Emel Mathlouthi , Tunis dans la voix

En concert à Tropiques-Atrium le 10 mars à 19h30

— Par Aliette de Laleu —

Emel Mathlouthi (arabe : آمال المثلوثي), aussi connue sous le nom Emel, née le 11 janvier 1982 à Tunis, est une chanteuse, auteure-compositrice et productrice de musique tunisienne. Elle se fait connaître en 2011 avec le titre Kelmti Horra (signifiant en français « Ma parole est libre »).

Elle vit depuis entre son pays d’origine, la France et les États-Unis. En 2020, la vidéo de sa chanson Holm est vue plusieurs millions de fois en l’espace de quelques mois.

Connue pour une vidéo devenue virale après la révolution tunisienne de janvier 2011, la chanteuse Emel Mathlouthi a quitté son pays natal et s’est réconcilié avec ses racines dans son dernier album, enregistré à Tunis pendant le confinement.
Le 14 janvier 2011, Ben Ali quittait le pouvoir en Tunisie après un mois de révoltes. De cette révolution il reste des images marquantes, notamment celle d’une chanteuse.
Habillée tout en rouge, elle se tient debout parmi la foule calme. Ben Ali a quitté le pays mais le peuple tunisien continue de se réunir et ce jour-là, Emel Mathlouthi choisit de chanter une de ses compositions : Kelmti Horra, Ma parole est libre…

En peu de temps, la vidéo d’Emel Mathlouthi fait le tour du monde et devient une sorte d’hymne au cœur des révoltes qui secouent alors de nombreux pays. La révolution en Tunisie a lancé le vaste mouvement du Printemps arabe et la voix d’Emel Mathlouthi résonne fort pour toutes les personnes qui sortent dans la rue.
« Et de ceux qui résistent nous sommes la voix »
“Nous sommes des êtres libres qui n’ont pas peur. Nous sommes des secrets qui jamais ne meurent, et de ceux qui résistent nous sommes la voix, dans leur chaos nous sommes l’éclat”.
Même si les paroles semblent avoir été écrites pour les événements qui ont secoué la Tunisie à la fin de l’année 2010, la chanson d’Emel Mathlouthi est en fait plus ancienne et date de 2007. Le texte autour de la liberté d’expression a en fait été écrit par le poète et auteur Amine Al Ghozzi à Paris. Cette chanson universelle a par la suite été enregistrée par la chanteuse tunisienne dans son premier disque.

Derrière celle que l’on a longtemps désigné comme la voix de la révolution tunisienne, il y a une femme, née à Tunis, profondément attachée à son pays natal mais qui a dû le quitter pour créer plus librement. Emel Mathlouthi vit aujourd’hui aux Etats-Unis et a mis du temps avant de remonter sur une scène tunisienne. Elle dit qu’elle a vécu une relation tumultueuse avec son pays mais qui s’est apaisée notamment grâce à son dernier disque.
Un dernier album intime
Elle enregistre l’album The Tunis Diaries confinée dans son ancienne maison de famille à Tunis, avec son père et sa fille. Munie d’un simple micro et d’une guitare, elle reprend des anciens titres qu’elle a écrit, et propose aussi dans une deuxième partie des reprises : Leonard Cohen, Jeff Buckley, Rammstein, Nirvana ou encore David Bowie.
Seule avec sa guitare, seule avec les souvenirs de sa ville natale, Emel Mathlouthi va à l’essentiel. D’ailleurs elle choisit à ce moment-là pour nom d’artiste de ne garder que la simplicité de son prénom : Emel.
Entre sa chanson de protestation et ce dernier album plus intime, Emel Mathlouthi a créé un univers bien à elle à travers deux autres disques où la matière sonore est plus dense. Dans Ensen, son deuxième album, on entend bien cette recherche et toutes les influences de la chanteuse.

Difficile de résumer la personnalité artistique d’Emel Mathlouthi à travers quelques morceaux. Elle est à la fois mystique comme on peut l’entendre dans son usage de ses percussions et rythmes, engagée, notamment dans tous ses textes, mais aussi fragile à l’image de sa voix légèrement voilée. Emel Mathlouthi ne choisit pas ses influences, elle suit son propre chemin en tentant d’échapper aux clichés qui pourraient la rattraper. Elle dit dans une interview donnée au magazine Numéro :
“Quand on est une artiste arabe, on n’a le droit de choisir qu’entre les stéréotypes, la fausse représentation ou l’invisibilité. On vous définit malgré vous.”

Source : RadioFrance