L’amitié et l’amour se ressemblent beaucoup comme le prouve la douleur qu’on ressent en perdant un(e) ami(e). L’autre jour, mon pote Paolo m’a fait remarquer que toutes mes amies-femmes étaient jolies. Après avoir protesté que seule la beauté intérieure, l’intelligence, la générosité, la fidélité, influençaient mon attirance envers les gens, hommes ou femmes, j’ai dû admettre que le bougre avait raison : Horreur ! Il n’y a aucun laideron parmi mes affinités féminines ! Pire, dans ma jeunesse, j’ai souvent profité de la beauté d’une amie pour capter l’attention d’une jolie femme… Honte sur moi !
Ravi d’avoir démasqué mon hypocrisie, Paolo m’a bombardé de questions stupides : « Quand tu regardes UNE amie, c’est bien une femme que tu vois, non ? Dis, tu complimentes souvent tes copains sur leur parfum, leur coiffure, cette couleur qui fait si bien ressortir leurs yeux ? Tu te rases pour aller au resto avec eux ? Tu leurs dis qu’ils sont canon ? Tu les tiens par la taille ? Tu les appelles mon rayon de soleil ?

J’avais peut-être 11 ans. En sortant du catéchisme je vis paraître une dame en pantalon moulant sur le pont de la Rivière-aux-Herbes. Elle avait la cinglante nonchalance des félines Antillaises. Ses courbes passant à ma portée, je humai le miel de sa peau qui perlait sous le déodorant bon marché. Dans un roulement de hanches, elle attaqua le morne et ses fesses prodigieuses dansèrent le « Basse-Terre-Pointe-à-Pitre ». A haute voix j’ai béni le petit Jésus pour cet aperçu du paradis, mais ma pieuse maman, furieuse du miracle, m’attrapa par l’oreille tandis que s’envolait la créature divine.
Ainsi, dans une librairie de Fort-de-France, le 9 juillet 2022, le Martiniquais Emmanuel de Reynal a reçu des injures et un crachat. Ceci en réponse à un livre commis avec le Guadeloupéen Steve ‘Fola’ Gadet. Après le mollard du footballeur Marcus Thuram sur son adversaire Stefan Posch ; le glaviot adressé au détestable Eric Zemmour par un jeune descendant d’immigrés, voici le vert-vert à la sauce créole craché à la face d’un béké par un « activiste » antiesclavagiste du XXIe siècle.
Krik ! Si dans l’Hexagone, le centriste Emmanuel Macron a été reconduit à la tête de l’État grâce au barrage républicain Anti Le Pen ; en Guadeloupe antivax, 70% des votants ont plébiscité l’extrême droite à l’élection présidentielle d’avril 2022. Ceci après avoir cru en Mélenchon, le Père-Noël d’extrême gauche, au 1er tour. A la télé, au soir des résultats, un représentant du FN-mofwazé-en-RN clouait ainsi le bec à son adversaire : « Ah, ça suffit ! Notre mouvement n’est pas raciste, la preuve : l’outremer a massivement voté pour nous ! ». CQFD.



A l’époque où la masse sombre qui domine l’embouchure du Galion s’appelait encore Fort St Charles (années 80), j’y rejoignais mon père après l’école en grimpant à travers le quartier populaire du Carmel. Cet imposant édifice militaire abritait alors l’observatoire de vulcanologie de Guadeloupe, antenne de l’Institut de Physique du Globe de Paris. J’en connais chaque pierre pour y avoir passé une partie de mon enfance. J’y ai mainte fois repoussé l’anglais à coups de canons rouillés, échappé à des fantômes aux orbites vides qui tentaient de m’agripper quand je rodais trop près des cachots. Tel Louis Delgrès, par une poterne dérobée surplombant la falaise, j’ai échappé aux troupes impériales venues rétablir l’esclavage. J’ai écrasé des amandes pour en savourer les graines. J’ai saigné des manguiers pour en récolter l’ambre, gratté la croûte des gommiers tel un indien Karib radoubant son embarcation. Mes exploits accomplis, je dévorais mon goûter avant de faire pipi sur la tombe de Richepanse. Je n’en tire aucune fierté. Ce rituel n’était pas un acte réfléchi. Il se trouve simplement que le bougre est enterré à l’endroit le plus élevé du fort, celui d’où l’on peut voir descendre le soleil sur la Mer des Caraïbes.