Le Père Noël : une invention récente?

Le père Noël est un personnage fictif lié à la fête de Noël mais dont les racines remontent à des croyances antiques. Il est parfois associé à la mère Noël.

Traditionnellement, le saint catholique Nicolas de Myre est considéré comme étant à l’origine du père Noël mais le personnage, sa mythologie et ses attributs modernes sont issus tant d’un syncrétisme construit au fil des siècles que d’une volonté mercatique occidentale plus récente.

Origines

Le père Noël tel qu’il est communément représenté ne se réduit pas à la fonction « pédagogique » qui dominerait son usage actuel. Il peut être vu comme une construction syncrétiste relativement moderne mais ayant de lointaines origines : ce personnage cosmopolite est le fruit d’un mélange entre plusieurs traditions, contes, légendes et folklores. La sociologue Martyne Perrot résume ce syncrétisme : « l’idée que le père Noël est américain est partiellement vraie car la construction de ce personnage est en fait liée à l’histoire des migrants newyorkais ; c’est un personnage migrant, qui a pris un peu de tous les pays où il est passé et il est riche d’emprunts culturels divers. »

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Noël renvoie au jour de la Nativité, c’est-à-dire au jour de la naissance de Jésus : le père Noël est donc avant tout rattaché à une fête chrétienne.

Pendant longtemps, on fêta la Nativité et l’Épiphanie — fixée au 6 janvier — le même jour. Au ive siècle, sous le règne de l’empereur Constantin, la toute première célébration chrétienne de Noël a lieu à Rome à la date du 25 décembre 336 et il s’ensuivit que les deux événements furent fêtés distinctement.

Une fête païenne associée au solstice d’hiver
Le rapprochement de la fête de Noël avec celle des Saturnales dans la Rome antique a été fait depuis longtemps. Marquées par de grandes réjouissances populaires, les Saturnales voyaient les barrières sociales disparaître : on organisait des repas, on échangeait des cadeaux, on offrait des figurines aux enfants et on plaçait des plantes vertes dans les maisons, notamment du houx, du gui et du lierre. À partir de 274, les Saturnales sont prolongées le 25 décembre par le Dies Natalis Solis Invicti « le jour de naissance de Sol Invictus », le retour du Soleil, le rallongement du jour.

Pendant longtemps, l’année commençait avec les premiers jours du printemps, qui donnait lieu également à des rites. Symmaque écrit à la fin du ive siècle, que « aux premiers jours de mars, en ville, on vit advenir la coutume d’offrir des cadeaux en souvenir du roi Tatius qui avait été le premier à lire les signes de bons auspices pour l’année à venir dans les branches de l’arbre fertile qui se trouvait dans le bois sacré de Strena. » Certains exégètes juifs et chrétiens ont écrit que les fêtes de Hanoucca et de la Nativité avaient été créées pour contrebalancer les fêtes du « Soleil invaincu ». Au Moyen Âge, la fête des Fous donna lieu à tant d’excès qu’elle fut limitée, voire recadrée.

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D’autres origines païennes

Des ethnobotanistes comme Jonathan Ott (en) suggèrent l’idée que la tenue rouge et blanche du père Noël est liée à l’amanite tue-mouches utilisée par les chamanes en Sibérie pour ses propriétés psychoactives qui altèrent leur état de conscience, pouvant ainsi réaliser leur « vol » à travers le trou de fumée d’une yourte (ce rituel chamanique étant analogue au passage du père Noël par les cheminées). L’historien Ronald Hutton juge cette thèse sans fondement sérieux. Le renne volant pourrait symboliser l’utilisation d’amanite tue-mouches par des chamanes samis, mais plusieurs cultures nordiques s’offraient aussi des trophées de rennes à cette période de l’année.

D’autres hypothèses relient le père Noël à la mythologie nordique. Il pourrait puiser ses origines dans les dieux Thor, vieillard habillé en rouge et à barbe blanche voyageant sur son char que tirent des boucs, ou Odin chevauchant Sleipnir, son cheval à huit pattes (avatar du traîneau du père Noël, tiré par huit rennes). Certains ethnologues, tel Arnold van Gennep, veulent y voir le succédané ou la survivance d’un prétendu dieu celte Gargan qui portait une hotte et des bottes.

Toutefois, le char tiré par des animaux inhabituels dans cet usage est très répandu dans de nombreuses mythologies indo-européennes, et notamment dans la mythologie grecque.

Selon Claude Lévi-Strauss, « Il est généralement admis par les historiens des religions et par les folkloristes que l’origine lointaine du Père Noël se trouve dans cet Abbé de Liesse, Abbas Stultorum, Abbé de la Malgouverné qui traduit exactement l’anglais Lord of Misrule, tous personnages qui sont, pour une durée déterminée, rois de Noël et en qui on reconnaît les héritiers du roi des Saturnales de l’époque romaine » : dans l’Europe du Moyen-âge il était en effet de coutume à noël que les jeunes élisent leur « abbé », présidant à toutes sortes de comportements transgressifs mais provisoirement tolérés (filiation manifeste du roi des Saturnales romaines), et Lévi-Strauss voit dans cette élection réelle une généalogie du personnage mythique, devenu vieillard bienveillant (« l’héritier, en même temps que l’antithèse »)8. Il invite dans tous les cas à ne pas rechercher une mono-origine au Père Noël (« Les explications par survivance sont toujours incomplètes ») mais à y voir une fusion syncrétique de nombreux mythes, légendes et pratiques dans une figure toujours dynamique.

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Légende de saint Nicolas, récupération des traditions païennes
Avec l’arrivée de la chrétienté, il y eut plusieurs réformes pour essayer de supprimer les anciens rituels : en France, sous l’Ancien Régime, le 1er janvier est fixé comme premier jour de l’année civile par l’édit du Roussillon du 9 août 1564, mais d’autres États l’avaient adopté auparavant, comme le Saint-Empire romain. Du côté de Lyon, avant cet édit, par exemple, l’année commençait justement le 25 décembre.

La légende de saint Nicolas est établie depuis le Moyen Âge : on le célèbre le 6 décembre, mais selon le calendrier julien, le jour tombe le 19 décembre. Ce rite vient naturellement se confondre avec ceux, plus anciens, de célébration du solstice d’hiver. Personnage populaire de l’hagiographie chrétienne, son culte se développe rapidement en Europe occidentale après l’arrivée de ses reliques à Bari en Italie en 1087.

Lors des Croisades, au xie siècle, sa dépouille avait été volée par des marchands italiens. Les reliques ont été transférées à Bari. Un chevalier lorrain aurait aussi récupéré une de ses phalanges et l’offrit à l’église de Port. Devenue lieu de pèlerinage, la ville est alors rebaptisée Saint-Nicolas-de-Port. Saint Nicolas devient le saint patron de la Lorraine. En 1477, le duc de Lorraine, René II, lui attribue sa victoire contre Charles le Téméraire. Par la suite, sa légende sera reliée à la Nativité. Il deviendra dans presque toute la France « Papa Noël » soit « père de la Nativité ».

À Bari, la relique aurait produit des miracles. Selon une légende, saint Nicolas aurait ressuscité trois enfants découpés par un horrible boucher. Il est alors présenté comme le saint protecteur des tout-petits. C’est pourquoi, en sa mémoire, le 6 décembre de chaque année, principalement dans les pays d’Europe du Nord et de l’Est (notamment dans l’Est de la France en Alsace, à Metz, à Nancy et à Saint-Nicolas-de-Port), la coutume veut qu’un personnage, habillé comme on imaginait que saint Nicolas l’était (grande barbe, crosse d’évêque, mitre, grand vêtement à capuche), va alors de maison en maison pour offrir des cadeaux aux enfants sages. Au xvie siècle, la légende du saint s’enrichit avec le personnage du père Fouettard qui punit les enfants désobéissants (selon certaines traditions, celui-ci serait en fait le boucher de la légende). En France, à partir du xiie siècle également, le vieux qui présidait ce cortège est par la suite appelé « Noël ».[réf. nécessaire]

Dans l’historiographie, le « bonhomme Hiver » remonte au Moyen Âge, il est cet homme usé qui vient se réchauffer au feu nouveau (la grosse bûche consacrée) et à qui l’on offre des présents[réf. nécessaire]. Au xviiie siècle, l’idée de Noël comme jour sacré de la famille fait son chemin tant dans l’aristocratie que chez les bourgeois et les artisans. Au cours de la première révolution industrielle, se met en place un processus qui associe cadeaux, commerce et moments de générosité envers les enfants : c’est l’invention de la vitrine pleine de jouets et du mythe de la cheminée, profondément urbaine.

[…]Apparition de l’expression en français

D’après la Base historique du vocabulaire français, le premier emploi attesté de la locution nominale « père Noël » se trouve dans le numéro de La Revue comique à l’usage des gens sérieux paru le 23 décembre 1848 :

« – Pan ! pan !
– Qui est là ?
– Le vieux père Noël de 1848.
– Farceur !
– Il n’y a pas de farceur ; je suis réellement le père Noël qui vient vous rendre visite. Ouvrez, je meurs de froid.
– Entrez, alors ; mais, à vrai dire, je ne vous attendais guère. Pourquoi n’êtes-vous pas tombé chez moi par la cheminée, selon l’usage ? »

Le Trésor de la langue française informatisé retient comme premier emploi significatif de « père Noël » celui qu’en fait l’écrivaine George Sand dans son Histoire de ma vie, parue en 1855 :

« Ce que je n’ai pas oublié, c’est la croyance absolue que j’avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche, qui, à l’heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j’y trouvais à mon réveil. »

Provence, Italie
Cet usage propre à George Sand cité ci-dessus n’est pas général à la France de cette époque, puisque dans la deuxième partie du xixe siècle, on parle du « bonhomme de Noël », du « bonhomme Noël », ou du « petit Noël ou petit Jésus ». D’autre part, la France est surtout un ensemble de traditions locales très riches et variées : par exemple, la Provence privilégie les santons, la crèche et l’arrivée des Rois Mages chargés de cadeaux ; en Franche-Comté, il s’agit d’une fée montée sur son âne, qui arrive le jour de Noël ou, bien plus tard, le jour de l’Épiphanie — l’arrivée des Rois chargés de présents —, comme en Italie, où la Befana, qui est aussi une sorte de fée ou de mère-fouettarde, vient récompenser ou punir les enfants dans la nuit précédant le jour de l’Épiphanie : elle offre soit des bonbons, soit du charbon, et cette tradition est encore très vive dans la Péninsule, profondément attachée aux figures féminines (comme la Vierge), et où les enfants n’ont leurs cadeaux que ce jour-là et non pas le soir du 24 décembre…

Source: Wikipedia