L’éphéméride du 23 novembre

Parution du premier numéro de Charlie Hebdo le 23 novembre 1970

Mobilisation des planteurs de bananes le 23 novembre 1992 : la Martinique île morte

Charlie Hebdo est un journal hebdomadaire satirique français fondé en 1970 par François Cavanna et le professeur Choron. Il fait une large place aux illustrations, notamment aux caricatures politiques, et il pratique aussi le journalisme d’investigation en publiant des reportages à l’étranger ou sur les domaines les plus divers : les sectes, les religions, l’extrême droite, l’islamisme, la politique, la culture. Le journal paraît tous les mercredis. Il a publié également des hors-séries à périodicité variable.

Créé en 1970 pour remplacer la version hebdomadaire d’Hara-Kiri, édité par la même équipe et venant d’être interdite à la suite d’un titre sur la mort du général de Gaulle, il est publié régulièrement jusqu’en 1981. Défenseur acharné de la liberté de la presse, son positionnement politique est celui d’un journal de gauche critique, antimilitariste et anticlérical, dans une société profondément marquée par Mai 68. Après un unique numéro en 1982, la parution cesse jusqu’en 1992, date à laquelle une partie des membres de l’ancienne équipe, Cabu en tête, se retrouve pour relancer Charlie Hebdo avec de nouvelles personnes.

La reprise par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten, en 2006, a déclenché contre le journal de vives réactions, parfois violentes, dans des pays musulmans et un procès d’associations musulmanes pour « injures publiques à l’égard d’un groupe de personne en raison de leur religion » gagné par la rédaction. En novembre 2011 le siège du journal est endommagé par un incendie criminel. Le 7 janvier 2015, un attentat islamiste perpétré par les frères Kouachi tue douze personnes, dont huit collaborateurs de l’hebdomadaire en pleine conférence de rédaction. Les manifestations des 10 et 11 janvier 2015 contre les attentats ayant visé Charlie Hebdo et la prise d’otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes réunissent plus de 4 millions de manifestants, ce qui en fait le plus important rassemblement de l’histoire moderne du pays. Le numéro 1178, dit « des survivants », sort le mercredi suivant, tiré à près de huit millions d’exemplaires ; le journal passe en moins d’un mois de 10 000 à 220 000 abonnés.

Le 5 mai 2015, le PEN club international remet à New York le prix du courage et de la liberté d’expression à l’équipe des survivants. L’initiative, chaudement soutenue par Salman Rushdie, provoque une controverse aux États-Unis et au Royaume-Uni.

« L’esprit Charlie » est invoqué pour défendre la liberté d’expression, l’humour décapant et irrévérencieux, les valeurs de gauche, la défense de la laïcité, et a influencé plusieurs médias français.

Positionnement et sujets abordés
Charlie Hebdo est une publication satirique de tradition libertaire avec un esprit caustique et irrespectueux hérité de Hara-Kiri. La ligne politique du journal est nette, marquée d’une visualisation de la gauche assez particulière. Si l’hebdomadaire fustige plus volontiers les idées et hommes politiques de droite, il n’est guère complaisant avec les partis de gauche, qu’ils soient au gouvernement ou non. Il est fréquent que les différents chroniqueurs soient en désaccord plus ou moins profond entre eux, par exemple lors du référendum sur la Constitution européenne1. En avril 2010, Charb, directeur de la publication, décrit la ligne politique du journal comme une réunion de « toutes les composantes de la gauche plurielle, et même des abstentionnistes ».

Les sujets les plus abordés sont la politique, les personnalités médiatiques (par exemple du sport, de l’audiovisuel ou du spectacle), l’actualité économique et sociale ainsi que la religion.

Critique envers l’ensemble de la classe politique, le journal s’oppose de manière particulièrement virulente au Front national durant le milieu des années 1990, allant jusqu’à lancer en 1996 une pétition réclamant l’interdiction de ce parti, qui recueille 173 704 signatures au moment de son dépôt au ministère de l’Intérieur. En 1998, lors de la scission mégrétiste, Charlie Hebdo dépose la marque Front national auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), estimant qu’elle est juridiquement tombée dans le domaine public : la journaliste Anne Kerloc’h explique qu’ « au pire, cette affaire est un grand éclat de rire », mais aussi que « l’objectif premier du journal est de restituer le nom aux résistants ou aux ayants droit », en référence au mouvement de résistance du même nom qui a été créé, lui, durant la Seconde Guerre mondiale. En 2012, l’hebdomadaire publie un dessin représentant une fausse affiche électorale de Marine Le Pen, où la candidate du FN est symbolisée par un étron fumant.

Par ailleurs, Charlie Hebdo se signale par un ton très antireligieux et anti-sectes, profondément athée et anticlérical, qualifiant notamment Jean-Paul II de « pape de merde », et appelant à « chier dans tous les bénitiers de l’Eglise ». La religion n’est cependant le thème que de 7 % des unes. Le journal a été taxé d’islamophobie et accusé de faire preuve d’une « obsession » à l’encontre des musulmans : cependant, de 2005 à 2015, 1,3 % seulement des couvertures se sont moquées en premier lieu de l’islam, qui a été le sujet principal de sept unes alors que le catholicisme a été traité par 21 d’entre elles. Par ailleurs, c’est contre l’extrême droite française et la religion catholique que sont dirigées les charges les plus agressives. Charlie Hebdo critique régulièrement les dérives du libéralisme économique, qui étaient l’un des thèmes récurrents des chroniques de Bernard Maris jusqu’à sa mort le 7 janvier 2015.

« L’Esprit Charlie »
Selon Le Monde, « l’esprit Charlie » est « un condensé de liberté de ton, d’humour décapant, d’irrévérence et de fierté, structuré autour de solides valeurs de gauche, où la défense de la laïcité figurait souvent en première ligne ». Après la publication des caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten, qui lui a valu une poursuite en justice d’association musulmane françaises contre lesquelles il gagne le procès, Charlie Hebdo « essaie alors, tant bien que mal, avec toutes les difficultés que cette position implique, de continuer à incarner une gauche antiraciste mais intransigeante face à la radicalisation d’une partie des musulmans ». Selon Le Monde, l’esprit Charlie a « inspiré de nombreuses aventures, de L’Écho des savanes à Canal+ ».

Pour l’historien du journalisme Alexis Lévrier, les critiques des caricatures de Charlie et du dessin de presse en général génèrent un appel à la censure sur les réseaux sociaux, mais « au nom du respect dû aux personnes ou aux communautés, toute critique des religions est ainsi devenue suspecte. Il faut rappeler pourtant, inlassablement, que la grande loi sur la presse de 1881 protège les individus mais autorise les moqueries à l’égard des croyances, qu’elles soient politiques ou religieuses. Charlie Hebdo est de ce point de vue le dernier héritier d’une longue tradition française du dessin de presse anticlérical, et n’a fait qu’appliquer à l’islam une volonté de désacraliser le sacré qui s’est épanouie à la Belle Époque ». Le New York Times ne publie plus de caricatures depuis juin 2019 au motif que ce type de dessins est « dangereux » et pour Alexis Lévrier « y renoncer, au nom de la volonté de ne pas déplaire, revient non seulement à donner raison aux censeurs, mais à faire le deuil d’un instrument que la presse a su utiliser pour sa propre émancipation ». Il dénonce que « depuis l’attentat, la tradition d’irrévérence de ce journal est souvent utilisée en effet comme une caution pour autoriser l’injure, la diffamation ou l’appel à la haine » et pour lui la liberté d’expression « a nécessairement des bornes » qui datent de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et il n’est donc pas possible « de mettre sur le même plan les dessins de Charlie moquant l’islam et les insultes d’un Éric Zemmour à l’égard des musulmans », pour lesquelles il a été condamné, ni Gabriel Matzneff, se présentant lui et les « artistes libertins », peu après les attentats, comme des victimes à l’instar de la rédaction de Charlie assassinée. Selon Alexis Lévrier, si « il ne saurait bien sûr être question d’imposer une définition unique de « l’esprit Charlie » » à cause de la liberté éditoriale de l’hebdomadaire et de son histoire, il « ne doit pas servir de prétexte pour autoriser l’islamophobie, le racisme ou la pédocriminalité. Concilier liberté d’expression et respect des individus est un défi de plus en plus difficile, qui s’impose à Charlie Hebdo comme à l’ensemble la presse ».

Histoire
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