Precious Moloi-Motsepe, championne de la mode africaine

Johannesburg – C’est une des femmes les plus riches d’Afrique et l’infatigable promotrice des créateurs de mode d’un continent jeune, remuant et porteur de culture: La Sud-Africaine Precious Moloi-Motsepe assure que le moment est venu « pour les stylistes africains de briller ».

Fondatrice il y a quinze ans de Semaines de la Mode à Johannesburg et au Cap, réunissant des créateurs de toute l’Afrique, sa mission commence à porter ses fruits, assure-t-elle d’un sourire confiant à l’AFP, dans une toute nouvelle boutique de luxe d’un quartier cossu de la capitale économique sud-africaine.  

« Aujourd’hui plus que jamais, les créateurs africains sont reconnus chez eux« , souligne cette femme sophistiquée de 58 ans au maquillage travaillé, pantalon noir fluide et blouse en soie.  

« Lors des grands événements sur le continent, prix musicaux ou grand rendez-vous de football, les stars portent des créateurs locaux, devenus des noms familiers« , souligne l’épouse du président de la Confédération africaine de football Patrice Motsepe, avec qui elle forme le « power couple » le plus en vue d’Afrique du Sud, classé neuvième sur la liste Forbes des plus grandes fortunes du continent.  

Ailleurs, « des célébrités comme Michelle Obama ou Beyoncé portent désormais des marques africaines« , fait-elle valoir, et le phénomène Wakanda, lié au film Black Panther « a permis de faire connaître notre culture au monde entier, ce qui a un impact sur la mode et l’identification de consommateurs à des marques africaines« .  

Precious Moloi-Motsepe a grandi à Soweto, township pauvre et haut lieu de la résistance au régime honni de l’apartheid, où elle a appris le sens du style. « Ma grand-mère faisait ses propres vêtements, elle était terriblement élégante. Et dans le quartier, les gens adoraient se saper« , suivant de près tendances et marques américaines.  

Plus tard, quand elle a eu l’occasion de voyager, elle assiste à un défilé du couturier surdoué John Galliano à Paris. Un choc. Elle réalise alors « que les créateurs s’inspirent d’histoire, de patrimoine, de culture et que nous, en Afrique, on est riches de tout ça« . 

« Nous semblions être une source d’inspiration » pour les stylistes occidentaux, « mais je ne voyais pas beaucoup de créateurs africains sur les podiums« , se souvient-elle. 

– « Renforcer notre voix » – 

D’où la nécessité de créer un espace pour « propulser les meilleurs créateurs africains vers une renommée mondiale« , projet auquel cet ancien médecin, devenue mécène et philanthrope s’est attelée avec entrain. 

« Je devais d’abord m’assurer qu’ils soient reconnus ici, chez nous, et faire évoluer les mentalités, que les gens apprécient les stylistes africains, pas seulement nos tailleurs traditionnels » mais des créatifs à valeur ajoutée. Pari ambitieux, pas encore remporté mais bien amorcé. 

Les consommateurs africains « reconnaissent de plus en plus que leurs propres créateurs ont autant de valeur que les marques » étrangères, veut croire Precious. 

Les Fashion Weeks lancées en Afrique du Sud, avec des top-modèles comme la Sud-Soudanaise Alek Wek et des invités prestigieux venus de New York, Milan ou Paris, ont permis depuis plus d’une décennie aux stylistes de « montrer leur travail, échanger avec des confrères, établir des contacts et s’exposer aux médias« . 

La prochaine étape consiste à les emmener « sur des plateformes internationales, pour y garantir une présence africaine« , dit-elle précisant que les diasporas africaines servent souvent d’ambassadeurs. 

L’entrepreneure se souvient avoir fait exposer une poignée de stylistes africains à Paris, en marge des défilés, il y a quelques années: « Nous y avons reçu des avis positifs, d’autres nettement moins« , dit-elle en riant, « mais c’était une première étape« .  

« On doit renforcer notre voix » et faire reconnaître nos talents au-delà de l’Afrique, plaide Precious Moloi-Mostsepe.  

A l’évidence, les Africains restent peu représentés parmi les grandes marques internationales. Et dans beaucoup de coins d’Afrique, porter des marques étrangères reste un marqueur de réussite sociale, elle en convient. « Il reste beaucoup à faire« . Pas de quoi décourager la pasionaria de la mode africaine.  

Source : AFP / L’union