— Par Sabrina Solar —
Malgré des interdictions parfois en vigueur depuis plus de vingt ans au sein de l’Union européenne, certains insecticides et herbicides continuent de circuler illégalement en France, avec des conséquences sanitaires préoccupantes, en particulier dans les territoires d’Outre-mer. C’est ce que révèle une analyse récente de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui a recensé 599 cas d’intoxications ou d’expositions à des produits phytopharmaceutiques prohibés entre 2017 et 2022.
Parmi les substances en cause, 64 principes actifs non approuvés ont été identifiés dans 150 produits. Si la majorité des cas (environ 75 %) relèvent d’expositions accidentelles, une proportion significative (25 %) correspond à des tentatives de suicide, dont certaines aux conséquences dramatiques. Les régions ultramarines — Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon — figurent parmi les plus touchées, aux côtés de l’Île-de-France, des Hauts-de-France et de la Normandie.
Les produits incriminés sont majoritairement des insecticides (60 %), suivis des herbicides (19 %) et des taupicides (5 %). Nombre d’entre eux ont été soit conservés en stock après leur interdiction, soit introduits illégalement depuis des pays où leur usage demeure autorisé. Le cas du *Sniper 1000*, insecticide à base de dichlorvos utilisé en Afrique contre les nuisibles, illustre bien ce phénomène : il représente à lui seul près de 80 % des intoxications liées à cette substance, souvent acheté sur des marchés informels ou via Internet.
En Guyane, les habitants peuvent encore se procurer du paraquat au Suriname voisin, où cet herbicide interdit depuis 2007 en Europe est en vente libre. Bien que les expositions aient fortement diminué ces dernières années, la situation reste préoccupante. L’aldicarbe, autre substance interdite depuis plus de seize ans, continue également de faire l’objet de signalements, notamment dans les Hauts-de-France, où d’anciens stocks subsistent, héritage de son usage intensif dans la culture de la pomme de terre et de la betterave.
Face à ces risques, la législation a été renforcée, notamment avec la loi Labbé de 2019, qui interdit aux particuliers l’usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés, sauf ceux à faible risque ou certifiés pour l’agriculture biologique (mention EAJ). Malgré cela, la persistance d’achats illégaux et d’utilisations détournées appelle à une vigilance accrue des autorités et à une meilleure sensibilisation des populations, en particulier dans les zones les plus exposées.