Intercepté par deux agents des services frontaliers à sa sortie d’avion, l’humoriste français Dieudonné M’Bala M’Bala a finalement été refoulé hors du Canada en début de soirée, mardi.
Dieudonné devait donner cinq spectacles à Montréal du 11 au 15 mai à l’Espace Mushagalusa. Le spectacle de Dieudonné à Québec était prévu le 16 mai à LaScène Lebourgneuf à Québec, et celui de Trois-Rivières le 18 mai à La P’tite Grenouille.
Par ailleurs Dieudonné M’Bala M’Bala, dit Dieudonné, a été condamné mardi 10 mai par le tribunal correctionnel de Paris à deux mois de prison avec sursis et à 10 000 euros d’amende pour des passages de son spectacle La Bête immonde. Le tribunal l’a ainsi reconnu coupable des délits d’injure raciale et provocation à la haine.
Le parquet de Paris avait cité Dieudonné M’Bala M’Bala à comparaître au terme d’une enquête préliminaire ouverte après un signalement du préfet de police de Paris à l’été 2014. Un nouveau signalement avait été fait le 20 février 2015 à la suite d’une autre représentation. Dans ce spectacle, Dieudonné, fers aux pieds, déguisé en détenu de Guantanamo, discourait sur le rôle qu’il attribue aux juifs dans la traite des Noirs et ironisait sur le génocide commis par les nazis.

« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo peut faire des “unes” sur la religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en direct de la tuerie à Charlie Hebdo et de ses conséquences. Elle correspond à une interrogation d’une partie de nos lecteurs : que recouvre la formule « liberté d’expression », et où s’arrête-t-elle ?
Jean Bricmont, dont Claude Morton nous a fait suivre l’interview postée sur Youtube, amalgame idéologie et histoire, principes formels et éthique de la discussion. Si on peut argumenter en faveur d’une éthique du tout-dire, on ne peut argumenter en faveur d’une indifférence à la souffrance historique d’autrui. S’il est justifiable de pouvoir se moquer de tout, il n’est pas souhaitable d’agresser autrui inutilement au nom de la liberté de se moquer. Car, ce faisant, on montre une indifférence envers le ressenti d’autrui, laissant libre court à cette haine irrationnelle latente qui nous habite tous. Et la haine est une passion et non un argument rationnel. Tout cela parait fort inquiétant. Défendre la liberté d’expression qu’on érige en principe absolu au-dessus de toute autre considération et qu’on assimile à une vertu républicaine cardinale, c’est de l’extrémisme, c’est de l’idéologie, c’est-à-dire un système d’idées purement formel qui exclue des éléments essentiels, tels que la compassion, de ce qu’être humain veut dire.
Ainsi le Conseil d’État saisi en urgence par Manuel Valls a-t-il désavoué ce jeudi soir le tribunal administratif de Nantes, trois heures à peine après la décision de ce dernier. Ainsi celui qui a depuis longtemps quitté les rives de l’humour et de la dérision pour se vautrer dans la fange de l’antisémitisme a vu interdire sa prestation et, de fait, l’ensemble d’une tournée. L’on découvre au passage ces jours-ci »l’évaporation » de sommes qui se comptent en centaines de milliers d’euros engrangées par l’ami des
Le Pen et de fascistes revendiqués, pour ne pas dire plus. Le pourfendeur du «système» ne s’en tire pas si mal côté tiroir-caisse.
Même si des objectifs de stratégie politique personnelle, on peut l’estimer, ne sont pas absents de la campagne menée par Manuel Valls à l’encontre de Dieudonné, l’écho rencontré par celui qui n’est plus tant un comique qu’un homme politique, nécessite une analyse ne se contentant pas de reprendre les réflexions classiques sur l’antisémitisme français des années 1930.