Gisèle Halimi, défenseuse passionnée de la cause des femmes, est morte.

L’Union des Femmes de Martinique salue la mémoire de Gisèle Halimi, femme d’exception et figure de la lutte pour les droits des femmes.

Pour elle le féminisme est une lutte émancipatrice.

Elle est un exemple d’engagement militant et citoyen.

Son parcours de militante a été celui d’une femme engagée et pionnière dans la dépénalisation de l’avortement, et la condamnation du viol.

Mais elle a aussi lutté pour la dignité des peuples tunisiens et algériens, et contre les crimes de guerre et les viols en tant de guerre. Elle a toujours mis l’accent sur la dignité, l’humanité et la conscience.

Notre calendrier féministe de juillet lui est en partie consacré.

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Gisèle Halimi (جيزيل حليمي), née Zeiza Gisèle Élise Taïeb (arabe : زيزا جيزيل إليز الطيب), le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie et morte le 28 juillet 2020 à Paris, est une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne.

Enfance et formation

Elle naît le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie, d’une mère juive, Fortunée Metoudi, et d’un père d’origine berbère, Édouard Taïeb. Après des études au lycée de jeunes filles de Tunis, à la faculté de droit et de lettres de Paris et à l’Institut d’études politiques de Paris, elle entre au barreau de Tunis en 1949 et poursuit sa carrière d’avocate à Paris en 1956

Son enfance dans une famille traditionaliste est à l’origine de son combat dans la lutte féministe. En effet, dès son plus jeune âge, elle remet en cause ses obligations de fille au sein de sa famille. C’est pourquoi, à l’âge de 13 ans, elle entame une grève de la faim afin de ne plus avoir à faire le lit de son frère. Au bout de trois jours, ses parents cèdent et elle écrit dans son journal intime de l’époque : « aujourd’hui j’ai gagné mon premier petit bout de liberté ». Des années plus tard, elle estime qu’elle avait en elle « une rage, une force sauvage, je voulais me sauver ».

Mariée à Paul Halimi, administrateur civil au ministère français de l’Agriculture, dont elle porte toujours le nom sous lequel elle s’est fait connaître, elle se remarie avec Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre, dont elle a été l’amie et l’avocate.

Elle est la mère de Jean-Yves Halimi, avocat, Serge Halimi, directeur du Monde diplomatique, et d’Emmanuel Faux, journaliste à Europe 1.

Engagements

Fortement engagée dans plusieurs causes, elle milite pour l’indépendance de son pays, la Tunisie, mais aussi pour l’Algérie ; elle dénonce les tortures pratiquées par l’armée française et défend les militants du Mouvement national algérien poursuivis par la justice française. À partir de 1960, elle prend la défense de Djamila Boupacha, militante du Front de libération nationale algérien, notamment dans le journal Le Monde. Par la suite, elle cosigne avec Simone de Beauvoir Djamila Boupacha, livre dans lequel elle obtient de nombreux soutiens et la participation de grands noms comme Pablo Picasso dont son portrait de Djamila Boupacha figure sur la couverture.

Dans le même esprit, elle préside une commission d’enquête sur les crimes de guerre américains au Viêt Nam.

En 1965, Gisèle Halimi, en compagnie de Madeleine Guilbert, Marguerite Thibert, Évelyne Sullerot, Colette Audry et Andrée Michel, participe au Mouvement démocratique féminin, sorte d’union de la gauche avant la lettre qui soutient la candidature de François Mitterrand à la présidentielle de 1965 et veut unir socialisme et féminisme.

Féministe, Halimi est signataire en 1971 du Manifeste des 343, parmi 343 femmes qui déclarent avoir avorté et réclament le libre accès aux moyens anticonceptionnels et l’avortement libre.

Aux côtés notamment de Simone de Beauvoir et de Jean Rostand, elle fonde en 1971 le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes » et milite en faveur de la dépénalisation de l’avortement. Elle prendra la présidence de cette association à la mort de Simone de Beauvoir.

Au procès de Bobigny en 1972, qui a un retentissement considérable, elle obtient tout d’abord, au tribunal correctionnel, la relaxe pour Marie-Claire, une jeune fille de 16 ans qui avait avorté après un viol. Elle obtient aussi du sursis pour la mère et la relaxe pour les deux amies qui ont aidé Marie-Claire ; elle a fait de ce procès une tribune contre la loi de 1920. Ce procès contribue à l’évolution vers la loi Veil, votée en décembre 1974 et promulguée en janvier 1975, sur l’interruption volontaire de grossesse.

De même, sa stratégie de défense médiatisée de deux jeunes femmes victimes d’un viol collectif, Anne Tonglet et Araceli Castellano, devant les assises d’Aix-en-Provence en 1978 contribue à l’adoption d’une nouvelle loi en 1980 définissant clairement le viol et l’attentat à la pudeur et les reconnaissant comme des crimes, alors qu’ils étaient considérés jusque-là comme des délits en droit français. Elle aide et soutien la cinéaste Yannick Bellon à produire le film L’Amour violé (le premier à aborder le sujet frontalement) et présente le film, à de nombreuses reprises lors de débats sur le sujet.

Gisèle Halimi est également l’une des fondatrices de l’association altermondialiste ATTAC en 1998. L’activiste palestinien Marouane Barghouti lui a par ailleurs demandé d’être l’un de ses avocats.

En 1999, elle signe pour s’opposer à la guerre en Serbie la pétition « Les Européens veulent la paix », initiée par le collectif Non à la guerre, se situant dans la mouvance de la Nouvelle Droite.

Elle est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux commencent le 4 mars 2009.

Le 23 février 2010 est adoptée par l’Assemblée nationale, en sa présence, une résolution européenne sur le principe de la « clause de l’Européenne la plus favorisée » visant l’harmonisation des législations européennes concernant les droits des femmes suivant l’idée qu’elle avait émise dès 1979 lors de la première élection du Parlement européen au suffrage universel.

Politique

Élue à l’Assemblée nationale (députée de la quatrième circonscription de l’Isère) de 1981 à 1984, elle siège comme apparentée au groupe socialiste. Elle constate que ses projets n’avancent pas autant qu’elle le souhaiterait, et elle dénonce un « bastion de la misogynie ». Son amendement instaurant un quota pour les femmes aux élections a pourtant été voté à la quasi-unanimité par les députés, en 1982 ; la mise en échec de cet amendement revient au Conseil constitutionnel, qui le considère comme une entrave à la liberté du suffrage et à la libre expression de la souveraineté nationale.

Bien que nommée par lui ambassadrice de la France auprès de l’Unesco, une fonction qu’elle occupe d’avril 1985 à septembre 1986, elle se déclare déçue par François Mitterrand, qu’elle juge machiavélique.

Elle rejoint Jean-Pierre Chevènement à l’occasion des élections européennes de 1994, figurant en deuxième position sur la liste du Mouvement des citoyens.

Mort

Gisèle Halimi meurt le 28 juillet 2020 à Paris à l’âge de 93 ans