Pour une université des Antilles

— Par Guy Lordinot et Alfred Almont —
universite_des_antillesDans un contexte préoccupant pour l’avenir de l’université en Guadeloupe et en Martinique, qui suscite à juste titre la mobilisation des enseignants-chercheurs, des personnels et des étudiants, les parlementaires français sont appelés à se pencher sur l’installation de l’Université des Antilles. C’est pourquoi les anciens parlementaires que nous sommes et qui avons activement travaillé à la construction de l’institution universitaire dans la région, entendons apporter notre point de vue sur le projet de loi portant transformation de l’Université des Antilles-Guyane (UAG) en Université des Antilles (UA).
Car il nous apparaît désormais urgent de réaliser une juste combinaison de l’autonomie de chaque pôle régional et, à travers la solidarité, la mise en commun des moyens et compétences. L’autonomie des pôles répond en effet à une nécessité mais ne saurait mettre en cause la cohésion et la vitalité de notre ensemble universitaire dans notre zone géographique.
Pour tenir compte de notre singularité, nous avions à cet égard pris soin de veiller à ce que la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) soit adaptée à l’Université des Antilles-Guyane de manière à favoriser, en particulier, une gouvernance largement représentative ; c’est ainsi qu’une mesure dérogatoire du droit commun est intervenue à cet effet à travers l’ordonnance du 31 janvier 2008. Le résultat escompté n’a hélas pas été au rendez-vous dans le mesure où le comportement des collèges électoraux n’a guère permis de mettre en place à ce jour une gouvernance équilibrée. La Guyane étant devenue une université à part entière c’est donc le moment de mettre un terme à l’instabilité dont l’UAG a de ce fait été victime depuis 2008 et qui n’épargnera pas l’UA si des mesures adaptées ne sont pas mises en oeuvre pour y mettre un terme.
Autonomie et « Ticket à trois »
Il va donc aujourd’hui de soi que l’Université des Antilles ne saurait se développer qu’avec, dans les collèges électoraux des deux pôles, de listes communes Guadeloupe-Martinique, de nature à générer un conseil d’administration sur la base d’une majorité regroupant équitablement ces deux pôles et permettant ainsi d’évacuer l’instabilité qui a jusqu’à présent nui au développement de notre université. Il importe bien entendu que le dialogue soit largement étendu, qu’un certain nombre de grands principes soient adoptés ensemble pour garantir l’avenir de l’Université des Antilles, s’agissant notamment des procédures d’élection préservant une gouvernance équilibrée et forte.
Faut-il le souligner, le projet d’Université des Antilles (UA) doit plus que jamais reposer sur deux piliers fondamentaux dont aucun ne doit être privilégié par rapport à l’autre : d’une part, la stabilité de l’établissement qui doit demeurer une institution inter-régionale dans la cohésion et, d’autre part, l’autonomie des pôles universitaires de Guadeloupe et de Martinique, de nature à susciter leur rayonnement.
C’est pourquoi, dans le plan d’une grande université comprenant une large autonomie des pôles dans le cadre d’une adaptation de la loi, le dispositif institutionnel présenté sous la dénomination « Ticket à trois » nous a paru de nature à garantir au niveau de la loi, la stabilité et la cohérence de l’établissement et à éviter toute violation dans l’autonomie des pôles. L’inscription d’une telle mesure, sans précision des modalités pour y parvenir, offre à l’Université des Antilles un large champ de réflexion pour définir, dans les statuts qu’elle aura à écrire, les aménagements qu’elle devra introduire pour garantir l’autonomie des pôles sans porter préjudice à la stabilité de l’établissement.
Dans le cadre de la ratification de l’ordonnance qui doit intervenir, le projet de loi examiné par le Sénat avait, dans cette perspective, introduit cette proposition concernant l’élection de la future gouvernance de l’université, au terme de sa mandature. Cette proposition, connue alors sous le nom de « Ticket à trois » suppose, comme nous l’avons indiqué, que l’élection du futur président de l’UA se fasse en même temps que celle des deux vice-présidents de pôle qui dès lors ne seront pas seulement responsables devant leur conseil de pôle mais également devant le conseil d’administration de l’université.
Une proposition alternative existe donc, qui évite tout amendement ainsi que le retard que ces derniers entraîneraient dans le vote de la loi à l’Assemblée nationale et qui consiste à maintenir, dans la loi de ratification, le dispositif ci-dessus et à introduire dans les futurs statuts de l’Université un autre dispositif qui permet de respecter en tous points l’autonomie des pôles. Une telle exigence est d’ailleurs de nature à conditionner le rayonnement de chacun des deux pôles.
Garantir la pérennité de l’UA
Après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur le sujet, la discussion est rouverte devant le Parlement et toute autre proposition qui serait susceptible de rassembler députés et sénateurs pour garantir un tel équilibre serait naturellement bien venue dans les débats qui sont attendus.
En effet, dans un contexte préoccupant pour l’avenir du système universitaire aux Antilles, nous sommes surpris des modalités qui affectent la ratification de la loi et surtout des principes qui semblent la régir. A plusieurs reprises, le gouvernement s’est exprimé en faisant allusion à un accord conclu avec les présidents de région de Martinique et de Guadeloupe, ce qui ne manque pas d’interpeller les anciens parlementaires que nous sommes sur le rôle des parlementaires, sur la crédibilité de leurs travaux, si des accords antérieurs directs sont passés entre gouvernement et présidents de région, lesquels, par ailleurs sont aussi parlementaires.
Pourtant, les signaux émanant des pôles et de l’université étaient clairs. Comment prétendre garantir la pérennité d’une institution sans s’appliquer dans le même temps à la rendre gouvernable ? Il importe d’éviter à tout prix d’avoir à déplorer demain que la Guadeloupe et la Martinique ne peuvent pas travailler ensemble et qu’il vaut mieux qu’elles se séparent.
L’heure n’est pas à la sécession mais à l’union. Il est temps que le gouvernement assume pleinement ses responsabilités en tenant compte, de manière exclusive, des réalités et intérêts proprement universitaires. Notre jeunesse nous observe, et c’est pourquoi il convient de réagir afin qu’elle ne soit fragilisée socialement et économiquement, et d’obtenir des garanties pour le maintien d’un système universitaire gouvernable et fort, qui renforce la solidarité entre nos pays et nos populations (…).
Guy Lordinot et Alfred Almont, pour le groupe des anciens parlementaires de Martinique