« Poreux à tous les souffles du monde »

Une biographie magistrale, dans laquelle revit, depuis ses racines, Aimé Césaire, le poète combattant, auteur de théâtre et homme politique.
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir », écrivait dans Cahier d’un retour au pays natal (1939) Aimé Césaire, dont Kora Véron publie une biographie remarquable. Elle explore six périodes de la vie du poète, depuis Fort-de-France, « cul-de-sac royal », puis Normale sup à Louis-le-Grand avec Senghor, les écrits collectifs en revues, « l’Étudiant martiniquais », « l’Étudiant noir », la composition du fameux Cahier, « une forme neuve, non totalisante, non hiérarchisée, non centrée, non symétrique ». La période « Septembre 1939-novembre 1945 » voit le retour en Martinique, la fondation de la revue Tropiques, acte de résistance poétique à la « littérature de hamac ». La rencontre d’André Breton à Fort-de-France, en 1941, joue un rôle déterminant, dont Césaire s’émancipera.

L’ouvrage permet de retraverser l’histoire de son siècle aux côtés du poète flamboyant, également tribun magnifique, ennemi de tout obscurantisme, maire de Fort-de-France cinquante-six ans durant. Kora Véron épouse avec une passion informée la vie et l’œuvre du chantre de la « négritude », mot auquel le premier il a « donné la forme la plus énergique et la plus éblouissante ».

Une mine de détails, documents, lettres, dialogues et confidences

Arrière-petit-fils d’esclave, Césaire, « poreux à tous les souffles du monde », revit dans des pages regorgeant d’une mine de détails, documents, lettres, dialogues captés sur le vif et de siennes confidences. Cahier d’un retour au pays natal lui donna un mal de chien. « Une œuvre vécue jusqu’au bord de la démence ». Élu maire de Fort-de-France en 1945 avec le soutien du Parti communiste, député à l’Assemblée nationale, il s’affirme en figure tutélaire du combat pour l’émancipation des individus et des peuples, ainsi qu’en farouche opposant aux tenants de l’ordre colonial, voir son Discours sur le colonialisme (1950). En 1956, dans sa « Lettre à Maurice Thorez », il s’éloignait des communistes, qu’il jugeait mal armés devant le fait colonial. Il est aussi l’auteur d’un théâtre puissamment politique : Et les chiens se taisaient, la Tragédie du roi Christophe, Une saison au Congo, Une tempête. M.S.

Source: L’humanité

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