Nwèl Bò Kay, La complainte du sapin de Noël & Cochonneries, de Patrick Mathlié-Guinlet

Nwèl Bò Kay

Pas de boules accrochées
à un sapin coupé
mais un beau cocotier
tout plein de noix sucrées.

Et pas de cheminée
par où pourrait passer
Père Noël et sa hotte
pour y remplir nos bottes
mais un nèg’ gros sirop
apportant des cadeaux.

Et l’exotique pomme
a remplacé l’orange.
C’est ainsi que les hommes
fêtent leurs petits anges
aux tropiques dans les D.O.M.

La complainte du sapin de Noël

Dans la verdeur de ma jeunesse
on m’a coupé le pied sous l’herbe,
on m’a coupé de mes racines,
de ma vie j’ai perdu le fil
et puis de fil en aiguilles…
Je me suis fait enguirlander,
ce n’est pas vraiment cool
même si c’est en foule
qu’on vient pour m’admirer.
Maintenant ils m’ont mis les boules…
lorsque je songe à ma famille,
à la forêt où je suis né
et que jamais, au grand jamais,
je sais que je n’les reverrai !…
À cause de leur stupide coutume
à laquelle ils m’ont sacrifié
sans respect, remords ni regret,
je suis rempli d’amertume
et je ne peux me “résinier”.
Pour ne pas se casser le tronc
ils n’ont su que couper le mien
pour m’offrir un costume à la fin,
un très beau costume en sapin !…

Cochonneries

Le cochon boit pour oublier
que sa queue sert à déboucher
le bon vin pour l’accompagner
lors des fêtes de fin d’année…

Le cochon roule dans la boue
de sa soue quand il est trop soûl.
Le cochon boude le boudin
qui inaugure le festin

avec son sang dans ses entrailles
sur la table de nos maisons.
L’âne et le bœuf sont sur la paille
à l’abri d’un statut sacré

dans la crèche auprès de l’autel
tandis que lui est dans l’assiette
mais, hélas, ce n’est pas la sienne
bien qu’à tous les coups, c’est sa fête !

On entend partout sur le Net :
balance un porc qui te harcèle.
Faut dire, avant que Noël vienne,
que c’est plutôt lui qu’on harcèle :

comique de situation !
Il ne goûte pas trop le sel
d’une plaisanterie annuelle
donnant du goût à ses jambons…

Car le cochon en a assez
d’être toujours stigmatisé,
son nom servant à injurier
pour tout le restant de l’année…

On doit le réhabiliter
autrement qu’en étant mangé
sinon, voilà, c’est décidé :
il va se mettre à marronner,
redevenant un sanglier
au plus profond de la forêt…

Ne le prends pas pour une dinde
car ce n’est point un cochon d’Inde
et à Noël, au réveillon,
nous n’aurons plus que du poisson !
Le cochon boit pour oublier,
lors trinquons donc à sa santé !

Patrick Mathelié-Guinlet