La Martinique, par le petit bout de la lorgnette

— par Janine Bailly —

Un drôle de 5 mai 2020 à la Martinique, et… des histoires d’eaux !

« En mai, fais ce qu’il te plaît », prétendait l’adage populaire, qui ne semble hélas ! plus avoir désormais raison d’être, le métaphorique « En avril, ne te découvre pas d’un fil » me paraissant davantage à l’ordre du jour ! 

Des craintes diverses liées à l’épidémie

Les craintes, justifiées ou non, se font jour à la Martinique, crainte d’un déconfinement qui ne serait pas vraiment préparé, crainte de voir se rouvrir prématurément les écoles, crainte de manquer du nécessaire — alors même que des annonces sont entendues dans certains supermarchés, qui rassurent sur leurs capacités d’approvisionnement — crainte de manquer de gaz pour la cuisine, crainte de ne pas trouver de masques en suffisance… Ce dernier sujet révélant nos inégalités car, si dans les files longues qui patientent aux portes des grandes surfaces chacun ou presque s’avance masqué, il est des enseignes plus populaires devant lesquelles les porteurs de masques se font rares, si ce n’est inexistants. Crainte que les prix ne « flambent », crainte que les voyageurs arrivant ne respectent pas la quarantaine… Et comme dans le reste du monde, des rumeurs fondées ou non courent sur de supposées rétentions par certains de cet accessoire : le masque vivement recommandé ou bientôt obligatoire ; des accusations fleurissent sur des « profiteurs de guerre » qui s’enrichiraient aux dépens des autres… tandis que couturières et petites mains bénévoles s’affairent courageusement à la fabrication de protections de tissu, à l’efficacité plus ou moins certaine, et que les acheteuses se sont déplacées, comme une file d’industrieuses fourmis, vers les magasins de textiles ! 

Grave problème de sécheresse

Crainte bien réelle enfin, crainte que perdure un tragique manque d’eau, apanage d’un Carême bien trop sec. Des coupures incessantes pénalisent certains quartiers, dans de nombreuses villes de l’île, et ce parfois pendant huit à dix jours d’affilée ! Et l’eau, quand enfin elle arrive à certains immeubles, n’a pas la force de monter jusque dans les étages !

Lu, sur le site « Martinique la 1ère », le 3 mai :

« Les Martiniquais font face depuis plusieurs mois à des coupures d’eau qui s’accentuent. À bout de nerfs, les usagers devront encore s’organiser dans les semaines à venir. À la veille du déconfinement prévu pour le 11 mai, les coupures d’eau annoncées par la SME et Odyssi laissent présager le pire.

La Société Martiniquaise des Eaux informe tous ses usagers qu’en raison du très faible débit des cours d’eau, les ressources en eau potable restent inférieures à la demande actuelle.

Cette pénurie est à l’origine de nombreux manques d’eau observés depuis plusieurs jours sur diverses communes.

De nombreuses communes sont impactées actuellement car malgré les tours d’eau réalisés pour tenter de répartir la ressource, celle-ci reste faible et la pression nécessaire pour l’acheminer jusqu’aux réservoirs demeure insuffisante. »

Odyssi de son côté annonce une continuité dans les coupures d’eau et informe ses abonnés du Lamentin, de Saint-Joseph, de Schoelcher et de Fort-de-France, qu’en raison de difficultés d’approvisionnement de ses réservoirs dues aux conditions exceptionnelles de sécheresse, la distribution en eau sera interrompue dans les quartiers suivants (…)

« Nous ne pouvons pour le moment vous préciser de délai de retour à la normale mais tout est mis en oeuvre pour que ce soit dans les meilleurs délais », précise Odyssi. »

Si je puis me permettre, le climat ne serait pas seul en cause dans la pénurie avérée : il reste bien, sur le réseau d’acheminement de l’eau et sur son entretien, des problèmes qui n’ont pas été résolus à temps. De plus, il s’agit là d’une situation récurrente sur l’île de la Martinique : rappelons, avec Jean-Noël Degrace, chef du Centre Météo au Lamentin,  les sécheresses de 2003 et 2010. Des travaux sont néanmoins entrepris.

Pour lire dans son entier l’article paru ce 5 mai 2020 :

https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/le-reservoir-de-seguineau-829488.html

« Actuellement, La CTM s’emploie à réduire la pénurie d’eau potable dans une partie de la Martinique en renforçant le réseau d’adduction d’eau dans la commune du Lorrain. Les travaux de renforcement du réseau d’adduction d’eau provisoire de l’unité de production d’eau potable de la Capot au lieu-dit Séguineau au Lorrain, se sont achevés lundi 4 mai 2020, par les raccordements au réseau existant et la pose de nouvelles vannes. »

Vivre le confinement ? Des plages obstinément fermées ! 

D’aucuns, protestant contre l’impossibilité d’accéder aux plages, manifestent des soucis qui peuvent paraître plus légers, et qui pourtant tendraient à prouver à quel point, dans un pays de grand soleil et d’eaux bleues, il semble injuste d’être  privé de bains de mer.

Lu, sur le site « Martinique la 1ère » :

« Selon la déclaration du Premier ministre sur le déconfinement, les plages resteront fermées partout en France au moins jusqu’au 2 juin 2020. Cette décision passe mal. En Martinique, plusieurs pétitions ont été lancées en ligne depuis quelques jours et comptent des milliers de signatures.

Ciel bleu, soleil imperturbable et températures de carême qui dépasse les 30°, autant d’arguments qui rendent la plage encore plus attirante que d’habitude.

Cependant il est toujours interdit de se baigner et de faire du sport sur le littoral de l’île et ce sera toujours le cas au-delà du 11 mai 2020. En effet, le Premier ministre a exclu les plages des lieux de déconfinement.

« Rouvrir les plages de la Martinique pour la pratique d’une activité sportive » ou encore « Pour un accès à la mer en Martinique », plusieurs Martiniquais ont lancé des pétitions en ligne adressées à Stanislas Cazelle, le préfet de Martinique. »

En quelques jours, l’une compte plus de 2 000 signatures et l’autre plus de 3000. Les signataires n’hésitent pas à afficher leur indignation et leur incompréhension. »

L’espoir au bout d’un chemin escarpé…
Avec le poète Paul Valéry 

Patience, patience,
Patience dans l’azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr !

Jusqu’à ce jour, l’épidémie a progressé certes, mais à petit pas en comparaison de ce qui se passe là-bas, de l’autre côté de l’Océan. Pour que cela dure, il nous faudrait respecter le confinement, si difficile soit-il, si lourd  pour les familles nombreuses à l’étroit dans de petits appartements, si « surréaliste » pour certains d’entre nous, et si dangereux pour trop de femmes ou d’enfants confrontés, dans leur réclusion obligée, à la violence masculine ! Cessons de faire renaître, comme ce fut le cas ces derniers temps, les trains de voitures sur les routes du pays, car il me semble bien que ceux qui se déplacent ne le font pas tous pour se rendre au travail, ni pour toute autre raison d’urgence, et que pour cela nous avons eu droit au couvre-feu, ou à la rocade fermée les nuits du week-end du premier mai !

(Les citations sont tirées du site « Martinique 1ère », sur plusieurs dates)

P.S. COUPURES D’EAU : Information de dernière minute, ce mardi soir 5 mai 2020 :

« 160 abonnés pour le moment ont saisi pas moins de 7 avocats pour représenter leurs intérêts contre la société Odyssi. Pour le droit à l’eau, le respect de dingité de la personne humaine, ces avocats assignent en référé d’heure à heure Odyssi pour rétablir l’eau au robinet des usagers du Lamentin. » 

FORT-DE-FRANCE, LE 5 Mai 2020