Pull : deux truands sur le retour

pullPar Selim Lander – « Pull » : pull the trigger, appuie sur la détente. De fait, les deux personnages qui occupent la scène ont la gâchette facile. Les sens en alerte, ils dégainent plus vite que leur ombre. Avec Pull, comme on le comprend tout de suite, Hervé Deluge (auteur et metteur en scène)nous projette dans un univers de films noirs aux truands sympathiques. Pas mauvais bougres, tuer pour eux n’est qu’un métier, avec ses bons et ses mauvais côtés. Il n’empêche : ces deux-là sont rendus à un stade de leur (médiocre) existence où l’on commence à se poser des questions existentielles.  Leur philosophie ne va pas bien loin mais elle est dépourvue de prétention et l’on se laisse facilement charmer par des discours où l’humour côtoie la déraison. Il ne se passe rien : les tueurs (le mot « assassin » ne conviendrait pas ici) attendent qu’on leur désigne une cible, et comme la distribution est réduite à deux comédiens, on se doute bien qu’il ne se passera pas grand-chose d’autre. Pourtant, on a envie de savoir la suite.  

«  L’action » est située dans un théâtre abandonné. Le décor rassemble dans un apparent désordre divers accessoires, des caisses, des vieux projecteurs qui pendent au bout de câbles à demi décrochés des cintres. Un univers en noir (les costumes, les accessoires) et blanc (les lumières de Dominique Guesdon), en phase avec l’atmosphère de la pièce. Quant aux deux comédiens, on les sent heureux de jouer dans cette « comédie douce amère » – comme la décrit l’auteur – et leur plaisir se révèle communicatif. Ils ont par ailleurs aussi bien l’âge que le physique de l’emploi. On est même tenté de croire que le rôle de Ruddy Sylaire a été écrit spécialement pour lui (alors qu’il était interprété à la création par H. Deluge), tant il entre naturellement dans le personnage du « chef » : sa voix grave, sa stature imposante, lui confèrent d’emblée l’autorité nécessaire. Ce qui n’empêche pas qu’il puisse démontrer une certaine fragilité. Par contraste, Christian Charles Denis est plus nerveux, plus volubile, plus inquiet, comme il convient à un personnage qui ne cesse de répéter qu’il y a « quelque chose qui [le] titille ». Alors que la distribution indique seulement deux comédiens – on l’a dit – la pièce ménage une surprise avec la brève apparition de Sarah Desanges en livreuse de pizzas. Bien qu’encore un peu maladroite sur la scène, avec son vélo, son costume rouge et ses fanfreluches, elle ajoute au spectacle son indispensable touche de couleur.  L’interprétation parodique d’airs connus à la trompette bouchée apporte quant à elle la ponctuation sonore.

Au Théâtre de Fort-de-France, du 3 au 5 avril 2014.

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