Les Ogres, tambour battant

— Par Alexis Campion —

les_ogresUn film très vivant avec l’énergie débordante du théâtre itinérant et de la famille Fehner.

« Je voulais être cohérente pour parler de gens qui mélangent famille, travail, amour, amitié. Dans cette histoire où l’on ne cesse d’abolir les frontières, il fallait qu’on soit tous un peu funambules… » Remarquée pour son premier long métrage, Qu’un seul tienne et les autres suivront, Léa Fehner a relevé un pari fou mais essentiel pour accomplir son deuxième opus, Les Ogres : celui de faire jouer sa propre famille dans une histoire purement fictive mais dont chaque péripétie rappelle furieusement leur vraie vie de saltimbanques. Ses parents, François Fehner et Marion Bouvarel, sa sœur Inès, ses neveux et d’autres de ses proches vivent en effet à l’année au rythme de l’Agit, la compagnie de théâtre itinérant au sein de laquelle, du côté de Toulouse, la cinéaste a grandi et forgé son regard sur le monde…
Appétit de vivre

Portée sur l’écriture plutôt que sur l’art dramatique (« Je suis piètre comédienne »), Léa Fehner déborde de souvenirs de cet univers dont elle s’est échappée pour choisir le cinéma. Si elle y revient caméra au poing, ce n’est pas tant pour régler ses comptes que pour se surprendre, se chercher. « Sur mon premier film, je voulais tout bien faire, correspondre au milieu du cinéma. Et j’ai beaucoup souffert! Pour celui-ci, je sentais qu’il fallait que je réinvente tout, que j’accepte la prise de risque comme un moteur. »

C’est en 2010, au moment de l’anniversaire des 20 ans de la compagnie de ses parents, qu’elle imagine son film. « Ils traversaient une année horrible, l’un des membres de la troupe venait de perdre son enfant. Pourtant, ils célébraient, faisaient la fête. En les voyant dépasser tout ça avec une énergie outrancière, j’ai eu envie de capter cet appétit de vivre. »
Les ouvriers de joie

Elle échafaude alors un scénario « bien loin de la biographie, plutôt ouvert à l’imaginaire », où « la dramaturgie des sentiments l’emporte sur celle des événements ». Elle y transcrit l’énergie solaire d’un collectif engagé emportant tout sur son passage, y compris les drames individuels… « Ils ne sont pas dans la sacralisation, plutôt dans le plaisir de partager ce qui va disparaître. Pour eux, flamber et affronter la précarité fait partie du jeu. »…

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