« Le fruit le plus rare ou la vie d’Edmond Albius », par Gaëlle Bélem

Le roman des origines de l’île de La Réunion

Collection Continents Noirs, Gallimard
Parution : 24-08-2023
Au XIXe siècle naît à l’île de La Réunion un garçon créole : Edmond. Ses parents aimeraient que leur fils grandisse aux abords des champs de canne à sucre, des rires plein le cœur, l’esprit entièrement libre. Le malheur en décide autrement. D’abord, il fait d’Edmond un esclave. Dans la foulée, un orphelin. Après, un garçonnet analphabète.
La vie s’annonce infernale, mais l’enfant a un talent sans pareil : celui de déjouer les pronostics. Recueilli et élevé par un botaniste amoureux d’orchidées, Edmond est un prodige dès qu’il met les pieds dans un jardin.
1841. Âgé de douze ans, vif et rusé comme quatre, Edmond fait l’une des plus extraordinaires découvertes du monde : un nouveau fruit, un nouvel arôme, le plus savoureux, le plus connu, le plus aimé qui soit au XXIe siècle encore !
Le fruit le plus rare raconte les aventures rocambolesques d’Edmond, maillon d’une chaîne qui unit le Mexique, l’Espagne, la France et La Réunion, autour d’un petit fruit pas comme les autres. Et voici donc une histoire vraie, amère, délicieuse et envoûtante.
256 pages, 140 x 205 mm
Achevé d’imprimer : 01-06-2023
Genre : Romans et récits Catégorie > Sous-catégorie : Littérature française > Romans et récits
Époque : XXIe siècle

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La presse en parle :
Mare Nostrum par Marion Bauer
Parfums, souvenirs et destinée
Au cœur de l’île de La Réunion, dans un univers où le temps s’étire aussi lentement que les vignes de vanille, Gaëlle Bélem nous invite à un voyage. Là où les parfums de rose blanche et de frangipanier se mêlent à des souvenirs lointains, une histoire extraordinaire se dévoile. À la croisée des époques, entre les champs de canne, les Noirs de pioche, la fleur de coton et les vallées de larmes, se dresse le personnage au centre du roman : Edmond Albius.

Ce parfum de rose blanche, cette odeur de frangipanier, ce couplet qui lui donne le cafard, il les connaît sans les connaître, il les a déjà sentis, il l’a naguère entendu. Alors il est sûr que lorsqu’il n’était qu’une graine sous un nombril, sa mère a respiré cette fleur, composé ce bouquet, chanté cet air mélancolique qui le relie à elle, à ses ancêtres, à toutes les époques du monde où il y a des champs de canne, des Noirs de pioche, de la fleur de coton et des vallées de larmes.

Edmond, jeune esclave, est un être exceptionnel. Il est celui qui a découvert, en 1841, le secret de la pollinisation de la vanille, un acte en apparence modeste, mais qui marquera à jamais le destin de cette île et de ses habitants. Son histoire, empreinte de courage et de persévérance, incarne une dimension humaniste profonde, celle de l’individu confronté à la dure réalité de l’esclavage.
Le roman de Gaëlle Bélem suit le rythme de l’île, nous plongeant dans sa torpeur, mais également dans la richesse de son histoire et de sa culture. Edmond devient le symbole de la résilience et de la lutte contre l’oppression. Sa quête de liberté et de connaissance transcende les époques et nous rappelle l’importance de préserver la mémoire collective.
À travers des citations évocatrices, l’auteure nous transporte dans un univers où les parfums et les souvenirs se mêlent à une destinée hors du commun. Edmond Albius, ce modeste pollinisateur de vanilles, devient le catalyseur d’un changement profond, un exemple de courage et de persévérance qui résonne au-delà des pages de ce roman.
Ainsi, Bélem nous rappelle que, dans la lenteur du temps insulaire, se cachent des histoires extraordinaires qui méritent d’être racontées et honorées.

Devant la foule estomaquée, c’est le même Edmond, la même muette orchidée, la même fleur. Peut-être une infime trace de quelque chose qui ressemble à du pollen sur un machin minuscule qui fait penser à une épine. Les esclaves les plus près l’ont vu décapuchonner un je-ne-sais-quoi pour y déposer un on-n’a-pas-vu-vraiment. Comme pour les citrouilles. Mais Edmond est si sûr de lui qu’on le croit. Comme pour les citrouilles.

Ferréol : entre paternité et repentir
Là où le roman prend une tournure davantage intéressante d’un point de vue psychologique, c’est lorsque l’écrivaine met en lumière un deuxième protagoniste faisant office d’anti-héros romanesque. Abandonné dès la naissance, Edmond est en effet recueilli par l’un des colons de l’île, le botaniste Ferréol, qui deviendra son père adoptif et son mentor. Mais des sentiments contradictoires viennent accaparer ce paternel qui se retrouve pris au piège. Car reconnaître l’amour filial qu’il porte à Edmond qu’il a élevé comme le fruit de ses entrailles, c’est se repentir de son statut d’esclavagiste et prendre conscience de l’abomination d’un tel système. Comprendre Edmond, c’est par conséquent comprendre Ferréol, car le portrait de l’un fait écho au portrait de l’autre dans un effet miroir. Ferréol est peut-être en ce sens encore plus complexe et intéressant qu’Edmond littérairement parlant car il est fait d’aspérités et de fêlures. Il est l’archétype de l’être humain empreint de noirceur mais cachant en son sein un fruit mystérieux – il est la gousse de vanille de cette histoire, dans l’attente de la fécondation de son âme. Et c’est tout le suspense de l’histoire, Ferréol parviendra-t-il à réaliser la profondeur de sa nature humaine et son rôle à jouer dans le cheminement de son fils adoptif ? Saisira-t-il la puissance du lien qui les unit ? Lire la Suite=>
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Qui était Edmond Albius?

Edmond Albius, est un Réunionnais né à Sainte-Suzanne originaire du Mozambique en 1829 et mort dans la même commune le 9 août 1880. Il est célèbre pour avoir découvert le procédé pratique de pollinisation de la vanille alors qu’il n’avait que 12 ans, et était alors esclave.

Biographie
Esclave et orphelin de naissance, il est recueilli par Féréol Bellier Beaumont qui devient son propriétaire. C’est lui qui l’initie à l’horticulture et à la botanique.

S’il n’est pas à l’origine de la première fécondation artificielle de la vanille (effectuée indépendamment par Charles Morren en 1836, par un autre procédé), c’est lui qui, en 1841 et alors qu’il n’a que douze ans, en découvre le procédé pratique de pollinisation, un procédé qui révolutionne la culture de cette épice et permet à La Réunion de devenir pour un temps le premier producteur mondial et le berceau de la diffusion d’un nouveau savoir-faire.

En effet, sept ans après la découverte d’Albius, l’île exporte ses premières vanilles, une petite dizaine de kilos. Après l’adoption du procédé Loupy – de Floris, les expéditions vont s’envoler. Elles passent de 267 kilos en 1853 à plus de 3 tonnes en 1858. À la fin du xixe siècle, elles rapportent autant que le sucre. En 1892, près de 4 200 hectares sont plantées en vanille. Les expéditions atteignent 200 tonnes en 1898 et la vanille de l’île rafle les Grands Prix des expositions universelles de 1867 et de 1900.

Parce qu’elle est celle d’un enfant, noir et esclave de surcroît, la paternité de la découverte est toutefois rapidement contestée par les envieux. À l’origine du développement de l’actuel Jardin de l’État de Saint-Denis, le botaniste Jean-Michel-Claude Richard prétend ainsi avoir enseigné la technique de fécondation à l’esclave trois ou quatre ans plus tôt. Le jeune Edmond est alors vigoureusement défendu par Ferréol Bellier Beaumont, le naturaliste Eugène Volcy Focard et un certain Mézières de Lépervanche.

Malgré ce soutien, la controverse persiste, même après la mort des différents protagonistes. Au début du xxe siècle, un titre de presse va jusqu’à affirmer à tort qu’Edmond Albius était blanc. Devenu homme libre avec l’abolition de l’esclavage en 1848, il ne tira aucun bénéfice d’une invention qui fit la fortune des planteurs. Il est mort dans la misère en 1880.

L’écrivain Michaël Ferrier consacre le dernier chapitre de son livre Sympathie pour le Fantôme à Edmond Albius : « Voici donc l’histoire d’un esclave, un esclave noir sur la terre de France. Il va modifier l’histoire de son pays et celle du monde entier d’un seul mouvement de ses mains. » (Sympathie pour le Fantôme, Gallimard, 2010).

En 2018, l’écrivain dessinateur Mickaël Joron réalise le premier court-métrage d’animation, sur l’histoire d’Edmond Albius