Écologie : « La culture jeune est consumériste par essence »

— Par Olivier Galland, sociologue —

Les études montrent que l’inquiétude écologique est désormais très partagée par les jeunes, mais que ceux-ci restent en retrait dès lors qu’il s’agit de changer de comportement. Il existe donc un fort décalage entre leurs inquiétudes et leurs pratiques.→ DÉBAT. Climat, les jeunes sont-ils vraiment prêts à changer de comportement ?

Ceci n’est pas très surprenant. La culture jeune est consumériste par essence, car elle est fondée sur l’apparence et l’hédonisme. Les jeunes d’aujourd’hui comme ceux d’hier veulent sortir, voyager, prendre du plaisir, etc. Tout les y pousse d’ailleurs, à commencer par les études qui les emmènent de plus en plus loin et donc à prendre des avions qui polluent et à donner des nouvelles par des smartphones anti-écologiques. Ce mode de vie propre à cet âge n’est donc pas, en lui-même, très compatible avec l’économie d’énergie ou la réduction de la consommation.

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Pour autant, il y a désormais plus de différences sur ces questions au sein de la jeunesse elle-même qu’entre les générations. L’écologie fait indéniablement partie des valeurs post-matérialistes qui font consensus, toutes générations confondues. Il faut bien voir que nous ne sommes plus du tout dans les années 1960 où la jeunesse cherchait à faire reconnaître sa propre culture en se démarquant de la génération précédente. Désormais, entre 18 et 60 ans, la majorité des gens partagent les mêmes valeurs, dont la protection de l’environnement fait désormais partie.

À l’inverse, la jeunesse est divisée. Par exemple, il n’y a pas grand-chose de commun entre les lycéens qui marchent pour le climat à la suite de Greta Thunberg et d’autres du même âge, qui n’ont pas fait d’études, sont en recherche d’emploi et donc très loin de ce type de préoccupations. Le fait d’être mobilisé, de participer à des manifestations est très fortement corrélé au niveau d’études, mais aussi au bain familial dans lequel on est élevé. Plus on est formé, plus on a eu le modèle de l’engagement dans la famille, plus on bénéficie d’une ouverture culturelle qui permet de s’intéresser à des questions plus large que soi-même.

On cite par ailleurs souvent le vote des jeunes en faveur de l’écologie mais, là aussi, il faut en relativiser la portée : certes les jeunes qui ont voté à la présidentielle ont voté plus « vert » que le reste de la population… mais beaucoup n’ont pas voté. Le poids du vote écologiste n’est donc pas plus important parmi les jeunes que dans le reste de la population quand on inclut l’abstention.

Je ne suis pas sûr donc qu’il faille compter sur la jeunesse dans son ensemble pour renverser la table. En sociologie, il y a d’ailleurs une loi qui veut que les changements sont toujours très lents et que les ruptures générationnelles, souvent très surestimées. Tout cela prendra du temps.

Recueillis par Emmanuelle Lucas

 

(1) Auteur de nombreux livres, Olivier Galland a contribué à l’ouvrage collectif « Les valeurs des Français » dirigé par Pierre Bréchon, Armand Colin

Source : LaCroix.com