En France, un enfant disparaît toutes les 10 minutes

Fugues, enlèvements parentaux, disparitions inquiétantes : la Journée internationale des enfants disparus met en lumière des chiffres vertigineux.

Le temps de lire cet article, un enfant aura disparu en France. Parce qu’il sera parti en fugue, parce qu’un de ses parents aura décidé de le soustraire à l’autre sur fond de séparation, ou, plus inquiétant encore, parce que cette disparition n’aura pas de motivation connue.

La comptabilité des services de police et de gendarmerie fait froid dans le dos : plus de 51 000 disparitions en 2019. Certes, la grande majorité de ces enfants et adolescents sont retrouvés ou reviennent sains et saufs. Mais des milliers restent introuvables, laissant autant de familles dans le désarroi total. Comme chaque 25 mai, la Journée internationale des enfants disparus est là pour sensibiliser le plus grand nombre et médiatiser le plus possible le 116 000, ce numéro gratuit et européen réservé aux familles et proches d’enfants disparus. Même si cette année, Covid-19 oblige, il n’y aura pas de rassemblement à Paris.

«Un mineur qui disparaît est toujours en danger»

L’an dernier, les équipes du 116 000 ont géré quelque 1 200 dossiers. « Grâce à ce dispositif, nous pouvons offrir un accompagnement, une prise en charge, un suivi des parents, explique Laureen Burbau, directrice de la communication de Droit d’enfance, la fondation qui coordonne ce numéro d’urgence. Ce n’est pas les critiquer de dire que les policiers et les gendarmes ne sont pas formés pour gérer cet aspect. Il y a une aide sociale, parfois psychologique, à apporter face à des proches démunis et perdus. Lorsqu’un écoutant les prend en charge, il garde le lien. L’écoutant qui ouvre le dossier est aussi celui qui le ferme. Même si, au cours des entretiens, les familles peuvent avoir besoin de compétences différentes, soit d’un conseil juridique, soit de l’aide d’un psychologue. Parce qu’un mineur qui disparaît est toujours en danger. »

 

C’est souvent le cas pour les fugues de mineurs, qui représentent le plus gros volume de ces disparitions avec près de 50 000 cas. Dans l’imaginaire collectif, un fugueur revient fréquemment et rapidement sur ses pas, unee fois la crise passée. Ce que dément Laureen Burbau : « C’est effectivement une idée reçue », détaille-t-elle évoquant la « règle des trois tiers » : « Un tiers de ces jeunes revient ou est retrouvé dans les soixante-douze heures, un deuxième tiers dans le premier trimestre suivant la disparition, mais un dernier tiers reste en quelque sorte en errance ».

Ados en errance

Parmi ces milliers de fugueurs qui ne réapparaissent pas, certains sont entre-temps devenus majeurs et sortent donc du Fichier des personnes recherchées. Le jour de leurs 18 ans, ils acquièrent en quelque sorte le droit de disparaître et de ne plus donner de nouvelles.

Mais nombre de ces fugueurs qu’on ne retrouve pas ont aussi sombré dans la drogue, la prostitution ou dans d’autres formes de marginalité. Et les services de police et de gendarmerie n’ont pas les moyens de pister ces dizaines de milliers de fugueurs : « D’autant que la plupart sont en quelque sorte des récidivistes, confirme un officier de la brigade des mineurs à Paris. Ils partent, reviennent, repartent. Souvent, nous commençons à les chercher et ils sont déjà revenus. Parfois sans que nous en soyons informés par ceux qui ont fait le signalement. Nous essayons donc de nous concentrer sur les disparitions, mêmes volontaires, qui sont les plus inquiétantes, comme celles de très jeunes mineurs dont nous savons qu’ils sont très vite vulnérables. »

« Il y a des disparitions volontaires qui se transforment en disparitions inquiétantes, confirme Laureen Burbau. Etre en errance quand on est ado, c’est être en danger et parfois faire de très mauvaises rencontres. » Sachant, de surcroît, que plus de 18 000 de ces disparus ont moins de 15 ans.

L’inquiétude, l’effroi même, que représentent les disparitions d’enfants est le quotidien des écoutants du 116 000. « Les parents ont besoin de parler et c’est un des rares endroits où nous sommes là pour entendre, sans juger, et bien sûr pour les aider », ajoute Laureen Burbau. Et comprendre qu’au-delà des chiffres déjà glaçants, ce sont chaque année des milliers de mineurs qui ne donnent plus signe de vie.

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