La PMA, six ans de reports et de couardise

— Par Mathieu Magnaudeix —
Depuis six ans, François Hollande puis Emmanuel Macron ont repoussé à de nombreuses reprises l’accès à la procréation médicale assistée pour les femmes. La preuve de leur couardise, bien plus que de celle de la société française.

C’était il y six ans, un jour d’hiver à l’Assemblée nationale, juste avant Noël. Les députés du groupe majoritaire s’étaient écharpés dans une salle du Palais-Bourbon. Il y avait eu des protestations, des échanges passionnés. Mais à la fin, un vote avait été organisé : ce 19 décembre 2012, six mois après l’élection de François Hollande à l’Élysée, les élus socialistes, qui disposaient d’une confortable majorité absolue, avaient décidé d’inclure la procréation médicale assistée (PMA) pour les couples de femmes dans la loi à venir autorisant le mariage des couples de même sexe.

Quelques jours plus tard, l’Élysée tuait discrètement l’initiative. Une future loi « famille » était annoncée incluant la PMA pour les lesbiennes. « L’extension de la PMA sera votée en 2013, je m’y engage », tweetait l’alors président du groupe socialiste, Bruno Le Roux.

Tandis que la Manif pour tous battait le pavé, le très courageux François Hollande, lui-même guère convaincu et entouré de conseillers hostiles, sous-traita la décision au Comité consultatif national d’éthique (CCNE), chargé de préparer les lois de bioéthique.

Amandine Giraud et sa femme Laurene Corral ont eu leurs enfants par PMA. © Reuters
Sans commande précise, de toute évidence dépassé, le Comité d’éthique s’efforça de ne rien faire du tout. Régulièrement, Mediapart rappelait l’ancien président du CCNE, Jean-Claude Ameisen, pour savoir où en était le débat sur la PMA. À chaque fois, la réponse était la même : nulle part, réponse dans quelques mois. Rien ne venait. À la date annoncée, l’échéance était à nouveau repoussée. La farce allait durer des années.

En février 2014, le nouveau premier ministre Manuel Valls, venu remplacer le pâle Jean-Marc Ayrault, mit un point d’honneur à enterrer définitivement la PMA. Il le fit en direct du Vatican. L’affaire semblait assez grave pour que le héraut autoproclamé d’une laïcité de combat tienne à rappeler que la France restait aussi la fille aînée de l’Église. Surtout lorsqu’il s’agit d’empêcher les femmes de contrôler pleinement leur corps.

Six ans plus tard, le contexte a changé. La PMA était, noir sur blanc, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Après s’être enfin mis au travail, un Comité d’éthique renouvelé s’est dit favorable à deux reprises à son extension, la dernière fois il y a quelques semaines. Le Conseil d’État, qui a longtemps justifié les discriminations d’accès entre couples hétérosexuels et homosexuels, ne s’y oppose plus. Les bataillons d’opposants restent très actifs, mais le vote en 2013 de la loi sur le mariage des couples de même sexe leur a en partie coupé les ailes. Les députés partisans de la PMA dans la majorité s’organisent, aiguillonnés à juste titre par les élus de La France insoumise au Palais-Bourbon. Surtout, les sondages, avidement consultés par les conseillers du pouvoir, montrent que l’opinion y semble désormais majoritairement favorable.

Et pourtant, cette mesure n’est toujours pas votée…

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