Mon enfant, mon royaume : ballet-théâtre mis en scène par Frédéric Salard

— Par Christian Antourel —

danseuseChorégraphié et interprété par Laurence Couzinet et Thierry Sirou

Une production Compagnie Car-Av-An

Un Ballet-théâtre aux accents métissés de l’un à l’autre où s’opposent, se complètent dans leur forme, se haïssent et s’harmonisent les ressentiments contrariés de parents dont l’enfant est partie gagner de quoi les sauver de la misère… mais n’est jamais revenue.

Durant 15 ans, ils portent en eux ce désespoir. On peut imaginer quel bouleversement se produit dans le tumulte, dans les nuits de l’angoisse, des croyances, de l’imaginaire et de la solitude, quand l’espérance ou la détresse rivales, complémentaires à la fois, comme le sont la danse et le théâtre, font le spectacle uni où le sentiment humain perceptible aux nuances et aux extrêmes, verse sa fragilité nue dans l’opposabilité et l’alliance de ces deux brûlures que rythme le spectacle.

« L’humour, c’est la politesse du désespoir »

Tout le remue-ménage de la pièce, n’est rien d’autre que le remue-méninges exalté d’un conflit psychologique vécu par ces parents en proie à une tentation de fuite hors la réalité, dans l’expression d’un amour devenu fou agité. Tel est le sentiment profond que le père, surtout, ressent dans ses abîmes intérieurs. Il cherche une issue, une lumière. La mise en scène le délivre de l’obéissance aveugle, de la désillusion et du néant, de l’immobilisme et de l’absence, en déplaçant leur malheur dans d’autres axes d’humour, d’autres arguments imaginaires. Dans un rêve étoilé de palais et d’impératrice, jusqu’à l’expérience de la folie. Seul l’amour efface les limites et l’humour magicien désigne une autre modalité de prise de la parole. « L’humour c’est la politesse du désespoir ». Là, l’obstacle épure et purifie quand les postures et le geste se développent contre la blessure et l’extase. On entend le cri des corps dans cette chorégraphie qui se veut audacieuse et d’une bouleversante sensibilité. Le père danse et montre ce qu’il ne peut dire : une sublimation, un exorcisme public par la danse majeure, le sourire en plus, qui exprime et glisse sa démesure à la mesure de l’attente d’un public qui sait apprécier ce don total de soi tant le spectacle est sacerdoce.

Les enfants des « Arts & Dialogues »

La danse classique, volontairement contemporaine, nous retient dans son ressort, ses attendrissements et ses rebonds qui sont autant la force de l’interprétation parfaite de cette chorégraphie que sublime un texte en demi teinte, dans l’ombre et la manifestation d’un vocable heureux. De cette volonté de survie à cette noyade dépression : une possibilité d’arraisonner la folie. On ne manque pas de relever dans la transparence de ce ballet-théâtre tétanisé d’élégance, la texture érudite qui s’exprime par ces artistes. N’oublions pas, Laurence Couzinet et Thierry Sirou sont les enfants d’un long voyage artistique aux confins de disciplines accomplies comme la danse classique, la danse moderne, la comédie musicale, le cabaret, l’opérette et l’opéra, le music-hall… car c’est bien là que le talent a ses racines.

Christian Antourel

Photos C.A

25 Mars 2006