Il y a 167 ans, l’arrivée des premiers Indiens en Martinique

 « L’indianité est vécue, à juste titre, comme une composante irremplaçable de la créolité. »

Une commémoration essentielle

Chaque année le 6 mai, l’association « Gopio Martinique », en partenariat avec la Ville de Saint-Pierre, commémore l’arrivée des premiers Indiens en Martinique. Une commémoration qui, compte tenu de la situation sanitaire, ne pourra se tenir physiquement cette année.

C’est le 6 mai 1853 que le premier bateau, l’Aurélie, a accosté à Saint-Pierre avec 313 passagers indiens à son bord. Au total, ce seront par la suite 55 convois qui achemineront en Martinique 25 509 Indiens en une trentaine d’années (…)

« Gopio Martinique », en partenariat avec les autres associations d’Indiens de la Martinique, s’efforce, à travers différentes manifestations, de rappeler l’importance de la présence des Indiens dans la communauté culturelle de la Martinique.

Rappelons, pour mémoire, que, dans le cadre de la commémoration des « 350 ans de Fort Royal », la Ville de Fort-de-France a consacré une importante manifestation à l’immigration indienne, notamment au quartier « Au-Béro » aux Terres-Sainville où étaient installés les Indiens vivant à Fort-de-France (…)

Saint-Pierre puis Fort-de-France

La mise en place de l’immigration indienne demande toute une organisation régie par des décrets successifs concernant la formulation des demandes de planteurs, les droits et les devoirs des « engagistes » et des immigrés (…)

Les Indiens débarquent à Saint-Pierre en 1853, puis à Fort-de-France à partir du 26 mars 1857. À l’arrivée, ils passent une visite médicale dans une infirmerie située dans un dépôt à Fort-de-France puis ils remplissent un contrat de travail de 5 ans, et un permis de résidence qui doit être présenté à toute réquisition ; ceci en présence d’un interprète. Ensuite ils sont répartis sur les habitations en fonction de la demande des propriétaires, plus souvent par groupes selon les affinités ou des liens parentaux. N’oublions pas que certains sont nés sur les bateaux.

Le nombre d’immigrants dans les plantations dépendait de leur taille, allant de 10 à 25 par plantation. Nombreuses étaient les habitations demandeuses : à Basse-Pointe, Macouba, Lorrain, Prêcheur, Sainte-Marie, Trinité, Robert, Lamentin, Trois-Ilets, Vauclin, Ducos et Fort-de-France (habitation Rivière Monsieur). Dans les premières années, les propriétaires se disaient satisfaits de cet apport de main-d’œuvre.

Le créole fut l’unique langue de fonctionnement sur l’habitation, pendant deux siècles et demi, et cela même dans la couche sociale des Blancs. Au début, le démarrage est difficile par manque d’argent et de respect des immigrés ; la crise financière fait baisser les salaires des ouvriers, voire les annule.

Les « engagés » sont logés dans des cases indépendantes, souvent celles des ex-esclaves. Des exceptions toutefois : de véritables villages se créent, comme c’est le cas à l’habitation Saint-James à Saint-Pierre. Les « engagés » doivent travailler 26 jours mais toute journée non travaillée est fortement pénalisée : 2 jours pour une absence. La durée du travail journalier est à la discrétion du planteur qui ne se prive pas de faire travailler « ses engagés »  de l’aube au coucher du soleil. Un habillement complet leur est fourni, tous les 2 ans seulement. Une infirmerie est prévue dans les habitations de plus de vingt immigrés. Certains peuvent bénéficier s’ils le veulent d’un lopin de terre, qu’ils peuvent cultiver en fin de semaine.

Différents rapports les disent « sales » et le nombre de morts est important : plus de 15 000 pendant la période d’immigration. Le nombre de naissances est peu important du fait du faible nombre de femmes. Tout n’est pas rose si l’on en croit quelques rapports, et on accuse les inspecteurs d’avoir partie liée avec les « engagistes » (…)

Citoyenneté française en 1922

Ce n’est qu’en 1922 que les Indiens obtinrent le titre de citoyen français grâce à une lutte menée par deux hommes d’origine indienne : Henri Sidambarom en Guadeloupe et Eugène Govindin en Martinique. Ils purent enfin construire leur propre maison.

On peut penser que la plupart des « réengagés » l’ont été dans la région du Nord où se trouvaient d’importantes habitations. La mort de nombreux Indiens lors de l’éruption de la montagne Pelée expliquerait la concentration d’Indiens dans les communes de Macouba, Lorrain et Basse-Pointe.

Quel fut l’impact sur l’économie ?

On ne peut nier que les immigrants ont apporté un complément de bras pour l’agriculture, et cela fut bénéfique pour les colons propriétaires d’habitations.

Les Indiens n’ont pas mérité le mépris dont on les a souvent – et encore maintenant – entourés. Peu à peu, se mêlant à la population, ils ont contribué à faire de la Martinique ce creuset dont parle Lafcadio Hearn à la fin du XIXe siècle.

Le capital indien a enrichi notre patrimoine martiniquais dans de nombreux domaines. Il ne faut pas oublier que les Indiens sont venus avec leurs plantes, leurs épices, leurs instruments de musique, leurs magnifiques bijoux et somptueux vêtements. Et l’Indien, de la marginalisation à l’intégration, est devenu créole…

La mémoire vivante a fonctionné mais a été fragilisée par la brutalité des conditions de travail et d’existence sur les grandes habitations cannières, à cause de l’intolérance chrétienne et du mépris des mulâtres et des nègres.

C’est donc par miracle que cette culture a pu parvenir jusqu’à nous, plus d’un siècle après la fin de l’immigration, enrichissant notre vécu de la créolisation d’un apport inestimable.

Pour lire cet assez long article, fort bien documenté et fort complet, mais dont je n’ai retranscrit ici que quelques extraits, rendez-vous sur le site de France-Antilles du 6 mai 2020 : 

https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/societe/il-y-a-167-ans-l-arrivee-des-premiers-indiens-en-martinique-554014.php

Histoire chronologique des Indiens en Martinique, par l’Association Gopio

« Global Organisation of People of Indian Origin », association apolitique, sans but lucratif, et non gouvernementale, destinée à faire connaître l’indianité dans le monde.

« Les Indiens constituent la dernière minorité introduite dans la société martiniquaise ; travailleurs sous contrat, ils ont joué un rôle déterminant dans l’essor de l’économie sucrière de la colonie.

27  avril 1848 : publication du décret d’abolition  de l’esclavage

6 mai 1853 : arrivée de  l’Aurélie en provenance de Karikal  dans la rade de Saint-Pierre, avec    313 travailleurs, pour l’essentiel issus de la  présidence de Madras

27 février 1854 : arrivée du convoi  « Le Louis-Napoléon » en provenance de Karikal avec 500 passagers

1855 : création à Pondichéry de la maison d’immigration, chargée du recrutement des travailleurs indiens

1 juillet 1861 : signature de la convention franco-anglaise autorisant le gouvernement français à recruter dans l’Inde anglaise

1877 : naissance d’Eugène Govindin, sur une habitation au Macouba. Comptable sur l’habitation Aymar. Conseiller municipal, à Basse-Pointe, il satisfait aux doléances des Indiens ; homme de gauche militant aux côtés du député socialiste  Lagrosière,  il défendit aussi leurs droits civiques

17 décembre 1884 : arrêt de l’immigration indienne par le Conseil Général

Janvier 1885 : le Conseil Général  entérine l’arrêt de l’immigration  indienne

1888 : arrêt définitif de l’immigration indienne à destination des Antilles françaises par le gouvernement anglo-indien

8 mai 1902 : éruption de la Montagne Pelée ; 30 000 morts dans la capitale et sa région.   Plusieurs centaines d’Indiens périssent. Saint-Pierre la capitale est détruite. Fort-de-France sera la nouvelle capitale, elle le reste jusqu’à ce jour.

1923 : acquisition définie de la nationalité française

1946 : les colonies françaises deviennent des départements français

1948 :L’affaire des « 16 de Basse-Pointe » : accusés injustement d’avoir participé à l’assassinat d’un planteur, les Indiens sont finalement acquittés par le tribunal de Bordeaux. Décès d’Eugène Govindin

1939-1945 : les Indiens entrent dans la Résistance aux côtés des Antillo-Guyanais et rallient le générale de Gaulle. Les Indiennes feront preuve de détermination, avec les femmes antillaises

1973 : création de l’association Martinique-Inde par Michel Ponama

1973 : Gilbert Francis Ponaman, professeur des écoles, initie le concept d’indianité

1973 : il lance le journal « Le Soleil Indien », l’organe d’expression du renouveau culturel Indo-créole.

2003 : 150e anniversaire de l’arrivée des Tamouls à Saint-Pierre en Martinique. Le président du Conseil Régional, Alfred Marie-Jeanne, célèbre avec faste cette commémoration, symbole de l’intégration réussie des indiens dans la collectivité territoriale martiniquaise. Le gouvernement de l’Inde reconnait l’Indianité martiniquaise en finançant quelques manifestations, et aussi par l’envoi de « troupes culturelles ».

2015 : visite de l’Ambassadeur de l’Inde en Martinique, et à Saint-Pierre dans le cadre du 164e anniversaire de l’arrivée des Indiens. »

https://gopiofrance.com/martinique/

https://www.facebook.com/gopio.martinique1/

Fort-de-France, le 6 mai 2020