offre en plein air des conférences et rencontres de proximité avec les metteurs en scène, allie aux scènes traditionnelles un plateau improvisé sous les étoiles dans l’atrium d’une école — le « Palco Grande » de « Escola D. António da Costa » —, et la cour en est aménagée en un espace de restauration qui reste ouvert dans la douceur des premières heures de la nuit. Bien sûr, pour assister à ce festival, il est nécessaire de connaître un tant soit peu la langue portugaise, les spectacles venus d’ailleurs étant sur-titrés en cet idiome. Mais passé cet obstacle, et si l’on peut se renseigner aussi dans la presse qui couvre l’événement, c’est là une occasion de découvrir des formes théâtrales venues d’ailleurs, des mises en scène singulières, des textes inédits autant que des classiques, qu’ils soient respectés ou revisités à l’aune de notre actualité.
Le théâtre, comme témoin de notre temps. Le théâtre pour faire bouger les lignes et réorganiser le monde… C’est à cette généreuse utopie que nous convie entre autres choses le trente-sixième Festival International d’Almada. Et s’il s’avère que cette utopie n’est présentement guère réalisable, il est bon qu’en revanche notre émotion, au sortir des salles de spectacle, ne reste pas une fois les portes refermées sentiment stérile, mais qu’elle nous incite à réfléchir ou peut-être même à changer nos comportements, par trop insouciants et trop souvent entachés d’égoïsme. Du moins est-ce ce en quoi veut croire Marco Martins, cinéaste et metteur en scène portugais formé auprès de personnalités aussi prestigieuses que Wim Wenders, Manoel de Oliveira, João Canijo ou Bertrand Tavernier. Un artiste qui par ses créations entend dénoncer « les atrocités d’une certaine réalité humaine ». Ainsi que le dit le grand comédien metteur en scène portugais Luis Miguel Cintra, qu’importe si la répercussion sur le public est infime : si elle modifie quelque chose en ceux qui furent spectateurs, alors ils « raconteront cela à d’autres, auront au moins une manière de se comporter différente… »
Ce mercredi 5 juin, le Pavillon Bougenot qui abrite à l’étage « L’Espace Lecture-Écriture Pour Déficients Visuels », accueillait en son rez-de-chaussée, sous l’aile de la responsable Nadine Léopoldie et sous l’égide de la Bibliothèque Schœlcher, un public nombreux désireux de partager le bel hommage rendu, en ce mois qui verra la Fête de la Musique, à Maurice et Thierry Jallier : père et fils, promoteurs et défenseurs du patrimoine musical et artistique martiniquais.
— par Janine Bailly —
Se dire, dire l’espace, se dire dans l’espace. En couleurs, dans l’ombre et la lumière. Par la photographie, la peinture, l’écriture. Avec des pinceaux, des balais. De la toile, du papier. De l’acrylique et de l’huile, du brou de noix, de l’encre de Chine, des crayons de couleur… Avec son corps, son regard, avec toutes les sensations, vécues et fantasmées.
Sous l’égide de Widad Amra, organisatrice de l’Atelier théâtre, et de sa complice de cette année, Rita Ravier comédienne et danseuse, les élèves du Couvent de Cluny ont donné sur la scène de leur établissement une bien plaisante adaptation de la pièce écrite par Joël Pommerat, Cendrillon, palimpseste de ce conte traditionnel qui a bercé nos enfances. Après s’être « attaqué » au Petit Chaperon Rouge, puis à Pinocchio, c’est cette histoire populaire tellement connue, venue du fond des temps et récrite par Charles Perrault ou par les frères Grimm, que le dramaturge a déconstruite, mettant l’accent sur la question du deuil. Comment accepter de vivre après la perte d’un être cher, et plus encore si l’on est un enfant et que la personne disparue est votre mère ? On se souvient au cinéma de la Ponette de Jacques Doillon. Recentré sur cette idée essentielle, mais aussi sur les rapports au sein de la famille recomposée, le texte permet aux adolescents d’interpréter avec justesse une histoire qui ne leur est pas tout à fait étrangère. Et la structure du conte, si on la conserve,
Étant novice en la matière, au sortir de la manifestation qui eut lieu ce mardi à la Bibliothèque universitaire, je suis allée chercher quelque lumière dans Wikipédia. Il nous est dit que : « Une performance artistique est une action comportementale entreprise par un ou des artistes, face à un public… c’est une tradition interdisciplinaire qui trouve son origine dans des pratiques artistiques d’avant-garde de la première moitié du XX° siècle …».
Les îles ne sont pas ce qu’on pourrait être tenté de croire en regardant déferler aux débarcadères les touristes que vomissent par milliers les ventres de gigantesques paquebots. S’il est vrai qu’il y a comme le dit la chanson, « le ciel, le soleil et la mer », que la luxuriance de la nature, la beauté des plages et des jardins tropicaux, la chaleur du rhum sur les habitations ont des attraits incontestables, il est loisible à chacun de trouver à la Martinique d’autres occupations conformes à d’autres goûts. Ce week-end, outre qu’il était celui de « La nuit européenne des Musées », s’est montré si riche en propositions singulières qu’il fallut bien faire un choix.
Représentée une seule fois hélas à Tropiques-Atrium, la pièce « Abeilles » semblerait ressortir d’un théâtre de l’intime, et pourtant elle prend une résonance universelle tant elle touche à ce qui en nous reste primordial et constitutif de notre être au monde, je veux dire la famille, qu’on y soit fidèle ou qu’on s’en éloigne, ou que la vie contre notre gré nous en sépare.
Les séances VO de Madiana n’ont qu’un défaut, celui de présenter un film sur une ou deux séances seulement, de sorte que si vous souffrez ces soirs-là d’un quelconque empêchement, vous vous voyez privés de projections particulièrement intéressantes… Entre les deux œuvres vues cette semaine, il était facile de faire un lien, et les programmer l’une après l’autre était une bonne idée, l’Union soviétique devenue Russie étant une de leur composantes communes.
Deux semaines déjà, pour cette Douzième Rencontre de Théâtre Amateur au Théâtre Aimé Césaire, deux spectacles dissemblables, et qui ont cependant en commun de nous peindre les vices, les travers et les failles de la société des hommes, que cela soit au dix-septième ou au vingtième siècle, en France ou au Royaume-Uni. Un voyage enrichissant dans les textes, de Molière à Pinter, d’autrefois à maintenant. À la redécouverte de l’avant-dernière pièce de Molière, Les Femmes savantes, où nous entraînent avec une belle énergie « Les Comédiens » de Julie Mauduech. À la découverte de Sept pièces courtes de Harold Pinter, à laquelle nous convie la troupe des « Buv’Art » sous la houlette éclairée de Laurence Aurry.