Supplique pour la fin du supplice du string

— Par Dominique Domiquin

J’avais peut-être 11 ans. En sortant du catéchisme je vis paraître une dame en pantalon moulant sur le pont de la Rivière-aux-Herbes. Elle avait la cinglante nonchalance des félines Antillaises. Ses courbes passant à ma portée, je humai le miel de sa peau qui perlait sous le déodorant bon marché. Dans un roulement de hanches, elle attaqua le morne et ses fesses prodigieuses dansèrent le « Basse-Terre-Pointe-à-Pitre ». A haute voix j’ai béni le petit Jésus pour cet aperçu du paradis, mais ma pieuse maman, furieuse du miracle, m’attrapa par l’oreille tandis que s’envolait la créature divine.

Ces jours-ci, à la plage, c’est ma femme qui me tance quand elle sent mon œil concupiscent planqué derrière mes lunettes noires. A cause de vous, mesdames, j’ai la vie dure, dure, dure. Je fais tout mon possible pour vous ignorer et quand je vous regarde c’est droit dans les yeux pour éviter toute tension entre nous. Alors pourquoi me persécuter ? Combien de tôbôk reçus par votre faute, de salive ravalée in extremis ? Pourquoi m’imposer, à moi, ange du Seigneur communié-confirmé-renoncé mais déchu, tout ce qu’évite de cacher votre maillot de bain quasi invisible ? Pourquoi me balancer vos dessous sexy en pleine poire ? Vous vous penchez, c’est un supplice, je m’interdis de siffler, je replonge dans mon livre, et malgré ça, ma doudou m’engueule ? Non mais, zôt ka fè jé !

Lundi, j’ai failli rater un virage à Deshaies à cause d’une métro sculpturale, une MILF super gaulée qui roulait son boule callipyge bô-lari ; un pétard magnifique, un fessier d’anthologie pudiquement fendu d’une ficelle millimétrique… C’est pas une mise en danger de la vie d’autrui, ça ? Mesdames, je me demande si la concurrence décomplexée des Européennes, des Haïtiennes, des Brésiliennes et des Santos, n’a pas fini par vous donner envie, comme dit Stomy Bugsy, de « faire bander les bandits ». Et ceci de 16 à 77 ans, avôté kon matrité.

Cela dit, je vous rassure, nul ne demande de cacher ce nibard que je ne saurais voir, ni de planquer ces croupes assassines que nos pères et grands-pères n’auraient su oser rêver pouvoir contempler à pareille fréquence et en telle profusion. Mieux : je vous remercie d’offrir si généreusement chaque secret de votre anatomie. Je salue au passage l’abnégation balnéaire et le sens du partage de vos conjoint(e)s, partenaires, époux, parents, qui permettent à mon œil de se rincer abondamment, inopinément sous mon air parfaitement détaché des bassesses du monde.

Néanmoins…

En attendant que je devienne le bonze béat de vos rêves, l’ascète asexué de vos désirs, le mâle du XXIe siècle, aveugle et platonique, le saint qui se fiche que vous ayez sciemment, sadiquement, acheté ce slip qui aimante les regards lubriques ; je vous demande seulement d’avoir pitié d’un petit garçon fragile, légèrement déluré, né du siècle passé, aujourd’hui papa d’une splendide petite fille. Un papa qui essaie de toutes ses forces, oui, de toutes ses forces, de ne plus vous mater à la plage ou bô-rivyè. Affolantes tentatrices, Je feins de ne pas vous voir mais en réalité, grâce à vous, je ne fais que ça.

Mesdames, comment vous dire ? Assez me torturer avec vos mini-bikinis : parfois Satan m’habite !

Dominique DOMIQUIN

plage de Grande Anse, Trois-Rivières le 10/08/2022