Martinique : climat économique contrasté et marché du travail dégradé

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Quelques signes d’amélioration contrariés en fin d’année
Après une année 2013 en repli, l’économie martiniquaise semble montrer quelques signes d’amélioration en 2014. Cette évolution est toutefois contrariée en fin d’année.
Alors qu’il était en amélioration depuis la fin de l’année 2012, l’indicateur du climat des affaires se détériore en fin d’année 2014. L’atonie de la demande et l’absence de perspectives pénalisent l’activité économique. Le marché du travail reste dégradé et l’activité est contrastée dans la plupart des secteurs. L’agriculture et l’agroalimentaire enregistrent des résultats mitigés ; l’absence de projets d’envergure pénalise les secteurs du BTP et de l’industrie ; l’activité commerciale se dégrade en fin d’année. Dans le tourisme, seule la croisière connaît un regain de dynamisme, contrairement à l’hôtellerie qui tend à se détériorer.
En dépit d’une conjoncture morose, les concours des banques au financement de l’économie sont mieux orientés. Cette évolution est en grande partie imputable aux entreprises, dont les crédits d’investissement progressent significativement en 2014, mais concernent, pour une large part, le renouvellement de l’outil de production plus que de nouveaux projets. Les ménages et les collectivités contribuent également à la hausse de l’encours, mais dans une moindre mesure.

LA DEMANDE PEINE À SOUTENIR L’ACTIVITÉ

L’indicateur du climat des affaires se détériore en fin d’année

Après une amélioration sensible en 2013, l’indicateur du climat des affaires (ICA) s’était rapproché de sa moyenne de longue période au deuxième trimestre
2014, avant d’enregistrer un repli marqué en fin d’année. Sur un an, l’ICA recule de 6,4 points, pour s’établir à 89,4 points à fin 2014, soit 10,6 points en dessous de sa moyenne de longue période.
Cette détérioration s’explique pour l’essentiel par les anticipations défavorables des chefs d’entreprise sur l’ensemble des indicateurs conjoncturels, à l’exception des prévisions d’investissement. Les professionnels font d’ailleurs part de difficultés essentiellement liées au niveau insuffisant des commandes.

L’inflation est faible
L’inflation s’élève à +0,7 % en moyenne annuelle en 2014 à la Martinique (contre +1,3 % en 2013), niveau légèrement supérieur au niveau moyen de la France entière (+0,5 %). Le ralentissement de la hausse des prix à la consommation, observée en 2013, se poursuit donc en 2014, se rapprochant
d’une inflation nulle.
Cette évolution tient à la légère hausse des prix des services (+1,0 %) et de l’alimentation (+1,2 %), compensée par une diminution des prix
de l’énergie (-0,7 %).

Le marché du travail reste dégradé
Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (DEFM A) est en légère diminution sur un an (-1,4 %), à un niveau qui demeure toutefois élevé (43 971). Mais cette évolution masque des disparités selon les tranches d’âge et la durée d’inscription.
Pour les demandeurs d’emploi de catégories A, B et C confondues, les difficultés de retour à l’emploi s’amplifient, notamment pour les seniors (50 ans et plus), dont les demandes sont en progression (+11,2 %), et pour les demandeurs d’emploi de longue durée (+4,1 %). Par ailleurs, les entres des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, bien qu’en recul (-5,5 %), demeurent supérieures aux sorties, ces dernières étant également en repli (-2,9 %).
Enfin, le nombre d’allocataires de Pôle emploi stagne (+0,2 %, à 22 850 à fin 2014).

La consommation des ménages est mieux orientée

Après une année 2013 difficile, la consommation des ménages est mieux orientée en 2014. Les importations de biens de consommation durables et non durables sont en croissance (respectivement +11,0 % et +1,4 %), ainsi que les immatriculations de véhicules de tourisme neufs (+2,1 %). Par ailleurs, le chiffre d’affaires des hypermarchés reste orienté à la hausse (+2,6 %, en cumul annuel).
Pour autant, les évolutions contrastées du quatrième trimestre (repli
du chiffre d’affaires des hypermarchés et des immatriculations de
véhicules de tourisme neufs, mais croissance des importations de biens de consommation), dans un contexte de stagnation des prix, montrent que la situation demeure fragile. Les crédits à la consommation des ménages sont, par ailleurs, de nouveau orientés à la baisse (-0,5 %).

Les intentions d’investissement des entreprises se redressent

Pour la première fois depuis trois ans, les prévisions d’investissement à un an affichent une légère hausse.
Les importations de biens d’investissement progressent (+4,8 %), ainsi que les immatriculations de véhicules utilitaires neufs (+5,8 %). Il en est de même pour les crédits d’investissement des entreprises, qui augmentent significativement (+5,4 %).
Toutefois, pour une large part, les chefs d’entreprise font état d’investissements visant le maintien à niveau de l’outil de production plus que le développement de nouveaux projets.

Les échanges extérieurs confirment l’amélioration de la conjoncture
En 2014, les importations hors produits pétroliers sont en croissance (+2,2 %, à 1 926 millions d’euros), sous l’effet de la hausse des biens d’équipement mécaniques, électriques, électroniques et informatiques (+7,3 %), ainsi que des autres produits industriels (+2,4 %). Pour leur part, les exportations hors produits pétroliers stagnent (+0,2 %, à 202 millions d’euros), en lien avec la croissance des produits agricoles exportés (+19,2 %) et la baisse des matériels de transport expédiés pour réparation (-60,8 %).
Les échanges extérieurs de produits pétroliers sont marqués par le
retour à un niveau normal de l’activité de la SARA, après l’arrêt technique dit de « régénération » de 2013. Conséquence d’un retour à une activité de raffinage normale, les exportations de produits pétroliers enregistrent une progression très sensible (+98,2 %, à 365 millions d’euros). Pour leur part, les importations de produits pétroliers connaissent une progression globale modérée (+1,5 %, à 777 millions d’euros).
Globalement, en 2014, les échanges extérieurs progressent, tant à l’importation (+2,0 %, à 2 703 millions d’euros) qu’à l’exportation (+47,0 %, à 567 millions d’euros).
Nonobstant la dégradation de la fin de l’année, l’activité s’améliore en 2014 dans le BTP et dans les industries liées au secteur, après le repli marqué de 2013.
Les ventes de ciment sont en progression sensible (+6,5 % à 182 265 tonnes), après plusieurs années consécutives de baisse. Les ventes en vrac (+10,9 %, à 131 945 tonnes) sont principalement alimentées par deux importants chantiers en cours (plateau technique de l’hôpital Zobda-Quitman et le transport collectif en site propre ­TCSP). Par ailleurs, les attestations de conformité électrique délivrées par le Consuel sont favorablement orientées, tant pour les logements neufs (+10,2 %) que pour les locaux commerciaux (+28,0 %). Enfin, les crédits à l’habitat des ménages et les crédits immobiliers des entreprises progressent (respectivement +1,3 % et +3,6 %).
Pour autant, la situation reste incertaine et l’absence de perspectives quant à la programmation de nouveaux projets d’envergure laisse craindre de nouvelles difficultés. Les ventes de ciment en sac, d’ordinaire dévolues à la construction privée, continuent d’ailleurs de reculer (-3,7 %, à 50 320 tonnes).
Mieux orientée, l’activité commerciale est contrariée en fin d’année
En dppit d’une meilleure orientation en 2014, la consommation des ménages manque de souffle et sa détérioration en fin d’année pèse sur l’activité commerciale. Les chefs d’entreprise du secteur font ainsi part d’une gradation marquée des soldes de gestion au dernier trimestre (trésorerie, délais de paiement et charges d’exploitation) et d’une augmentation des stocks de produits finis. Ainsi, sur un an, le courant d’affaires de l’activité commerciale se détériore sensiblement.
Par ailleurs, selon les professionnels du secteur, le déclin du petit commerce se poursuit au profit d’une plus grande concentration du secteur et d’un adossement à des enseignes nationales.

La croisière poursuit sa reconquête, alors que l’hôtellerie reste à la peine
En 2014, l’activité touristique est contrastée. Le segment de la croisière connaît un nouveau regain avec la progression du nombre de croisiéristes (+71,3 %, à 177 786). En revanche, la fréquentation des touristes de séjour pur stagne (-0,0 %, à 489 561), de même que le nombre de passagers débarquant à l’aéroport Aimé Césaire (+0,0 %, à 1 624 500).
Par ailleurs, la situation se détériore dans l’hôtellerie, les indicateurs de performance continuant de reculer. Le nombre de nuitées, la durée moyenne de séjour, le chiffre d’affaires moyen par chambre disponible et le taux d’occupation sont en berne (respectivement -3,2 %, -7,7 %, -3,4 % et -1,8 point). S’agissant des gîtes ruraux homologués « Gîtes de France », le nombre de nuitées progresse en 2014 (+4,3 %).

L’ACTIVITÉ FINANCIÈRE EST ORIENTÉE À LA HAUSSE
L’encours sain de crédits progresse globalement
En 2014, l’activité de financement gagne en dynamisme, l’encours sain de crédits, toutes catégories d’agents confondues, enregistrant une hausse de 2,3 % contre +0,2 % en 2013, à 8,1 milliards d’euros.
Ce regain d’activité est en grande partie imputable aux entreprises, dont l’encours sain de crédits progresse (+3,2 % à 3,3 milliards d’euros) après avoir enregistré un repli significatif en 2013 (-4,0 %). En 2014, les crédits d’investissement augmentent sensiblement (+5,4 %), l’encours ayant progressé tout au long de l’année. Les crédits immobiliers des entreprises sont également orientés à la hausse (+3,6 %), alors que les crédits d’exploitation se contractent (-6,3 %).
A 3,2 milliards d’euros à fin 2014, les ménages participent également à la croissance de l’encours sain de crédits, même si cette contribution ralentit en 2014 (+0,8 % contre +2,8 % en 2013). Cette évolution est
principalement liée à celle des crédits à l’habitat, qui n’enregistrent
plus les hausses marquées des dernières années (+1,3 % en 2014 contre +5,1 % en 2013 et +4,2 % en 2012). Pour leur part, les crédits à la consommation sont de nouveau orientés à la baisse (-0,5 %).
Les crédits octroyés aux collectivités locales progressent (+2,1 % contre -3,9 % en 2013) et s’élèvent à 1,2 milliard d’euros à fin 2014.
L’encours douteux augmente légèrement
Le risque de crédit est légèrement orienté à la hausse en 2014. Ainsi, les créances douteuses brutes des établissements de crédit installés localement s’élèvent à 0,5 milliard d’euros à fin 2014 (+2,8 % après +3,9 % en 2013) et le taux de créances douteuses atteint 6,9 % (+0,1 point sur un an).
Les actifs financiers sont en hausse
Les avoirs des agents économiques poursuivent leur progression en 2014, atteignant 6,9 milliards d’euros en fin d’année (+3,0 % après +3,5 % en 2013). Ainsi, la place martiniquaise reste emprunteuse de 1,9 milliard d’euros.
Les mpnages concentrent l’essentiel des actifs financiers, avec 5,0 milliards d’euros (+1,8 % après +2,2 % en 2013). Les dépôts à vue sont en hausse (+1,4 % sur un an), mais c’est surtout l’épargne à long terme qui contribue à cette nouvelle progression des avoirs (+3,9 %), notamment l’assurance-vie et les plans d’épargne logement (respectivement +5,0 % et +4,4 %). En revanche, les placements liquides ou à court terme des ménages se contractent (-0,5 %).
Dans un contexte conjoncturel globalement dégradé, les entreprises accroissent leurs liquidités. Fin 2014, leurs avoirs financiers s’élèvent à 1,5 milliard d’euros (+10,2 % après +8,5 % en 2013). La progression est particulièrement importante pour les dépôts à vue (+13,2 %).

LES PERSPECTIVES RESTENT PEU PORTEUSES
L’économie martiniquaise a globalement progressé en 2014, en dépit d’une fin d’année difficile. Les perspectives pour 2015 sont néanmoins peu porteuses, les professionnels prévoyant un repli sensible de l’activité en début d’année.
La Collectivité territoriale de Martinique (CTM) disposera de larges compétences pour identifier et initier les leviers susceptibles d’engendrer une croissance économique durable. Toutefois, avec des élections fixées à fin 2015, l’impulsion de nouveaux projets risque d’être reportés sur l’année 2016, le temps de la mise en place opérationnelle de la collectivité unique. Par ailleurs, le modèle de développement de la Martinique, basé sur la consommation des ménages et un rattrapage avec la métropole, semble avoir atteint ses limites. Enfin, la baisse et le vieillissement de la population martiniquaise pèsent sur la vigueur de la consommation et rapprochent « mécaniquement » la Martinique du niveau de vie moyen de la France entière.
Pour autant, pour accompagner son développement, la Martinique continuera à bénéficier du soutien de l’État et de l’Union européenne à travers notamment le Pacte de responsabilité et de solidarité Outre-mer, les programmes opérationnels 2014-2020 et la prolongation du dispositif dprogatoire de l’octroi de mer.