Récital chez soi: quand une mezzo-soprano s’invite à domicile

Paris – Elle a chanté chez des retraités, une famille avec enfants et même devant des bergers dans les Alpes: en temps de pandémie, la mezzo-soprano Fiona McGown a décidé de se produire chez des particuliers pour « rester vivante ».

Dans le salon de la famille Girault, à Paris, la chanteuse de 32 ans chante a cappella, « sans autre instrument que la voix« . 

Assis confortablement sur fauteuils et canapés, le couple, Geneviève et Jacques, leur fille Sophie, leur petite-fille Marion et deux prêtres amis de la famille écoutent, émus, le programme: un extrait d’un opéra de Rameau, des mélodies de Benjamin Britten ou encore le Kaddish de Ravel. 

« C’est comme les récitals au 19e siècle. On est en train de faire des +Schubertiades+ en temps de pandémie« , sourit Fiona McGown. 

« C’est pas dur sans instrument? » « Pouvez-vous nous dire le nom du compositeur à l’avance?« : les questions fusent et l’assistance est ravie. 

« C’est émouvant d’entendre du chant chez soi…et on entend mieux qu’au concert« , s’enthousiasme auprès de l’AFP Jacques, ancien banquier de 90 ans. « Faut dire qu’elle articule aussi très bien, la dame!« , renchérit son épouse de 93 ans en riant. « Ca change tout d’écouter du chant avec d’autres personnes« , commente le père Aldric de Bizemont. 

– Chez une infirmière épuisée – 

La mezzo-soprano s’est imposée son mini-protocole sanitaire: test PCR la veille, six personnes présentes, soit masquées, soit vaccinées. 

« Avec mon agenda qui se vidait depuis le 30 octobre, je me suis dit soit je reste sur mon canapé, soit je construis un programme que je chante chez les gens« , déclare la chanteuse qui s’est lancée en avril.  

« C’est hallucinant de pouvoir chanter de nouveau devant un public, même petit…Ca reconnecte à l’essentiel, c’est un cadeau« , ajoute la Française aux origines écossaises. 

Cette intermittente du spectacle chantait quatre concerts en moyenne par mois depuis l’âge de 12 ans, mais avec ce format, elle en a chanté sept en avril et en a déjà cinq prévus en mai, à Paris, au Havre et à Rennes. 

« Au départ, c’était surtout du bouche à oreille (…) puis j’ai commencé à recevoir des mails et des demandes via les réseaux sociaux, comme cette infirmière épuisée par son métier qui m’a dit qu’elle adorerait que je vienne chanter pour elle et ses enfants« . 

« Cinq concerts en avril étaient bénévoles mais j’ai perçu 300 euros par concert chez des gens que je ne connaissais pas« , précise-t-elle. 

– Dispute sur du Ravel – 

A chaque maison, son acoustique. « Je la découvre en arrivant sur place. Ici je sens les tapis, je sais que c’est un absorbeur de son et qu’il ne faut pas que je force« , précise-t-elle. « Dans une salle, on est ébloui par les lumières, on ne voit pas les visages. Ici je vous vois, je vous sens« , explique-t-elle à ses hôtes. 

Elle voit dans cette expérience une nécessité presque « existentielle« , « pour rester vivante« . 

A Aubervilliers, dans un atelier et foyer d’artistes, elle a chanté devant le couple Luca Giacomoni et Nour Awada, leurs deux enfants et…leurs deux chats. « Ils ne miaulaient pas, puis ils ont commencé à se battre quand je chantais du Ravel…je suis restée concentrée« , rit la chanteuse.  

« C’est accessible« , commente Nour Awada, artiste plasticienne de 36 ans. « Je ne sais pas si c’est ça qui va me donner envie d’aller regarder sur scène des chanteurs lyriques et les écouter, j’aurais presque plus envie que cette tradition du chant à la maison se perpétue« . 

Et après la réouverture des salles, prévue le 19 mai? 

« Peut-être une fois par mois« , sourit la chanteuse qui voit déjà « le marathon » des engagements commencer, avec notamment une participation au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence en juillet. 

Source : AFP / RTL