Étiquette : art contemporain

L’art contemporain du Bénin à la Fondation Clément

— Par Selim Lander —

Avec treize millions d’habitants, le Bénin (ex Dahomey) est un petit pays, ce qui n’empêche qu’il occupe une place un peu à part, ses habitants n’ont-ils pas la réputation d’être les plus intellectuels des Africains ? Les Français (d’un certain âge!) se souviennent surtout de l’étude de Stanislas Spéro Adotévi, Négritude et négrologues (« 10/18 », 1972) qui faisait suite à celle d’Albert Tévoédjré, l’Afrique révoltée (Présence africaine, 1958). L’exposition qui arrive à la Martinique après Cotonou et Rabat et avant Paris démontre que ce pays est encore exceptionnellement riche du point de vue des arts plastiques.

C’est en réalité grâce à l’art ancien que cette exposition bilan de l’art contemporain béninois a vu le jour, puisque le point de départ en fut la restitution, en 2021, de vingt-six œuvres enlevées du palais d’Abomey par l’armée française, lors de la conquête. Leur exposition à Cotonou, en 2022 – mobilier, statues, vêtements, haches d’apparat (récades), autels portatifs (asen) – fut l’occasion de montrer parallèlement des œuvres de quarante-deux artistes d’aujourd’hui, travaillant au Bénin ou appartenant à la diaspora.

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Un artiste méconnu

Par Selim Lander

Il existe sur les hauteurs de Fort-de-France une route à l’écart de la circulation prisée par les sportifs. Trois kilomètres à plat à parcourir dans les deux sens en marchant, en courant ou à vélo autant de fois que désiré. Le paysage agreste, gouffres profonds, arbres géants, lianes qui tombent depuis le haut des cimes, fleurs exotiques et oiseaux joueurs, seulement ponctué par quelques modestes demeures avec parfois une chèvre alanguie, ou le vestige d’une installation périmée, inspirerait au romantisme si nous n’étions en Martinique, terre des paradoxes, le moindre n’étant pas que les édiles qui ne cessent de vanter la vocation touristique de l’île ne se pressent guère pour envoyer sur le terrain les employés des services techniques municipaux ou autres afin qu’ils effectuent les travaux de nettoyage et d’entretien qui leur incombent. C’est en particulier le cas de cette route bordée de divers « encombrants » (réfrigérateur ou congélateur rouillé, canapé défoncé, …) et autres VHU (véhicules hors d’usage), tandis que des fils électriques peuvent traîner sur le sol pendant des mois, avant que quiconque se décide à intervenir.

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L’art cubain contemporain à la Fondation Clément

—Par Selim Lander —

Grâce à une politique de formation très active, avec des écoles d’art disséminées dans les provinces, dont les meilleurs éléments se retrouvent ensuite à l’Institut Supérieur des Arts de La Havane, Cuba est une pépinière de plasticiens de grand talent. Aussi n’était-ce que justice, de la part de la Fondation Clément, que de faire connaître quelques-uns d’entre eux à son public. C’est chose faite avec l’exposition Buena Vista – art contemporain de Cuba qui présente les œuvres de dix-huit créateurs en mettant l’accent sur leur diversité, de l’abstraction à la vidéo d’animation. Notons que certains d’entre eux (Abel Barroso, Sandra Ramos, Lazaro Saavedra, Toirac) étaient déjà regroupés lors de la 12e Biennale d’art contemporain de la Havane, en mai-juin 2015, dans l’exposition intitulée El pendulo de Foucault[i] et qu’Abel Barroso avait en outre été le sujet d’une exposition individuelle à la Fondation Clément au tout début 2015.

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Le geste organique de Ricardo Ozier-Lafontaine

Exposition « RESET » – Fondation Clément – 25 mai-18 juillet 2018

— Par Selim Lander —

Les plasticiens, aujourd’hui, se doivent d’être originaux. De plus en plus conceptuel, l’art s’éloigne de l’artisanat, au risque de paraître malhabile ou bâclé. La recherche de l’originalité apparaît d’ailleurs comme une gageure, le répertoire des formes et des couleurs étant par nature limité (et Picasso en a déjà exploré plus que sa part !). Si bien que le visiteur habitué des galeries et des musées d’art contemporain échappe rarement  à une impression de déjà-vu, pas nécessairement gênante, au demeurant : c’est un jeu pour l’amateur que de chercher des parentés entre les artistes.

Les toiles de Ricardo Ozier-Lafontaine, peintre martiniquais né en 1973, saisissent d’abord par leur unité et leur rigueur. Rarement aura-t-on vu la série poussée aussi loin et avec une telle constance. Ozier-Lafontaine conjugue en effet le gigantisme et un soin du détail porté à l’extrême. Ses toiles font couramment 2x2m, rarement moins et bien davantage dans les portraits de famille des Intercesseurs (3,40x2m). Or dans les séries intitulées Le Vivant, le Réel la toile est intégralement couverte de petites figurines dont la juxtaposition constitue l’œuvre entière.

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Cinéma : En avoir ou pas (Bellochio et Gomez)

— Par Selim Lander —

02AIl faut rendre grâce à Steve Zébina, qui programme les films en V.O. pour Tropiques Atrium, pour son éclectisme qu’il affiche d’ailleurs clairement, avec un intérêt particulier pour le cinéma d’auteur. Grâce à lui, le spectateur martiniquais peut ainsi avoir un bon aperçu sur la filmographie contemporaine dans toute sa diversité, de l’Asie à l’Amérique latine, des films tout public aux films pour happy few. Car il en va du cinéma comme de l’art plastique. Les cinéastes les plus encensés par les spécialistes ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus de succès. Certaines palmes d’or, à Cannes, en font la démonstration évidente : combien de spectateurs enthousiastes pour Oncle Boonmee du grand (?) Apichatpong Weerasethakul ? Et ce n’est qu’un exemple. En ce mois de novembre, S. Zébina a décidé de présenter à la fois un classique du cinéma qui ressort en salles dans une copie rénovée, Les Poings dans les poches de Marco Bellochio (1965) et Les Mille et une nuits de Marco Gomez (2015). Le premier, chef d’œuvre incontesté, le second, un film pour « amateur éclairé », présenté (mais non primé) à la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes.

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Maurizio Cattelan s’expose à la Monnaie de Paris

— Par Selim Lander —

maurizio-cattelan1Dans cet immense fatras qu’est l’art contemporain, Maurizio Cattelan, italien né en 1960, apparaît comme l’une de ses figures les plus intéressantes. Dans la lignée de Duane Hanson (1925-1996) et de Ron Mueck[i] (né en 1958), son œuvre se compose de sculptures hyperréalistes. Cependant, tandis que Duane Hanson s’est fait connaître par des moulages grandeur nature et que les œuvres les plus emblématiques de Ron Mueck se caractérisent par leur monumentalité, les sculptures de Maurizio Catelan montrent plutôt des adultes en réduction et plus souvent encore l’artiste lui-même. Autre particularité de Cattelan : il n’a pas d’atelier et fait appel comme un Jeff Koons (né en 1955) à des artisans, pour réaliser les œuvres qu’il a conçues. Artisans ou artistes, la nuance est parfois délicate…

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Minimalisme et conceptualisme : Adrian Piper, Lion d’or de la Biennale d’Art de Venise

— Par Selim Lander —

El Anatsui, « Fresh and Fading Memories », Palazzo Fortuny, Venice, 2007.(photoOctober Gallery, Londres)On connaît les Lions d’or décernés au festival du film (La Mostra) de Venise. On sait moins que la Biennale d’Art a aussi ses récompenses. Lors de cette 56ème édition, les deux principaux Lions d’or ont été attribués respectivement à El Anatsui et à Adrian Piper. El Anatsui, né en 1944, est ghanéen, installé au Nigeria ; il est à l’heure actuelle l’artiste africain le plus coté et célèbre pour ses tentures métalliques géantes. Le Lion d’or destiné à récompenser l’ensemble de son œuvre lui a été accordé par le comité directeur de la Biennale suivant la proposition du commissaire Okwui Enwezor, lui-même nigerian. Le Lion d’or qui récompense un(e) exposant(e) à la présente Biennale a été attribué, quant à lui, à Adrian Piper, née en 1948, philosophe néo-kantienne en même temps qu’artiste minimaliste et conceptuelle afro-américaine, par un jury de cinq membres choisis par le même Okwui Enwezor. Au-delà de l’origine des personnes en question, nous importent surtout les œuvres qui, à travers les artistes, ont été distinguées. Les rideaux d’El Anatsui – confectionnés à partir de capsules de bouteilles dans un atelier où travaille désormais une quarantaine d’assistants – sont demandés dans le monde entier et les grandes pièces se négocient plus d’un million de dollars.

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Qu’est-ce que l’art aujourd’hui (II) : la 56ème Biennale de Venise

— Par Selim Lander —

affiche_venise La Biennale de Venise est une vieille dame de cent-vingt ans. Autant dire qu’elle a vu couler beaucoup d’eau depuis 1895, d’abord autour du Giardini où les premières expositions restaient limitées à l’intérieur du bâtiment néoclassique toujours existant, avant qu’il ne s’y adjoignent progressivement des pavillons nationaux. En 1999, l’espace venant à manquer, la Biennale s’est étendue dans l’Arsenale désaffecté. Elle investit désormais encore d’autres lieux, en ville, qui abritent soit des expositions de pays n’ayant pas de pavillon propre et n’ayant pas trouvé une place à l’Arsenale, soit des « Événements collatéraux », c’est-à-dire des expositions labellisées par la Biennale.

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« Abstraction » – Quand le hip-hop rejoint la danse contemporaine

— Par Selim Lander —

Abstraction (affiche)Scotché, nous étions ! Mais que se passe-t-il donc en Martinique ? Pourquoi la grande salle de l’Atrium ne débordait-elle pas ce 30 mai 2015 ? Un samedi soir qui plus est – au jour et à l’heure où, traditionnellement, on « sort » ! –, alors que le programme était propre à réunir aussi bien les plus jeunes (le hip-hop) que les plus âgés (le bélé programmé en deuxième partie). Et pourquoi, surtout, la première partie n’a-t-elle pas suscité davantage d’enthousiasme de la part des spectateurs présents, alors qu’il s’agissait d’une représentation de classe internationale ? Certes, il y eut des applaudissements, et même nourris, mais ils se sont interrompus bien plus vite qu’ils n’auraient dû.

Scotché, nous étions: par Abstraction, la pièce de hip-hop. On se fait trop facilement des idées sur une pratique considérée souvent davantage comme un sport que comme un art. Tout le monde a vu, une fois ou l’autre, des adeptes de cette forme d’expression s’exhiber sur un coin de trottoir. On admire éventuellement la prouesse physique et, le plus souvent, on ne va pas chercher plus loin.

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20 ans de « Recherches en Esthétique »

— Par Selim Lander —

ESTHETIQUE_20_pages_couv_BD1« Loin de la vitre du train, je pense à la parole électrique des flamboyants,
que les pilotes de loin croient encore des  nappes de sang
/ demeurées sur les touches du crime » (Edouard Glissant)[i].

La revue Recherches en Esthétique, créée et animée par Dominique Berthet, professeur à l’Université des Antilles en Martinique, fête son vingtième anniversaire. Cette revue de très bon aloi, qui paraît suivant un rythme annuel, s’organise autour de thèmes successifs. Par exemple « La critique » (n° 3), « L’audace » (n° 8), « Utopies » (n° 11), « Le trouble » (n° 17), « Art et engagement » (n° 19). Si la place principale revient aux arts plastiques, la littérature est également bien représentée. Tel est en particulier le cas dans le dernier numéro consacré aux « Créations insulaires » : les articles passant en revue les formes de l’art contemporain dans les îles de l’outremer français (les fameux « confettis de l’empire ») ainsi que dans les Grandes Antilles (Cuba, Haïti, Saint-Domingue) sont précédés par un dossier qui explore le concept d’insularité en faisant largement appel aux romanciers, aux philosophes et à Edouard Glissant, lequel se révèle une référence incontournable pour la plupart des contributeurs de ce numéro.

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L’activité artistique au miroir marxien

—Par Florian Gulli, philosophe —

isabelle_garoÀ l’appui d’une relecture très documentée de l’histoire de l’art, Isabelle Garo montre comment la création artistique peut s’intégrer et échapper à la logique économique capitaliste.

L’or des images, d’Isabelle Garo. Éditions La Ville brûle, 2013, 
320 pages, 25 euros.  Isabelle Garo propose dans son dernier livre une approche marxiste de l’activité artistique, question à la fois difficile et centrale pour qui se réclame de cette tradition. Difficile, car on connaît la résistance de cet objet aux analyses de type matérialiste. Centrale, car déjà chez Marx, et malgré l’absence de théorie esthétique explicite, la référence à l’art est constante et sert de contrepoint à la critique de l’économie politique.

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art press : l’album des quarante ans

« Et fallait-il qu’un luxe innocent
Allât finir la fureur de nos sens ? »
Supervielle (cité p. 251)

art_press_album—Par Selim Lander –

Le premier numéro de la revue art press (sans majuscules) est daté de décembre [1972]-janvier 1973. Le Centre Pompidou (Beaubourg) n’existe pas encore mais une exposition consacrée à l’art contemporain français a été organisée, à l’initiative du président, au Grand Palais en 1972. Les courants désormais emblématiques du second XXe siècle sont en train de se structurer : hyperréalisme, pop art, land art, arte povera, antiform, art corporel, art conceptuel (1)… À Paris, encore, le collectif Support-Surface est sorti des limbes. Toute cette effervescence artistique avait un besoin particulier d’être montrée mais aussi commentée, expliquée : art press est arrivée à point nommé et sa longévité atteste qu’il y avait non seulement un besoin à combler mais que la formule adoptée – qui fait appel à des écrivains et des philosophes à côté des spécialistes de la critique et qui accorde une place conséquente à la littérature – était celle du succès.

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