L’ex ministre Victorin Lurel prêt à abattre sa dernière carte pour rester dans le jeu politique !

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

L’injonction au changement de la carte politique en France et en Guadeloupe nous renvoie tous à un sentiment diffus de l’accélération du temps. Et c’est notamment le cas pour Victorin Lurel qui s’apprête, selon notre toute récente analyse politique , à abattre sa dernière carte.
L’expression abattre sa dernière carte date du XIXe siècle et fait directement référence au jeu de cartes. A l’époque, le fait d’abattre ses cartes signifiait que l’on se dévoile totalement, que l’on ne cache rien aux autres joueurs, que l’on joue en toute franchise. Une règle importante, car le jeu amenait à affronter tant des amis que des ennemis.

Bouger, saisir les opportunités, étouffer les opposants. Fort de ses préceptes d’animal politique en reconquête du terrain électoral perdu par le PS , Victorin Lurel, qui depuis ses récents démêlés avec Josette Borel Lincertin a certainement eu le temps de méditer la leçon de Molière dans la pièce de théâtre don Juan selon laquelle  » l’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus ». En conséquence, sentant que le vent est favorable , il devrait expérimenter dans les mois qui viennent, de nouvelles idées et ouvrir la page d’une nouvelle stratégie électorale au plus près du terrain . Pour ce faire, il s’apprête à abattre sa dernière carte celle du retour à la case de député du Sud Basse-Terre. C’est la carte de celui qui n’a plus d’autre option crédible pour demeurer encore dans le jeu politique en Guadeloupe .
C’est la carte qui officialise l’échec électoral du parti socialiste et l’approche en vigueur jusqu’ici.
C’est la carte qui équivaut à reconnaître, sans dire les mots, que la situation est désormais sous contrôle pour Victorin Lurel uniquement dans la région du Sud Basse-Terre . Victorin Lurel a enfin pris note des divisions intestines indépassables au sein du parti socialiste et de la poussée irrépressible du GUSR dans l’électorat guadeloupéen, et qui rend toute tentative d’être reconduit à son poste de sénateur, une aventure à haut risque . Ayant pris date, il entend désormais, selon notre analyse de la nouvelle situation politique en Guadeloupe , se replier sur un poste de député dans la circonscription législative du Sud Basse-Terre.
Et la probabilité que cette nouvelle stratégie arrive à ses fins reste forte , car la machine électorale du parti socialiste tourne maintenant à vide depuis la défaite aux élections municipales, départementales, régionales et s’est érodée dans toute la Guadeloupe hormis dans la région du Sud Basse-Terre où certains bastions demeurent sous la coupole des socialistes à l’exemple de basse-terre, baillif, Saint Claude, Vieux-Habitants, terre de haut, terre de bas, et enfin une large fraction de trois rivières. Victorin Lurel est conscient que la décennie passée a vu la région du Sud Basse-Terre perdre progressivement de son importance au niveau administratif et économique. En effet, la croissance a été particulièrement faible au cours de la dernière décennie dans cette zone de la Guadeloupe , en partie sous l’effet de la crise globale, mais également suite au ralentissement des gains de productivité, lui-même conséquence d’un moindre investissement et d’un freinage des processus permettant de stimuler la production des entreprises et la concurrence. C’est là le résultat de l’essoufflement de la départementalisation dans cette partie de la Guadeloupe . Pourtant la région du Sud Basse-Terre ne manque d’atouts qu’il convient de pouvoir exprimer. En effet, la basse-terre peut être un territoire remarquablement attractif pour les investissements dans les nouvelles technologies, l’éco-agriculture, et la transition énergétique avec la géothermie . Si elle sait en jouer, sa situation géographique, ses infrastructures matérielles et techniques, la qualité des services publics, le cadre urbain et culturel, ainsi que son mode de vie en feront un territoire de choix pour l’implantation d’entreprises numériques intensives en emplois qualifiés, conscientes que la qualité de vie de leurs employés est un facteur de productivité et de compétitivité. Toutefois, pour cela, il est fondamental que le cadre fiscal, le poids des réglementations et les lourdeurs politiques et administratives soient revus considérablement à la baisse, sans quoi ce potentiel demeurera largement sous-exploité.
La partie s’avère donc jouable pour Victorin Lurel qui peut profiter d’un certain vide électoral et de l’absence de candidats crédibles (hormis Marie-Luce Penchard ) dans la zone du Sud Basse-Terre et donc de nouveau prétendre à un poste de député avec un programme politique novateur dans cette circonscription du Sud Basse-Terre qui de longue date est son fief.
Ce sera sa dernière carte à abattre, dernière diversion post présidentielle, dernière chance de rétablissement de la fédération socialiste, avant une offensive électorale avec une ligne politique claire à savoir le combat contre l’extrémisme et la dénonciation des idées malsaines pour l’avenir de la France et donc de la Guadeloupe . Ce moment sera-t-il crucial ? Oui , pensent les politologues . Alors, déterminé  à gagner une législative ? Sans aucun doute selon les partisans socialistes ! Mais attention à ne pas crier victoire trop tôt , car il faudra aussi compter avec la candidature de Marie-Luce Penchard qui pourrait selon toute vraisemblance être de la partie .Il faut encore que la situation se clarifie parce que ce que nous apprend l’histoire de la politique , c’est que les chutes sur le parcours sont nombreuses.Et que 6 mois avant il y a toujours encore beaucoup trop de prétendants. Certains ne prendront même pas la ligne de départ d’autres finiront très abimés. Ajoutons à cela que la politique -souvent impuissante – et les politiques – souvent hors-sol- exaspèrent aujourd’hui les guadeloupéens.

Pour autant, beaucoup sont conscients que la France va connaître des changements majeurs au cours de la prochaine décennie. La Guadeloupe doit se préparer à des lendemains qui déchantent car économiquement, la France pèsera sensiblement moins dans dix ans qu’il y a dix ans. En effet, un hypothétique redressement de la croissance économique conditionné à la mise en place de mesures de relance aptes à stimuler l’activité économique permettrait certes de limiter la dégradation de la part de la France dans le PIB mondial, mais la diminution demeure inéluctable. La France devrait ainsi représenter en 2023 un peu moins de 3% du PIB mondial. Elle fera toujours partie des pays riches, mais son revenu réel par tête, autrement dit par habitant, s’élèvera à deux fois le revenu mondial moyen contre près de trois fois il y a dix ans . Son poids économique sera grosso modo celui de l’Espagne de 1980 selon le FMI (fonds monétaire international) . De fait, il y aura des répercussions économiques et sociales sur la gestion des territoires d’outre-mer et des conséquences financières pour la Guadeloupe. C’est pourquoi les politiques publiques d’adaptation doivent avoir pour objectifs d’anticiper les impacts à attendre du changement politique et économique en France hexagonale.
Et pour paraphraser un élu politique : “Ce qui se joue est la refonte de notre modèle de développement économique et social , qui est en panne. Nous devons construire une économie qui soit basée sur le génie local, l’innovation, la fin de l’économie de containers, la promotion de notre production locale, le développement des liens avec notre bassin géographique. “
Certes, mais la démarche de changement de modèle économique et social ne s’improvise pas mais se prépare soigneusement. La réussite du changement tient pour beaucoup dans le soin accordé à cette phase politique préalable de différenciation voulue par le pouvoir central.
Ainsi , se mettre tôt à penser à plus tard devrait conférer à Victorin Lurel, la liberté et la flexibilité d’organiser activement l’avenir , de chercher et d’impliquer à temps les diverses parties prenantes de la mutation de la société guadeloupéenne.
Et puisque rien n’est jamais joué d’avance, peut-être cette nouvelle aventure ne fait-elle que commencer pour le parti socialiste et Victorin Lurel.

Jean marie Nol économiste