Les quatre soldats martiniquais de Boutigny

— Sabine Andrivon-Milton, historienne —

Durant la guerre 1939-1945, en juin 1940, quatre soldats martiniquais furent tués par les Allemands dans un village dénommé Boutigny (Seine-et-Marne). Il s’agiss ait de :
– Frédéric Joseph Philibert né à Rivière-Pilote le 27 mars 1911, soldat de 2ème classe dans le 3 ème régiment d’infanterie coloniale, matricule 33 0)
– Maurille Ernest Himmer né le 13 septembre 1913 à Trinité, appartenant au 152ème régiment d’infanterie coloniale, 6ème compagnie (classe 1933, matricule 1533).
– Appolinaire André Eniona né le 23 juillet 1914 aux Anses-d’Arlet appartenant au 3ème régiment d’infanterie alpine (classe 193 4, matricule 2 0 85).
– Clair Negrobar. né le 30 septembre 1915 à Sainte Marie, sergent dans le 3ème régiment d’infanterie alpine (classe 1935, matricule 1620). Il était marié et père de trois enfants.
Leurs corps furent retrouvés cote à cote criblés de balles. Ils furent enterrés sur place le 18 juin 1940 par 2 habitants de la commune puis le 16 juin 1942, leurs dépouilles furent transférées dans le cimetière de Boutigny après le service religieux organisé dans l’église Saint-Médard.
Selon le journal Le Publicateur, « a population était venue très nombreuse manifester sa sympathie et remplacer les familles absentes » . Les cercueils furent conduits par la Compagnie des sapeurs-pompiers et les anciens combattants. le maire rappela en quelques mots « le sacrifice de ces braves venus des extrémités de l’empire défendre la mère patrie et souligna la leçon de fidélité et d’union qu’ils avaient donnée » .
Pendant plusieurs années, une cérémonie avec dépôt de gerbe au monument aux morts puis sur les tombes des quatre soldats eu lieu le 11 novembre à Boutigny pour leur rendre hommage. Ces quatre hommes avaient pris une place particulière dans la vie du village et dans la mémoire collective.
Dans les années soix ante, les corps des quatre soldats furent transférés dans la nécropole nationale de Fleury-les-Aubrais près d’Orléans et les hommages s’arrêtèrent à Boutigny et leur souvenir s’estompa. Mais l’Assocciation Patrimoine de Boutigny et Alentours présidé par Daniel Aubrat, a souhaité réactiver le souvenir de ces « héros martiniquais » et a lancé des recherches pour en savoir plus sur ces hommes.
Pourquoi cette amnésie ?
Le 11 novembre 2016, le maire de Boutigny, Jacques Paultre de Lamotte, cita leurs noms parmi les Morts pour la France. La commune a ainsi voulu exprimer sa reconnaissance à ces hommes venus de loin pour remplir leur devoir. Actuellement, des investigations sont encore en cours afin de retrouver les familles de ces quatre soldats et aussi pour rappeler à la Martinique qu’un petit village situé dans l’hexagone n’oublie pas que quatre Martiniquais ont perdu la vie sur son territoire.
Merci Boutigny. Merci à l’association Patrimoine de Boutigny et Alentours de nous avoir informé. Merci pour ces hommes qui sont tombés dans l’oubli chez eux. Merci pour leur mémoire.
Cette belle « histoire » m’interpelle car je constate une fois de plus que localement, nous ne rendons pas suffisamment hommage à ces jeunes hommes qui ont quitté la Martinique et ont perdu la vie pendant les guerres. La plupart des corps ne sont pas revenus et plusieurs noms ne sont toujours pas inscrits sur les monuments aux morts. Qu’attendons-nous ? Pourquoi cette amnésie ? Pourquoi ne rendons nous pas hommage à nos derniers dissidents ? Où sont les rues ou les boulevards de la dissidence ? Pourquoi les anciens combattants doivent-ils encore se « battre » en dehors des champs de bataille ? A quand, un mémorial pour nos anciens combattants ? A quand un lieu où l’on réunirait tous les écrits, toutes les recherches liées à la participation des soldats antillo-guyanais (et même des soldats anglophones de la Caraïbe) dans les différents conflits ? On ne peut pas ignorer, que dans notre population locale, il existe une « communauté » d’anciens combattants dont on ne parle pas suffisamment. Ils méritent que l’on connaisse leur histoire et qu’on les mette à l’honneur en dehors des fêtes patriotiques. N’attendons pas qu’ils ne soient plus là pour écrire leur histoire.
Sabine Andrivon-Milton, historienne