Parlez-moi d’amour : des voix célèbres pour répondre

14 février

14 février, date tragique dans l’Histoire de la Martinique, mais aussi dans son “Aujourd’hui” : en marge des “vidés marrons”, tenus à l’écart des festivités officielles, au Lamentin ou au quartier Godissard de Fort-de-France, pompiers et policiers ont été appelés à intervenir pour des faits de violence. On a relevé trois blessés par balle ou arme blanche. Ainsi, en 2021, une manifestation festive peut-elle dégénérer en drame, niant l’allégresse d’un Carnaval auquel on n’a pas voulu, en dépit de la situation sanitaire, se soustraire.  

14 février, jour de Saint Valentin, fête dévolue à l’amour ? Avec France-Culture, on s’interroge : c’est quoi, l’amour ? Un peu de douceur donc, dans ce flot d’informations dramatiques qui chaque matin nous inonde… « En cette journée de Saint Valentin, journée pour célébrer l’amour, on aurait aimé poser encore la question aux intellectuels et artistes qu’on aime, certains déjà disparus, d’autres encore là sur la scène de la vie : l’amour, pour eux, qu’est-ce que c’est ? Duras, Aragon, Yourcenar, de Beauvoir… donnent leur définition, forcément subjective. » Car quel sujet d’attention est plus universel que l’amour ? Énigmatique, moteur tout-puissant de tant d’histoires, ce sentiment mystérieux, universel mais aux contours indéfinissables,  semble particulièrement difficile à cerner. 

L’avis de l’écrivain, James Baldwin : « L’amour ne commence ni ne finit comme nous le croyons. L’amour est une bataille, l’amour est une guerre, l’amour grandit. »

L’avis du philosophe, Vladimir Jankélévitch, pour qui l’amour est “la source vive des vertus” : « L’amour ne fait pas passer un examen à l’aimé avant de l’élire ; l’amour pose la valeur en aimant, comme le créateur rend le poème possible en le faisant, dans le miracle drastique de la poésie ; l’amour sans raison d’aimer trouve dans son absurdité même une cause nécessaire et suffisante ! (…) L’amour ne veut rien savoir sur ce qu’il aime ; ce qu’il aime, c’est le centre de la personne vivante, parce que cette personne est pour lui une fin en soi, ipséité incomparable, mystère unique au monde. J’imagine un amant qui aurait vécu toute sa vie auprès d’une femme, qui l’aurait aimée passionnément, et ne lui aurait jamais rien demandé et mourrait sans rien savoir d’elle. »

Des voix  singulières 

Marguerite Duras, 1991 : «  Le bonheur de toucher un homme, de le chercher dans le lit, de chercher la peau de cet homme, l’odeur. Je ne devrais pas dire des choses comme ça, je ne les ai pas écrites. »

Jacques Higelin, 1992 : « L’amour est une chose pour moi intouchable, parce que c’est un sentiment qui peut tout se permettre. On peut tout faire avec quelqu’un qu’on aime. Il n’y a pas de jugement de morale, ni de valeur. »

Pierre Dac, 1972 : « L’amour platonique est à l’amour charnel ce que l’armée de réserve est à l’armée active. »

François Cluzet, 1994 : « L’amour, c’est lié au désir. Ce que j’aime c’est que cette femme devienne mon homme, que je devienne sa femme. J’aime qu’on aille ensemble dans un chemin secret de fantasmes. »

Elsa Triolet, 1959 : « Ce sera même une consolation pour bien des femmes de voir qu’on peut être pas jeune du tout, et avoir vécu avec un homme depuis 30 ans, et quand même avoir un poème qui porte mon nom. »

Louis Aragon, 1959 [il lit son poème « Elsa » à côté d’Elsa Triolet]

« Un jour Elsa mes vers monteront à des lèvres (…)
Que jusqu’au bout la vie et l’amour c’est pareil.
Qu’il y a des amours nouées comme une treille.
Tant que la veine est bleue, il y coule du vin. »

Simone de Beauvoir sur Sartre, 1980 [Sartre qui est assis à côté d’elle],
«  Je pense que c’était le plus sale, le plus mal habillé. Je crois aussi peut-être le plus laid. Mais je me rappelle l’avoir vu une fois avec un grand chapeau dans les couloirs de la Sorbonne, faisant la cour à je ne sais quelle étudiante – parce que tu étais toujours en train de faire la cour à telle ou telle jeune philosophe. Ceci dit, quand je l’ai connu, ça a été très différent. J’ai vu quelqu’un qui était au contraire extrêmement gentil avec tout le monde, très généreux, et qui était très amusant, très drôle. »

Marguerite Yourcenar, 1972 : « C’est s’intéresser passionnément à un être. Pourtant au sens étymologique, curieusement, c’est souffrir, c’est curieux ça, subir. »

Alain Delon, 1989 : « La seule façon d’être heureux avec l’être que l’on aime, c’est de l’aimer passionnément. La passion c’est dur dans l’amour, parce que la passion c’est très fort, ça brûle, ça dévaste, ça bouleverse. C’est très dur à porter, c’est étouffant, c’est envahissant. Il n’y a que deux passionnés qui puissent vraiment se comprendre. Sinon l’amour est impossible. »

Brigitte Bardot, 1987 : « C’est un besoin de ne pas être seule. C’est un besoin d’être toujours avec une épaule, un bras, une présence. J’ai appris à mes dépens que ce n’est pas en changeant toujours dans la vie qu’on arrive à quelque chose de solide. Au contraire. C’est en bâtissant, pierre par pierre, avec de la patience, en comprenant, et en étant indulgent. »

Maria Casarès, 1980 : « Quand une fois on n’a plus été seul, on ne l’est plus jamais. Mais il faut quand même avoir la chance, ou l’entêtement, ou je ne sais quoi, d’accueillir, d’accueillir, au moment où il faut, la rencontre. C’est possible. »

Julien Green, 1983 : « La beauté est à l’origine de tout cela. Un beau visage était le commencement de la souffrance pour moi. J’allais désirer, ne pas formuler ce que je voulais dire, ce que je désirais, et j’allais être de nouveau rejeté en moi-même. »

Julien Clerc : « La jalousie c’est un sentiment profondément humain, ça va avec l’amour, c’est sûr. Même si on se raisonne, on ne peut pas s’en, empêcher. »

Daniel Auteuil, 1988 : « Oui, on peut mourir d’aimer. Mais je ne le conseille pas, parce qu’on peut aimer plusieurs fois. »

Pour faire un petit point…

La Saint Valentin ? Une jolie légende, hélas récupérée par la société de consommation. Pour certains, une occasion de célébrer l’amour, mais pour d’autres, une simple fête commerciale. Ceux-là se demandent à juste titre :  comment en est-on venu à marchandiser l’amour, le sexe, les sentiments et les émotions ?

À l’origine : Le 14 février correspondait, dans la religion romaine, aux Lupercales, fêtes faunesques, rites de la fécondité, qui se déroulaient du 13 au 15 février. Dans le calendrier de la Grèce antique, la période de mi-janvier à mi-février était consacrée au mariage sacré de Zeus et d’Héra.

Le Saint martyr a bien existé au troisième siècle. La fête religieuse, comme souvent, s’est superposée à un culte calendaire païen afin de capter des énergies collectives (…)

L’origine réelle de la commémoration amoureuse actuelle est attestée au XIVe siècle, dans la Grande-Bretagne encore catholique. Le jour de la Saint-Valentin est devenu la fête des amoureux car l’on pensait que les oiseaux choisissaient ce jour pour s’apparier.(Wikipédia)

La fête religieuse de Saint Valentin a été rayée du calendrier liturgique romain en 1969 –  l’année érotique, comme le dit une certaine chanson… ironie des dates… – par le pape Paul VI.

Pour voir et  écouter ces voix particulières, rendez-vous sur Archives France-Culture 

Janine Bailly, Fort-de-France, le 15 février 2021