Le palmarès complet de la 50e édition du Festival d’Angoulême

Fauve d’or prix du meilleur album : La Couleur des choses (Çà et là), de Martin Panchaud.

Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est constamment l’objet de moqueries de la part des jeunes de son quartier, qui le recrutent pour toutes sortes de corvées. Un jour qu’il fait les courses pour une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui révèle quels vont être les gagnants de la prestigieuse course de chevaux du Royal Ascot. Simon mise alors secrètement toutes les économies de son père sur un seul cheval, et gagne plus de 16 millions de livres. Mais quand il revient chez lui, Simon trouve sa mère dans le coma et la police lui annonce que son père a disparu… Étant mineur, Simon ne peut pas encaisser son ticket de pari. Pour ce faire, et pour découvrir ce qui est arrivé à sa mère, il doit absolument retrouver son père. Au terme d’une aventure riche en péripéties et en surprises, Simon, l’éternel perdant, deviendra un gamin très débrouillard.

La Couleur des choses bouscule les habitudes des lecteurs et lectrices de bandes dessinées ; le livre est intégralement dessiné en vue plongeante sans perspective et tous les personnages sont représentés sous forme de cercles de couleur. Le récit oscille entre comédie et polar avec une technique graphique surprenante, mêlant architecture, infographies et pictogrammes à foison, qui font de ce roman très graphique un livre étonnant et captivant.

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Martin Panchaud est né en 1982 à Genève, en Suisse, et vit depuis quelques années à Zurich. Auteur et illustrateur, il a réalisé plusieurs bandes dessinées, des récits graphiques grand format et de nombreuses infographies, dans un style visuel unique. Sa très forte dyslexie a été un frein à sa scolarité et l’a empêché de suivre des études supérieures. Il a néanmoins suivi une formation de bande dessinée à l’EPAC, à Saxon, puis a obtenu un Certificat Fédéral de Capacité de graphiste à Genève. Sa dyslexie lui a fait placer la lecture, ainsi que l’interprétation des formes et de leurs significations, au centre de ses recherches, et l’a incité à choisir un style très particulier pour exprimer sa créativité et raconter des histoires. Grâce à son travail, il a reçu plusieurs récompenses et a effectué de nombreuses résidences artistiques afin de développer ses projets de création. Exposé dans divers établissements culturels en Europe, comme le Barbican Centre de Londres et le Centre culturel Onassis Stegi d’Athènes, il s’est notamment distingué par son impressionnante œuvre intitulée SWANH.NET, une adaptation dessinée de 123 mètres de long de l’épisode IV de Star Wars, mise en ligne en 2016.
La Couleur des choses, son premier roman graphique, a été initialement publié en allemand par Edition Moderne en 2020 et a remporté de nombreux prix en Suisse et en Allemagne.

Fauve spécial du jury : Animan (Editions Exemplaire), d’Anouk Ricard.

Animan est un album de bande dessinée relatant la vie de Francis, alias Animan, en histoires courtes et humoristiques qui se suivent. Le principe est inspiré de la série télévisée Manimal des années 1980, où un homme se transforme en animal pour résoudre des enquêtes.Les histoires ne racontent pas seulement des enquêtes mais aussi la vie d’Animan, sa rencontre et ses combats avec son ennemi juré, Objecto. Le livre est ponctué de peintures, comme dans certains de mes albums précédents.

Fauve jeunesse : La Longue marche des dindes (Rue de Sèvres), de Léonie Bischoff et Kathleen Karr.

Missouri, été 1860. Après avoir quadruplé son CE1 à 15 ans, Simon diplômé d’office par Miss Rogers se voit refuser l’entrée en CE2 et doit gentiment déployer ses ailes. Aussi, le soir même de cette mauvaise nouvelle, lorsqu’il apprend que les dindes sur pattes valent 20 fois plus à Denver que chez lui, il décide d’acquérir 1000 têtes pour les convoyer sur 1000 kilomètres et prouver ainsi qu’il a le sens des affaires. Il recrute pour l’escorter une équipe improbable avec laquelle il va devoir traverser le désert, affronter les rocheuses et négocier avec les Indiens ! Ces derniers accepteront ils de laisser passer cette étrange caravane qui doit atteindre Denver pour y faire fortune ? Le magnifique roman de Kathleen Karr adapté par l’autrice du brillant Anaïs Nin : sur la mer des mensonges, Léonie Bischoff, qui signe son premier titre jeunesse

Fauve spécial du grand jury jeunesse : Toutes les princesses meurent après minuit (Le Lombard), de Quentin Zuttion.

31 août 1997 au matin, dans un pavillon de banlieue, une mère de famille repasse le linge quand la télévision lui apprend la nouvelle : Lady Di est morte cette nuit.
Au même moment dans la salle de bain, Lulu, son fils de 8 ans, se tartine la bouche de rouge à lèvres et s’imagine embrasser son petit voisin.
De son côté, Cam, en pleine adolescence, cache son petit copain dans sa chambre sous le refrain de la musique du moment.
Quant au père, il rentre seulement à la maison, lui n’a pas dormi ici.
De l’éveil du désir aux passions fanées, le portrait amoureux de cette famille s’esquisse à travers cette journée ensoleillée qui va changer leur vie…

Fauve polar : Hound Dog (Denoël Graphic), de Nicolas Pegon.

César et Alexandre sont deux Américains « moyens ». Sans beaucoup de culture ni d’ambition, ils vivotent chacun de leur côté et se retrouvent de temps à autre pour boire une bière. Ils ont leurs obsessions : César observe sa décrépitude physique et Alexandre, vaguement mystique, rêve d’un Dieu incarné en Elvis Presley. Rien ne vient vraiment bousculer leur quotidien, jusqu’au jour où la mort d’un homme, sans qu’ils s’en doutent, va sceller leur destin.

Un matin, César se réveille avec un chien au pied de son lit. Massif, laid et pataud, l’animal lui colle aux basques. C’est le chien d’un mort. Comment s’en débarrasser, puisqu’il n’est plus possible de le rendre à son propriétaire ? César ne souhaite pas le garder, mais il ne peut se résoudre à l’abandonner alors que même la SPA n’en veut pas. Il entreprend donc de retrouver des proches ou des connaissances du mort : n’importe qui, du moment qu’il puisse confier le chien.

Flanqué d’un Alexandre plus curieux que réellement malin, César voit malgré lui sa quête se transformer en véritable enquête policière. Sous prétexte de dénicher une information qui permettrait de se débarrasser du chien, Alexandre multiplie les interrogatoires comme s’il était flic. Mais, à fourrer son nez partout, le duo risque au mieux de tourner en rond, au pire de provoquer les mauvaises surprises.

Hound Dog est la seconde bande dessinée de Nicolas Pegon. Spécialisé dans l’animation, notamment pour Miyu Productions, il a déjà signé Les Os creux, la tête pleine, publié en 2019 par les Éditions Réalistes. Son nouveau livre édité par Denoël Graphic confirme sa maîtrise graphique et narrative. Hound Dog est un polar dont la solidité et la saveur sont fondées sur l’ambiance, les personnages – principaux et secondaires – et la peinture d’une Amérique grisâtre, dure, guère réjouissante.

L’intrigue n’est pas totalement secondaire et réserve même quelques surprises. Mais l’essentiel est ailleurs. César est désabusé et malgré tout déterminé à trouver une place au chien qui lui est tombé du ciel. Alexandre fanfaronne, mais est moins fiable qu’il ne le paraît. Leur vie est terne, comme la ville qu’ils sillonnent, et cache des fragilités et des frustrations mal digérées. L’atmosphère est poisseuse, presque glauque. L’ensemble rappelle un peu les romans de Jim Thompson ou de Dennis Lehane.

Fauve de la bande dessinée alternative : Forn de Calç (Extincio Edicions).

Avec le projet Forn de Calç , nous avons voulu explorer l’univers créatif local riche et diversifié et revendiquer les innombrables possibilités expressives de la narration graphique. Donner l’opportunité à des auteurs nouveaux et confirmés, issus de la bande dessinée ou d’autres disciplines graphiques, d’expérimenter librement le langage de l’art séquentiel. Et, surtout, de construire un espace par le bas, du militantisme à la bande dessinée indépendante.

Nous croyons que l’ensemble des nouvelles qui composent ce Forn de Calç 2 (nous en avons de toutes les couleurs : avant-gardistes, classiques, subtiles, démentes, absurdes, critiques…) élargissent et consolident les objectifs que nous nous fixons avec le premier tome.

J’espère que quiconque se procurera le magazine trouvera un style, un dessin, un trait ou un argument qui l’invitera à poursuivre ses recherches dans ce domaine avec autant d’histoire que la bande dessinée en catalan.

Eco-fauve : Sous le soleil (Actes Sud/L’An 2), d’Ana Penyas, traduction de Benoît Mitaine.

Sous le soleil dépeint les effets de la politique touristique espagnole entre 1969 et 2019 dans les alentours de Valencia, sur la Costa Blanca.
A travers l’histoire d’une famille sur trois générations, de l’ère franquiste jusqu’au triomphe du néolibéralisme, on y voit la disparition des activités traditionnelles telles que la pêche et l’agriculture, et les conséquences dévastatrices de la bétonisation des côtes, de la spéculation immobilière et du développement du tourisme de masse.
Avec ce drame humain, Ana Penyas s’impose comme une autrice de premier plan, portant un regard acéré sur notre monde.
Original et très élaboré, le traitement graphique mêle plusieurs styles et techniques.

Fauve patrimoine : Fleurs de Pierre (Revival), d’Hisashi Sakaguchi.

Yougoslavie, 1941. Les jours coulent paisiblement, loin des tensions politiques de Belgrade, jusqu’à ce que les troupes nazies envahissent et pillent le pays. Le jeune Krilo voit son village brulé et ses habitants massacrés. Son amie, Fi, est déportée. Il fuit dans la montagne et retrouve d’autres rescapés, qui tentent d’organiser la résistance. À travers le destin de ces enfants, de leurs amis et de leurs ennemis, Sakaguchi raconte un pan de notre histoire où deux visions du monde s’opposent et broient les individus.
Fidèles à leur politique de redécouverte d’œuvres majeures du patrimoine de la bande dessinée mondiale, les éditions Revival ont décidé de reprendre l’aventure éditoriale de Fleurs de pierre en publiant l’intégrale des aventures de Krilo en 5 tomes entre octobre 2022 et juin 2025.

Hisashi Sakaguchi est né le 5 mai 1946 à Tokyo et décède le 22 décembre 1995. Il travaille d’abord comme intervalliste pour les studios d’animation d’Osamu Tezuka. Il devient rapidement un animateur clé sur les versions animées d’Astroboy et du Roi Léo, puis le responsable du storyboard pour huit épisodes de Princesse Saphir. Il débute sa carrière manga en 1969 en publiant des histoires courtes expérimentales dans COM, un magazine fondé et dirigé par Tezuka lui-même. Puis viennent Version, un manga de science-fiction où se mêlent écologie et technologie, Ishi no Hana [Fleurs de pierre], Akanbee Ikkyu [Ikkyu].

Fauve prix du public : Naphtaline (Çà et là), de Sole Otero.

Yougoslavie, 1941. Les jours coulent paisiblement, loin des tensions politiques de Belgrade, jusqu’à ce que les troupes nazies envahissent et pillent le pays. Le jeune Krilo voit son village brulé et ses habitants massacrés. Son amie, Fi, est déportée. Il fuit dans la montagne et retrouve d’autres rescapés, qui tentent d’organiser la résistance. À travers le destin de ces enfants, de leurs amis et de leurs ennemis, Sakaguchi raconte un pan de notre histoire où deux visions du monde s’opposent et broient les individus.
Fleurs de Pierre (Ishi no Hana) est le premier récit long de Sakaguchi. Cette impressionnante fresque historique qui prend place dans la Yougoslavie des années 1940, au moment où les nazis envahissent le pays et assoient leur domination, en jouant des dissensions entre les multiples peuples qui composent le pays : Slovènes, Croates, Serbes, Monténégrins et Macédoniens.
Au Japon, l’œuvre est de nombreuses fois rééditée. La dernière édition bénéficie d’une renumérisation complète des planches. En France, trois volumes (de 186 pages, contre environ 300 dans l’édition japonaise) de Fleurs de pierre paraissent chez Vents d’Ouest en 1997, puis la série est abandonnée.

Fauve des lycéens : Khat (Editions La Joie de lire), de Ximo Abadia.

L’Érythrée est un des pays les plus pauvres mais aussi une dictature et une tombe pour ses habitants.
Le narrateur et son père arrivent à s’échapper pour l’Éthiopie. Ils se retrouvent dans un squat en banlieue à tenter de survivre au jour le jour.
Les tentatives pour trouver de quoi manger l’amènent plusieurs fois en prison où la maltraitance est quotidienne. C’est la fuite vers le Soudan puis le Tchad, l’Égypte et la Libye…
Des pays gangrénés par la misère. Des hommes transformés en animaux. Et quelques lueurs d’humanité.
Nous voyons ce périple incroyable à hauteur d’homme, de l’enfant à l’adulte. Le destin des femmes est aussi évoqué par le biais des viols multiples et des décès. Et effectivement, très peu de femmes arrivent jusqu’en Europe.
Le voyage, c’est la coupure avec sa famille, la faim, la peur, la soif, la torture, les maladies et souvent la mort.
Ce choix n’est donc pas celui du confort mais bien celui de l’impossibilité de rester dans son pays d’origine. Natan est un rescapé. Cette bande dessinée est le récit de son périple.
Les illustrations sont émouvantes. Elles semblent être réalisées au crayon gras comme autant de traces de cette vie de peine. Les teintes sont principalement de la couleur jaune, orange et noire.
Il y a peu de texte, la plupart du temps les images se suffisent à elles-mêmes pour raconter cet enfer permanent. Un témoignage glaçant à partager.

Fauve révélation : Une rainette en automne (et plus encore…) (Les Editions de la Cerise), de Linnea Sterte.

Une rainette (éclose au printemps dernier) fait la rencontre de deux crapauds vagabonds qui ont capturé le fantôme d’une fleur de Shungiku tout juste fanée. L’esprit aspire à rejoindre les tropiques, tout comme les deux crapauds. La rainette décide alors de les accompagner dans leur périple vers le sud. Il s’agit, le temps d’une saison, de suivre la vie d’une petite grenouille qui expérimente tout pour la première fois. En chemin, la rainette rencontre des souris, des chats, des chiens, des arbres, des kakis, et autres êtres vivants fascinants. Ce récit initiatique se présente sous la forme d’un road-trip méditatif parsemé de réflexions sur la vie.

Traduit de l’anglais par Astrid Boitel.

Fauve série : Les Liens du sang, t. 11 (Ki-oon), de Shuzo Oshimi.

Quelle est la frontière entre l’amour fou et la folie ? Si la vie quotidienne de Seiichi peut paraître banale, le jeune garçon est en réalité prisonnier de l’affection démesurée que lui voue sa mère et qui l’emprisonne à la manière d’un insecte pris dans la toile d’une araignée… Une ambiance étouffante au service d’une intrigue subtile qui montre que l’amour peut être parfois toxique.
SHUZO OSHIMI
Né en 1981 et mangaka professionnel depuis ses 20 ans, Shuzo Oshimi a déjà plus de sept séries à son actif. Connu pour son talent à retranscrire les émotions de ses personnages, il manie avec habileté les thèmes de la différence, des complexes et de la violence psychologique.
Les Fleurs du mal