Greg Germain : une Agence pour inventer des outils de rencontre et de valorisation des cultures ultramarines.

— Propos recuillis par Dominique Daeschler —:
greg_germainDe lui, ma grand’mère aurait dit « qu’il porte beau ».Greg Germain, acteur, metteur en scène, réalisateur, directeur de théâtre en énerve plus d’un. On le dit clivant, volontiers bourru, aimant le pouvoir. C’est avec insolence qu’il porte ses engagements. Fin politique, acharné au travail, il et aussi d’une exquise politesse. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il est incontournable quand on parle des Outremers. Né à Pointe à Pitre, il a fait pas mal d’aller-retours entre sa ville natale et Enghien où il a vécu une partie de sa jeunesse. Parisien aujourd’hui il n’a jamais cessé de réfléchir à la double culture des Français d’Outre-mer, à leur écartèlement, au signifiant profond de ces «  euroblack, domien, négzagonal, négropolitain ». En 2013, à la demande du Président de la République, il met en place la préfiguration de l’Agence pour la Promotion et la Diffusion des Cultures de l’Outre-mer.

D Daeschler : Cette Agence c’est un défi, une boulimie, un nouveau combat ?
G Germain : C’est une nécessité. Il ya une absence de visibilité culturelle qui pousse les Français de l’Hexagone à avoir de L’Outre-mer et des populations qui en sont issues une vision simpliste marquée par de nombreux clichés. A travers la diffusion des cultures ultramarines et leurs diasporas, c’est à la question de la relation entre toutes populations, toutes les œuvres, tous les imaginaires que l’Agence doit répondre.

DD : Vous vous définiriez comme un passeur ?
GG : Oui, je le revendique absolument et je le définis comme une ambition citoyenne. Ce sont toutes mes diverses expériences professionnelles (acteur, présidence de Cinédom+ ; direction du Toma et présidence du Off en Avignon) qui ont conduit ma réflexion et arment mon bras. J’y mets ce que Glissant appelait «  le regard du fils et la vision de l’étranger ».

DD : C’est un cumul de missions et de sources de revenus ?
GG : Non, je ne cachetonne pas. Je vis très bien de mon métier d’acteur et de réalisateur. Mes « activités citoyennes » : la direction du Toma, la présidence du Off jusqu’à cette année, la présidence de l’Agence sont bénévoles.

DD : Tout ça c’est bien beau mais vu de l’extérieur on a tout de même l’impression que cette Agence ne décolle pas.
GG : C’est un travail de longue haleine. Il convient de ne pas construire sur du sable. Un seul moyen : le faire avec ceux qui en seront les utilisateurs et leur demander de quoi avez –vous besoin ? Encore une fois les cultures d’Outre-mer mal connues ne sont pas attendues, elles sont parfois mal dégrossies dans leur propre pays alors que ce sont des imaginaires qui méritent d’y être développés.

DD : Tout de même ça coince…
GG : Il y a eu trois études (Tertius, Giffard-De Canchy-, Colardelle) qui ont toutes conclu à sa nécessité. Il a fallu trouver un local, engager un directeur et des collaborateurs (budget des ministères de l’Outre-mer et de la Culture). C’est vrai que les services déconcentrés de l’Etat ne sont pas encore entièrement convaincus. Nous devons travailler ensemble tant en matière d’expertise que de construction de projet.

DD : Peut-on parler d’un déficit d’information ?
GG : Je pense qu’on a surtout vu en moi l’homme qui porte la casquette de directeur de la Chapelle du Verbe Incarné (Toma) et présidait le festival Off d’Avignon. On s’est méfié Il ya eu un déficit d’explication. La chaîne du sens, les complémentarités, elles sont encore à trouver.

DD : Parler de diffusion c’est parler d’un réseau…
GG : Bien sûr et il faut que le réseau soit adapté à ce qui est produit. J’affirme pouvoir travailler avec cinquante petits équipements dont je connais personnellement les directeurs. On peut travailler sur les distributions, les échanges, la mutualisation et jeter un pont avec les structures culturelles d’Outre-mer.

DD : Et le Toma ?
GG : Avec Marie Pierre Bousquet, cela fait 18 ans que nous dirigeons le Toma. Ce théâtre a aujourd’hui un vrai public. Côté spectacles, c’est un théâtre en ordre de marche que nous offrons aux compagnies. Nous sommes tout à fait conscients que la qualité des spectacles est insuffisante. La presse se déplace encore peu. Devenir un lieu de diffusion à l’année avec des possibilités de résidence, de formation (en lien avec L’ISTS) permettrait une meilleure préparation de spectacles qui arrivent parfois « en brouillon » car pas assez travaillés, pas assez répétés ou joués.

DD : Et le projet de convention ?
GG : C’est toujours l’Arlésienne…