S’inscrire au-delà du rififi entre frères ennemis !

— Par Max Dorléans (G.R.S.) —

Une énième bataille vient d’opposer, lors de la discussion sur le budget de la CTM, sur la question de la gestion/répartition de fonds européens, deux représentants de fractions différentes de la droite martiniquaise, Yann Monplaisir et Miguel Laventure.
Deux représentants de la droite martiniquaise, n’appartenant ni l’un, ni l’autre à aucun des partis dominants de cette droite (LREM, Les Républicains), responsables tous deux du développement économique à la CTM, et chefs de file l’un et l’autre d’orientations économiques (et politiques) en défense d’intérêts immédiats de fractions différentes de la bourgeoisie martiniquaise.
Deux dirigeants de droite, biberonnés au libéralisme, à l’économie de marché, à la concurrence libre et non faussée, aux privatisations, gagnés à la casse des droits sociaux, au moins d’Etat (sauf pour l’obtention, pour les leurs, d’aides et subventions toujours plus importantes)…bref défenseurs des intérêts généraux de la classe dominante dans le cadre de la République française . Défenseurs d’orientations politiques libérales ayant pour contrepartie, l’austérité, la précarité, les difficultés de tous ordres pour l’immense majorité.
Deux dirigeants, frères ennemis, opposés factuellement et opportunément sur la stratégie relative à leurs priorités immédiates, à savoir notamment quels pseudo-intérêts particuliers et quelle(s) couche(s) de cette classe capitaliste prioriser, pour défendre au mieux leur incontournable système, implacable pour le plus grand nombre.
Une opposition plus formelle que réelle, qui donne à voir des compétences techniques divergentes concernant le montage de dossiers pour l’attribution de fonds européens, avec d’une part un Laventure qui n’a jamais fait mystère de sa conception du développement privilégiant dans les faits les « plus gros », et dont selon lui, les revenus colossaux permettront, par réinjection dans l’économie (théorie mensongère du ruissellement), de profiter à la population, grâce à des investissements et à la création d’emplois…. ; et d’autre part un Monplaisir – à la Robin des Bois – ayant en point de mire les prochaines élections, s’autoproclamant défenseur de la masse des petits capitalistes, des micro-entreprises et entreprises individuelles, aujourd’hui principaux créateurs d’emplois, à la différence des grandes entreprises.
Ainsi, à écouter Monplaisir, Laventure ne « fait pas le boulot » ! C’est-à-dire que Laventure, c’est l’inertie totale personnifiée, alors que la situation économique actuelle exige d’être réactif et aux taquets, et au service du plus grand nombre. Une défaillance qui le conduit à dire que Laventure « manque d’implication » concernant singulièrement la question éminemment importante à ses yeux, de la gestion des fonds européens ou du fond d’investissement « Jeremie » d’aides aux entreprises. Une condamnation abrupte, car le traitement d’un nombre minime de dossiers par Laventure – ayant la particularité est d’être consommateurs de la quasi-totalité des 200 millions d’euros de fonds européens – est la traduction pratique de son option fondamentale au service des plus puissants. Une attitude inadmissible, qui explique toujours selon lui, que Laventure soit, pour cause, aux abonnés absents et dans la non-transparence avec la masse des porteurs de projets, avec pour effet l’insatisfaction de ces derniers.
Un tableau de Laventure à l’opposé du sien, puisque travailleur efficace : « je n’ai aucun dossier de fonds européens en cours », élu désintéressé : « je n’utilise pas mon mandat d’élu pour obtenir ici et là des prébendes pour moi ou pour ma famille et je n’ai jamais demandé à qui que ce soit d’embaucher mes enfants dans aucune entreprise », et défenseur des « petits », de dizaines et dizaines (voire davantage !) de « porteurs de projets, surtout de petits projets, créateurs (à l’écouter) d’une grande proportion de création d’emplois ».
Un tableau que Laventure s’est efforcé de contrer avec un malheureux communiqué qui esquive les accusations (et/ou élucubrations !) de Monplaisir à son endroit.
Aujourd’hui, au delà de son apparent désaccord avec Laventure, Monplaisir entend cultiver, à l’approche des prochaines élections, une image d’élu intègre, travailleur, soucieux des intérêts de l’ensemble de la population. Une image cependant qui ferait bondir plus d’un salarié de ses propres entreprises.
Néanmoins, s’il n’est évidement pas inutile d’observer cette bataille entre frères ennemis – ardents défenseurs l’un et l’autre du système capitaliste mortifère – il ne saurait être question de se tromper, comme hier, les dirigeants de la CTM, sur ses allié(e)s.
Car Monplaisir comme Laventure sont l’un et l’autre, les deux faces d’une même pièce, d’un même projet libéral. Par conséquent, ils ne peuvent être nos allié/es.
Une position sans équivoque, différente de celle adoptée hier par les Marie-Jeanne, Lise, Carole, Branchi, Nilor et consorts, dans le cadre de l’alliance Gran Samblé pou Ba Peyi-a An Chans, et qui explique surement leur mutisme, l’alliance ayant été scellée avec un regroupement de représentants de premier plan de la droite. Notamment Monplaisir et Laventure.
Pourtant, le différend les opposant n’est pas totalement anodin, puisque relatif à la gestion/répartition de fonds européens. Dès lors, pour Marie-Jeanne et ses amis, la question se pose de savoir quelle « option européenne » choisir ? Celle de Monplaisir ou celle de Laventure ? Un vrai faux casse-tête sur lequel ils sont muets, car il représente une alternative pipée, le choix entre la peste ou le choléra. Deux « démarches » européennes dans la continuité de la dépendance, avec à la clef, des difficultés pour l’immense majorité.
Sauf que ce n’est pas seulement sur ce faux choix « européen » que le bât blesse.
C’est l’ensemble du projet de développement porté par « Gran Samblé… » qui pose problème. Car « notre » développement reste un développement dépendant, chevillé au capital, – admis comme tel par la droite, et auquel elle s’est lucidement associée – répondant aux seuls intérêts d’une minorité sur place. Un développement quotidiennement plus désastreux pour le plus grand nombre, car livré aux appétits du profit et respectueux de l’économie libérale et de ses exigences. Ce que va accentuer la « distribution » de fonds européens (soit à une minorité soit à un plus grand nombre) qui répondra avant tout aux intérêts (et conditions) des forces économiques dominantes de l’Union européenne.
Dès lors, comment imaginer autre chose que la poursuite de la crise économique, sociale, écologique, avec de plus en plus de victimes. Non seulement l’immense majorité des salarié/es, la jeunesse, mais également bon nombre de « petits capitalistes » broyés par le rouleau infernal qu’est le capitalisme, et dont Monplaisir dit vouloir soutenir les projets.
L’alliance « Gran Samblé » à la direction de la CTM, avec notamment les frères ennemis, n’a pas seulement des difficultés à « dézakayer » le pays. Elle en est tout simplement incapable en raison des politiques de soumission aux intérêts dominants qu’elle conduit. Ce qui signifie que notre dépendance et notre domination va se poursuivre, à défaut d’une toute autre orientation.
Aujourd’hui l’urgence est à la construction d’une véritable alternative aux politiques libérales, en défense d’un projet en rupture avec le système. Un projet ayant pour axe la défense des intérêts du plus grand nombre auquel la majorité sociale serait aussi attachée que le sont Laventure et Monplaisir, au capitalisme.

Max Dorléans (G.R.S.)