Lire : à la librairie  L’Harmattan, «  Nous sommes martiniquaises »

Un ami me signale la parution à L’Harmattan, en décembre 2020, de ce nouvel opus de Hanétha Vété-Congolo. Il me semble important de relayer l’information sur le site Madinin’art ! Sous le titre, la première de couverture précise : « Pawol en bouches de femmes châtaignes / une pensée existentialiste noire sur la question des femmes ». 

« Professeur d’université et poète, Hanétha Vété-Congolo est née en 1973 au François, en Martinique. Elle a fait ses études supérieures à l’Université des Antilles et de la Guyane en Martinique. Aujourd’hui professeur au Bowdoin College à Brunswick (Maine, États-Unis) où elle dirige le Département de langues et littératures romanes, elle a précédemment enseigné à la Jamaïque (University of the West Indies, Mona) ainsi qu’en Virginie. Elle est l’auteure de nombreux travaux universitaires dont L’interoralité caribéenne : le mot conté de l’identité. Vers un traité d’esthétique caribéenne (Sarrebruck, Éditions Universitaires Européennes, 2011). Outre deux recueils de poésie en français : Avoir et Être : ce que j’ai, ce que je suis (éditions Le Chasseur abstrait, 2009) et Mon Parler de Guinée (L’Harmattan, 2015), elle est aussi l’auteure d’un recueil inédit de poèmes en anglais, Womb of a Woman. Élue présidente de l’Association philosophique des Caraïbes (CPA) en août 2019, elle a commencé son mandat de trois ans le 1er janvier 2020… Voix singulière dans le champ poétique martiniquais, Hanétha Vété-Congolo dans son enfance est bercée par la tradition orale de son pays, et plus particulièrement marquée par sa grand-mère maternelle, conteuse et guérisseuse traditionnelle. Le monde de l’oralité façonne la perception qu’Hanétha Vété-Congolo a du plus large monde. »

La quatrième de couverture de l’ouvrage :

« L’étude analyse le discours sur le genre et les femmes de Martinique. La matière est le vécu des femmes et les paroles quotidiennes et ancestrales desquelles se dégage une épistémologie permettant de saisir des pensées critiques sur le genre en Martinique. Il s’agit donc d’un travail de théorisation des faits caribéens et de la pensée existentielle noire par le biais de l’oralité.

L’auteure soumet la parole de Mayotte Capécia dans Je suis Martiniquaise à une analyse critique s’écartant des perspectives jusque-là avancées sur cette oeuvre de 1948. Elle offre une analyse inédite de la pensée de Suzanne Césaire concernant la notion d’homme-plante. Elle re-situe la perspective de Frantz Fanon et l’importance de la parole de Jenny Alpha dans le discours sur le genre et la “martiniquanité” féminine. Face aux paroles ancestrales en créole comme « fanm sé chatenn » – la femme est une châtaigne – elle appose la parole contemporaine directe de femmes, par des témoignages qui exposent leur réalité.

Nous sommes Martiniquaises / Pawôl en bouches de femmes châtaignes est un essai de théorie critique et de pensée existentialiste noire sur la question des femmes en Martinique. Ce livre est un apport important sur les études culturelles, la littérature et l’oralité caribéennes et martiniquaises. »

Mes recherches, avant de pouvoir lire et comprendre l’ouvrage  Nous sommes martiniquaises / pawol en bouches de femmes châtaignes :

Le sous-titre aussitôt évoque en moi le roman d’Anique Sylvestre, par lequel j’ai pu apprendre ce joli qualificatif, désignant peut-être le fruit de l’arbre à pain – puisque c’est ainsi qu’autrefois l’on nommait en Europe le châtaignier : Que dansent les femmes-châtaignes. « Elles s’appellent Tiéta, Mélanie, Eunice… elles ont la force des femmes-châtaignes et l’audace des conquérantes… ». Par ces mots, l’auteure présente ses héroïnes, ajoutant en exergue du livre un proverbe créole : « fanm sé chatenn, i ka tonbé, i ka rilévé : la femme est cette châtaigne qui tombe et toujours se relève. »

À la lecture de la quatrième de couverture de Nous sommes martiniquaises / pawol en bouches de femmes châtaignes, intriguée, il m’est venu l’envie de corriger mon ignorance. D’en savoir davantage en la matière. Sur Mayotte Capécia plus particulièrement, puisque c’est de sa parole qu’il s’agit, et que son titre est repris modifié, au pluriel,  comme en écho… Aussi ai-je derechef entrepris de naviguer sur la toile – merci Internet, à l’heure où se rendre dans les bibliothèques pour s’y livrer à quelque recherche s’avère être un vrai parcours du combattant ! Je vous livre ici le modeste fruit d’une matinée aussi studieuse qu’instructive ! J’ai en effet découvert une histoire bien compliquée, qui fait toujours du bruit dans le Landernau littéraire, d’autant que s’y mêlent et politique et  sociologie et maintes autres sciences… Mais aussi une histoire et une héroïne à mes yeux quelque peu romantiques, oserais-je dire, un lieutenant de marine y jouant sa partie – à l’instar de Pinkerton, le bel officier américain  de Madame Butterfly ?

Ainsi donc, régulièrement me semble ressurgir tel un serpent de mer  le « cas Mayotte Capécia », auteure présumée de deux romans intitulés Je suis Martiniquaise (paru en 1948, Prix France-Antilles en 1949), et La Négresse blanche (1950). Une femme, une œuvre qui suscitent interrogations, critiques et controverses. On peut trouver et  lire à ce sujet :

 — sur le site Cairninfo, les articles de Albert James Arnold : paru en 2002Frantz Fanon, Lafcadio Hearn et la supercherie de “Mayotte Capécia”, et paru en 2003  “Mayotte Capécia” : De la parabole biblique à “Je suis Martiniquaise”.

— L’ouvrage de Christiane Makward, Mayotte Capécia ou l’aliénation selon Fanon, « qui se proposait en 1999 d’examiner les origines de Je suis Martiniquaise “le plus littéralement possible” à partir de l’hypothèse que Mayotte Capécia avait été injustement critiquée par Fanon… À l’image d’une femme séduisante, mais “aliénée”, soumise à la fois au mâle et au Blanc, cette étude, fondée sur des documents jusqu’à présent tenus secrets, substitue celle d’une femme courageuse, soucieuse avant tout de dignité et d’indépendance. L’insignifiante Mayotte, née de l’ignorance et des préjugés fanoniens, cède la place à une véritable héroïne, pendant du Ti-Jean créole, à la fois rusée, pragmatique et obstinée, dotée d’une ambition que seule la mort parvint à anéantir. »

Sur le site Île en Île Christiane Makward présente ainsi  Mayotte Capécia : « Malfamée mais sauvée de l’oubli grâce à Frantz Fanon, Etiemble et quelques admirateurs parisiens qui l’aidèrent à écrire, Mayotte Capécia ne fut identifiée qu’en 1993 pour le monde des lettres.
Née au Carbet (Martinique) d’une mère célibataire, en 1916, Lucette Céranus Combette ne fit jamais d’études et travailla comme sa jumelle dès l’âge de quatorze ans à Fort-de-France dans une chocolaterie puis géra de petits commerces. Mère à dix-sept ans, et deux fois par la suite, sa passion pour un lieutenant de marine protestant et pétainiste fournit la trame d’un premier roman tandis que le second est axé sur l’inconfort du métissage à l’aube de la Négritude. Elle se fit reconnaître par son père et s’embarqua pour la France en 1946.
Les deux romans de Mayotte Capécia sont des créations collectives, en partie inspirées du journal du lieutenant. Elle réussit, grâce au bon accueil de son premier livre, à faire venir ses enfants et sa jumelle en France, mais elle fut atteinte d’un cancer et mourut dès 1955. »

(Sur ce même  site, en bas de la page, deux liens vous conduiront si vous le désirez vers des extraits mis en ligne, pour chacun des deux romans.)

– Plus près de nous, paru en 2012, l’ouvrage de Myriam Cottias et Madeleine Dobie : Relire Mayotte Capécia / Une femme des Antilles dans l’espace colonial français (1916-1955)

Présentation : « Les deux romans de Mayotte Capécia ont divisé le monde des lettres et la culture noire parisiens lors de leur parution en 1948 et 1950. Pour certains, Capécia était la “première femme de couleur à raconter sa vie”, et ses œuvres exprimaient l’authentique vision d’une femme antillaise. Pour d’autres, elle démentait l’effervescence politique de l’ère de la négritude, de la départementalisation et de la décolonisation, promouvant une vision nostalgique des Antilles et de l’Empire français. Les romans ont surtout attiré la condamnation d’un jeune Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs.

Cette nouvelle édition avec introduction critique des romans de Mayotte Capécia permet d’analyser les racines historiques de l’émotion de Fanon : les enjeux de race, de classe et de genre issus de la société post-esclavagiste qui traversent sa lecture, ainsi que les deux livres de Capécia. Elle re-situe les récits dans le contexte du régime de Vichy à la Martinique, et dans la période de transformation des courants politiques antillais et coloniaux au seuil des années 1950. À partir des archives personnelles, la biographie de Mayotte Capécia est reconstituée afin d’aller au plus près du sujet colonial des Antilles.

Myriam Cottias est directrice de recherche au CNRS (CRPLC, Université des Antilles et de la Guyane). Elle dirige le Centre international de recherches sur les Esclavages. Madeleine Dobie est maître de conférences dans les programmes de français et de littérature comparée à la Columbia University et directrice du programme Master en études françaises et francophones de Columbia University à Paris.

Compilation effectuée par Janine Bailly, à Fort-de-France, le 6 janvier 2020