Que faire de l’âme de Schœlcher ? Le billet de Rudy Rabathaly

Mi patakaka ! 29 ans après que l’on ait guillotiné Joséphine, l’Impératrice des Français sur la Savane, voilà qu’on lapide Schœlcher, l’abolitionniste des Français.
Deux exécutions en plus d’un quart de siècle. Après tout, est-ce si terrifiant que cela ? En plus, il ne s’agit que d’une deuxième mort. Les avis d’obsèques de Joséphine et de Schœlcher ont déjà été donnés depuis une charge de temps !
On peut donc se dire, que si cela apaise le peuple de tuer des morts et en plus tous les 29 ans, où est vraiment le gros blème ? Joséphine a ressuscité sans sa tête et de jeunes mariés viennent même se faire prendre en photo sous son jupon aussi sale qu’il soit… Que la famille de Schœlcher se rassure, il sera rebaptisé dans un temple ou ailleurs.
La vraie question est de savoir : quand est-ce que l’on va arrêter de déchouker des statues pour déchouker des vivants ? Est-ce que l’on va se complaire à établir une liste des oppresseurs, des esclavagistes, des colonialistes, des révisionnistes d’hier qui fleurissent nos rues et possèdent nos places ?
Et que faire de ceux d’aujourd’hui qu’on pourrait déboulonner sans même passer par la justice de l’histoire ?
Ne faut-il pas aussi établir une liste (on a peine à dire noire), des corrompus, des retourneurs de vestes, des séniles politiques, des usurpateurs, des empoisonneurs, des bouffons de toutes les républiques, des couillonneurs du peuple… On les laisse faire notre histoire ! Faudra t-il attendre aussi qu’ils soient statufiés pour les destituer ?
Il n’y a pas besoin de lire 17 fois Peaux noires et masques blancs pour comprendre que notre aliénation psychique, portée par des siècles de soumission subie ou désirée ou revendiquée, a fait dériver notre « patriotisme ». Celui-ci s’égare dans l’effacement épisodique et/ou épidermique de la représentation tutélaire du Papa blanc, plutôt que vers une once de conquête de souveraineté fusse-telle proposée par le « nouveau colonisateur » lui même.
Schœlcher n’est que le cache-misère de notre pays engourdi par son assimilation aliénante. Son âme est partout.
Le Schœlcher déchouké n’a pas plus de valeur patriotique que n’a un pont Lumina Sophie à… Schœlcher ou que n’aurait l’érection d’un Toussaint Louverture ou d’un Romain sur le parking de la Galleria !
La vitesse à laquelle va la récupération politique de ce « 22 mai de la jeunesse » montre comment l’élite de ce pays se persuade que ce n’est qu’un coup de sang à juguler par un garrot de promesses.
Mais, très vite, ils se consoleront sur la certitude de 29 prochaines années de kalmi-siré des agitateurs.
Tant que nous continuerons à nous nourrir grassement sur l’absence de construction idéologique et de revendications politiques claires sur l’avenir de ce pays, alors oui, tous les profiteurs peuvent encore dormir tranquilles.
Et si cette jeunesse ardente de nouvelle histoire ne la révolutionne pas autrement que par éclats, alors, les chiens hurlants de la mondialisation, balisée par leur réseau social tant mystificateur, auront vite fait de rattraper leur marronage.

Source : France-Antilles